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Les autorités suisses ont finalement statué et écarté l’inclusion du Hezbollah dans la liste des organisations terroristes contrairement aux Etats-Unis ou encore à l’Union européenne, annonce le quotidien Al Akhbar dans son édition de ce samedi 5 novembre, au grand damn des demandes aussi des autorités israéliennes.

Cette information du quotidien Al Akhbar intervient alors que l’ambassade suisse au Liban souhaitait organiser un dialogue entre les différents partis politiques libanais afin d’aboutir à l’élection d’un nouveau président de la république. Cette initiative de bon office a été cependant contrecarrée par l’Arabie saoudite qui estimait que celle-ci remettrait en cause les accords de Taëf.

Pour rappel, cette procédure faisait suite à une demande de parlementaires – Marianne Bender Keller et Gerhard Pfister – souhaitant faire interdire le Hezbollah sur le sol helvétique et ouverte en juin 2020. Ce rapport indique que le mouvement chiite a peu d’activité en Suisse et ne se déplace pas au sein de la communauté libanaise pour collecter des fonds” et “à la lumière des conditions de sécurité actuelles. Par conséquent, “l’évaluation de la menace terroriste que le parti pourrait représenter pour La Suisse reste faible”.

Par ailleurs, l’interdiction du parti et de ses activités “pourrait affecter, d’une part, l’activité diplomatique suisse, donner une mauvaise image de la Suisse et saper la crédibilité de la Suisse en tant que pays neutre”. L’imposition de l’interdiction encourage également les activités clandestines, ce qui rend le travail des services de sécurité plus difficile, notant que quelques pays dans le monde (dont cinq pays européens, la Lituanie, l’Estonie, les Pays-Bas, la République tchèque et l’Allemagne) ont interdit le parti et ses activités. 

Selon le contenu du rapport cité par le quotidien Al Akhbar, les auteurs ont dû répondre à différentes questions au sujet des activités du Hezbollah en Suisse:

  1. Les organes de protection de l’État surveillent-ils les individus ou les institutions affiliés au Hezbollah ?
  2. Est-il possible, dans le cadre des mesures anti-blanchiment, de savoir si le parti perçoit de l’argent en Suisse ou détient des comptes en Suisse ?
  3. Le parti a-t-il des contacts avec d’autres organisations islamiques en Suisse ?
  4. Comment la Suisse s’assure-t-elle que les individus et les organisations dont les activités ont été interdites par l’Allemagne ne poursuivront pas ces activités sur le sol suisse ?
  5. Est-il encore possible de faire la distinction entre la branche « politique » du parti et sa branche « militaire » après que l’Allemagne l’a inscrit sur la liste d’interdiction ?

Selon le rapport, la force actuelle du mouvement chiite est à trouver auprès de “la division historique” entre sunnites et chiites, et de leur développement « d’approches partiellement distinctes de la pratique religieuse et organisation communautaire », reflétée plus tard dans les « différends entre États comme entre l’Arabie saoudite et l’Iran ». Les auteurs soulignent que le régime libanais n’a pas pris en compte les changements démographiques, ce qui a exacerbé le manque de représentation politique de la composante chiite et la détérioration de sa situation économique avant la guerre, ce qui a contribué à « (…) amener de nombreux chiites à considérer que seules les organisations fondées sur l’appartenance religieuse sont capables de protéger leur communauté ».

Les auteurs du rapport reviennent sur l’évolution du Hezbollah depuis sa première charte jusqu’à aujourd’hui et de sa transformation.

Si au départ, le parti adopte sa vision d’une « société islamique » qui contredit un certain nombre de prétendues valeurs occidentales reconnaissant par ailleurs que le parti bénéficie de l’appui de la communauté chiite, celui-ci, selon le texte était considéré “ncore plus que le mouvement Amal – un allié rival – comme le plus crédité pour le mouvement social et l’amélioration économique de cette communauté, ainsi que son poids politique.”

Ainsi cette communauté bénéficie d’institutions caritatives qualifiées de bien organisées et d’avoir géré avec succès des hôpitaux et des institutions financières ainsi qu’éducatives.

Depuis le début de la crise économique en 2019, il a élargi le champ de son aide sociale des céréales au diesel en passant par la nourriture, et a créé des magasins et des pharmacies qui vendent des produits iraniens et syriens bon marché. carte prépayée émise par la partie qui est remplie régulièrement. Quant à l’association à but non lucratif du parti, Al-Qard al-Hassan, malgré les sanctions américaines contre elle depuis 2007, elle continue d’accorder de petits prêts sans intérêt en dollars américains, à un moment où les banques commerciales libanaises s’abstiennent de restituer les dépôts en dollars . Contrairement à d’autres partis, le parti verse en dollars les salaires de ses combattants et employés dans des institutions caritatives.

Il est passé de l’exigence de l’établissement d’une république islamique sur le modèle iranien en 1985 à celle de la construction d’un État libanais moderne et laïc en 2009, avec sa fermeté à « lutter contre Israël et les États-Unis ». Dans son introduction, le rapport enregistre les encouragements du parti, malgré son discours laïc, au changement culturel dans les zones qu’il contrôle, et sa réservation d’aides sociales sérieuses à ses fidèles partisans.

Concernant les armes du Hezbollah, les auteurs reconnaissent que la fin de l’occupation israélienne en 2000 et la guerre de 2006 ont donné au parti un soutien politique interne qui allait au-delà de la communauté chiite, tandis que d’autres pensaient qu’aucun des problèmes fondamentaux du Liban ne pouvait être résolu avant de le désarmer. Mais « ce n’est pas seulement une milice armée, mais surtout un parti politique qui assume une responsabilité dans le gouvernement, et renforce son influence auprès de ses partisans grâce à ses institutions caritatives et sociales. Dans un avenir prévisible, il restera une force politique bien organisée qui peut compter sur un soutien solide de sa base.

Les auteurs reconnaissent que le Hezbollah est actif auprès de la diaspora libanaise et plus particulièrement via des centres religieux et des associations culturelles en dépit de difficultés liées à son implication en Syrie, même si celle-ci aurait considérablement diminué.

Cependant, le conflit en Syrie a permis au Hezbollah d’acquérir une expérience militaire, mais a conduit à un sentiment croissant d’hostilité à son égard, en particulier “au sein de la population sunnite en général”, tout en bénéficiant du soutien d’une partie de la communauté chrétienne confrontée à la menace djihadistes. Il rappelle que le Hezbollah a mené des attaques contre Israël mais aussi des installations militaires, des ambassades et des personnels diplomatiques français, américains et occidentaux”, et “kidnappé civils occidentaux jusqu’au début des années 1990 et serait impliqué dans l’assassinat de l’ancien premier ministre Rafic Hariri.

Une branche opérant à l’étranger est également citée. Elle serait responsable de plusieurs attentats ou tentatives d’attentats et de diverses activités préparatoires liées au terrorisme sur plusieurs continents et serait désignée par les Etat-Unis comme étant l’Organisation du Jihad Islamique.

Les auteurs estiment que les attentats dans lesquels des “éléments du parti” seraient impliqués les 14 attentats commis en France entre 1985 et 1986, la riposte à l’assassinat du secrétaire général du parti Abbas al-Moussawi par l’attentat contre l’ambassade d’Israël à L’Argentine, considéré comme un “message de dissuasion indiquant que personne ne peut tuer un haut responsable du Hezbollah sans risquer une riposte”, notant que le Hezbollah a nié toute implication dans l’attaque. 

Quant à l’attentat contre le siège d’une association juive à Buenos Aires en 1994, le rapport note que l’enquête judiciaire a été « entachée d’accusations de plusieurs ingérences ». Et enfin, le “dispositif Yurgas en Bulgarie”, dont les autorités judiciaires ont déclaré que les deux personnes condamnées pour cet attentat appartenaient à “l’aile militaire du Hezbollah.” L’Union européenne a classé l’aile militaire du parti comme organisation terroriste. Ainsi, « cette description ne concerne pas sa branche politique ». Il a souligné que “les attaques menées par le Hezbollah font toujours partie d’un conflit ou d’une crise”. Cependant, “le Hezbollah lui-même ne l’a jamais revendiqué”.

Le Hezbollah est donc capable d’ajuster ses actions en fonction des menaces et maintient une politique de dissuasion mais aucune opération terroriste ne serait imminente.

En Suisse même, une quinzaine d’individus seraient liés au Hezbollah. Cependant, “tous les sympathisants ne sont pas nécessairement religieux ou politisés”. Une vingtaine de centres chiites seraient présents mais ne seraient pas fréquentés exclusivement par les libanais.
Côté financement, aucun transfert finançant le Hezbollah n’a été pour l’heure trouvé.

“Aucune levée de fonds n’est observable au sein de la diaspora chiite libanaise en Suisse : « Si de tels groupes existent dans notre pays, ils sont marginaux et faiblement organisés. Les dons et cotisations aux centres et associations chiites suisses servent à leur fonctionnement et ne sont pas destinés à financer le mouvement au Liban.”

Si la Suisse a été témoin des activités de l’OSE à la fin des années 2000 où l’on soupçonnait que de nombreux individus participant aux activités opérationnelles de l’organisation auraient formé une cellule de soutien dans la région de Zurich, l’existence d’une telle cellule ne signifie pas qu’un attentat sera commis . Cependant, cette activité signifie que si le Hezbollah identifie une cible d’un acte terroriste en Suisse, il disposera de renseignements pour évaluer sa faisabilité”, concluent les auteurs à ce sujet.

Ils rappellent aussi que si les Etats-Unis ont classé le Hezbollah comme entité terroriste, l’Union européenne différencie l’aile militaire de l’aile politique. Seule l’aile militaire est actuellement classée comme terroriste au sein de l’UE.

Le rapport note que depuis 2020, la pression politique s’est accrue sur l’Union européenne, en particulier de la part des États-Unis, pour répertorier le Hezbollah comme organisation terroriste. Cependant, au sein de l’UE, il n’y a actuellement ni négociations actives ni volonté politique de changer la position de l’UE, ce qui ne sera possible qu’avec l’unanimité des États membres. Si l’Union donne la priorité à la stabilité politique, économique et sociale au Liban, elle est tenue de poursuivre le dialogue avec tous les acteurs et partis politiques du pays (y compris le parti chiite).

Le rapport souligne que la répression du terrorisme se concentre sur les individus pour lesquels les autorités ont des indices concrets de leur implication dans des activités illégales, ou qui représentent une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure. A l’époque, le SRC collecte des informations provenant de sources publiques et non publiques, telles que : Internet, les réseaux sociaux, la surveillance des lieux publics, le recrutement d’informateurs, le système informatisé de recherche policière, le système d’information Schengen. La SRC peut également arrêter et interroger des personnes pour établir leur identité.

Depuis 2016, la fédération suisse a délivré près de 600 interdictions d’entrée à des personnes liées au terrorisme et a expulsé 26 résidents accusés de menaces terroristes contre la sécurité intérieure. Mais le Hezbollah n’était pas impliqué dans ces faits. 

Par ailleurs, dans le cas où des membres du Hezbollah sont directement ou indirectement impliqués dans les relations d’affaires qu’ils entretiennent, alors le lien direct ou indirect entre des libanais et le Hezbollah ne constitue pas en soi un soupçon justifiable de blanchiment d’argent, de crime organisé ou de financement du terrorisme. 

Ainsi, à ce jour, « le ministère public de l’Union (MPC) n’a ouvert aucune enquête pénale liée au Hezbollah, car il n’y a pas suffisamment de suspicion contre une personne ou un groupe en lien avec la commission d’un crime ».

Le rapport souligne que le Conseil fédéral peut empêcher tout individu, organisation ou groupe d’exercer une activité qui constitue une menace concrète pour la sécurité intérieure ou extérieure. Mais pour cela, une condition préalable est “la présence d’indices tangibles de menaces à la sécurité du pays”. Alors que « de simples suppositions ne suffisent pas, car la décision du Conseil fédéral peut faire l’objet d’un recours devant le Tribunal administratif fédéral ». 

Le rapport souligne aussi l’importance de la neutralité politique de la Suisse, car elle peut toujours jouer son rôle de médiateur crédible dans les conflits, et éviter ainsi de devenir une cible d’influence politique des parties au conflit en matière d’interdiction d’organisations.

Concernant la qualification juridique du Hezbollah en tant qu’organisation terroriste, le rapport a souligné que « l’organisation est considérée comme terroriste lorsque son but est de commettre des crimes violents visant à intimider la population ou à forcer un État ou une organisation internationale à faire ou à ne pas faire quelque chose. Selon les lois suisses et les travaux de renseignement, il y a huit groupes ou organisations qui répondent à ce cahier des charges, sans compter le Hezbollah, ce sont : le groupe islamiste extrémiste “Martyrs du Maroc”, l’organisation extrémiste secrète albanaise kosovare ANA, l’italienne “Brigitte Ross” , l’ETA basque, l’Internationale « Shabaka » d’Al-Qaïda, les Forces de défense du peuple du Kurdistan, la branche militaire du Parti des travailleurs du Kurdistan, les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK).

Il s’agit donc de protéger le rôle de la Suisse comme médiateur possible, ce pays étant considéré au Liban et dans la région comme un acteur neutre hautement considéré dans la politique de paix avec un bon accès aux acteurs clés de tous les groupes politiques et religieux. 

Ainsi la Suisse représente les intérêts iraniens en Égypte, depuis 1980 les intérêts des États-Unis en Iran, depuis 2018 les intérêts de l’Iran en Arabie saoudite et les intérêts saoudiens en Iran, et depuis juin 2019 les intérêts iraniens au Canada.

Par conséquent, il jouit d’une grande confiance, tant parmi les représentants du gouvernement que dans la société civile. Il est connu pour son engagement en faveur d’un dialogue inclusif – contrairement à d’autres acteurs internationaux – qui rassemble tous les partis politiques autour d’une même table. Le Hezbollah faisant partie du gouvernement libanais depuis 2005, l’intégration active du Hezbollah

dans les processus de dialogue est d’une importance capitale pour l’engagement de la Suisse au Liban.

Il a noté qu’«en principe, les organisations terroristes ne peuvent être interdites en Suisse que sur la base d’une décision similaire du Conseil de sécurité, qui ne désigne pas la partie comme organisation terroriste. Même si l’interdiction était juridiquement réalisable, elle aurait des répercussions sur le rôle de la Suisse en tant qu’acteur de la politique de paix, au Liban et au-delà, ainsi que dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.

De manière générale, il est devenu clair au cours des deux dernières décennies que l’inclusion d’organisations terroristes par certains pays a non seulement peu d’impact sur les groupes eux-mêmes, mais entraîne également des difficultés au niveau de l’aide humanitaire et de la promotion de la paix, ainsi qu’au niveau économique. 

Par ailleurs, le rapport publié par le quotidien Al Akhbar note que «L’interdiction des activités du Hezbollah l’incitera à s’adapter à l’effacement des liens visibles avec les centres et associations de la diaspora chiite libanaise, et à renforcer les liens invisibles et secrets d’une manière qui rend difficile le travail des services de renseignement suisses. Cela aura des effets tangibles négatifs sur les services de sécurité en Suisse.»

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