Le juge Tarek Bitar a décidé de contre-attaquer et met en cause la décision du ministre de la justice Henri Khoury qui devrait désigner un nouveau juge dans l’affaire de l’explosion du Port de Beyrouth suite à la décision de la haute cour de justice.

Le juge Bitar a ainsi cité l’article 53 du code pénal qui pourrait ainsi amener à la poursuite de “toute autorité judiciaire ou tout juge qui accepte cette mission”. Selon cet article, “quiconque viole le secret de l’instruction s’expose à des poursuites devant le juge dans le domaine duquel l’acte s’est produit”.

Ainsi, toute personne ou agence de sécurité coopérant également avec un nouveau juge désigné pourrait se voir être poursuivie.

Pour rappel, les anciens ministres des finances Ali Hassan Khalil et des travaux publics Ghazi Zoaiter, proches de Nabih Berri, et qui sont demandé pour interrogatoire par le juge Bitar, se retranchent sous le couvert de l’immunité parlementaire dont ils prétendent jouir alors que les experts légaux estiment que celle-ci ne s’applique pas sur les affaires de droits communs.

Par ailleurs, les nominations de la cour d’appel devant laquelle les recours sont présentés restent bloquées, paralysant ainsi cette institution qui tarde à statuer. En cause, le ministre des finances Youssef Khalil, également proche de Nabih Berri, refuse de signer le décret nommant de nouveaux magistrats. Ainsi, la haute cour de justice, largement influencée par certains partis, souhaiterait nommer un nouveau juge dont la première mission sera de se prononcer sur les recours des personnes actuellement détenues.

Cependant, les familles des victimes, suite à l’ingérence de personnalités de premier plan, craignent de voir ce nouveau magistrat tenter de disculper les anciens ministres face à leur responsabilité en dépit d’un certain nombre d’éléments les impliquant directement dans l’arrivée des 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium et leur stockage en dépit de la dangerosité pourtant signalée dans ces documents. Pour rappel, l’explosion de 2750 tonnes de ce nitrate d’ammonium a fait plus de 240 morts et plus de 6000 blessés, le 4 août 2020. ,

Le juge Jihad Wadi se récuse par avance

Désigné comme juge d’instruction potentiellement nommé par le ministre de la justice, le juge Jihad al Wadi s’est récusé et indique ne pas avoir été informé d’une telle décision.

“De toute façon, si on m’avait proposé cette mission, je ne l’aurais pas acceptée, d’autant plus que j’étais le premier président de la cour d’appel de Beyrouth et qu’il ne m’était pas permis d’accepter le poste de juge suppléant”, a déclaré le magistrat.

L’ordre des avocats dénonce également la décision de la haute cour de justice

Réuni aujourd’hui, sous la présidence du bâtonnier Nader Kaspar, l’ordre des avocats a également dénoncé la décision de la haute cour de justice, appelant à respecter les lois et les régulations qui régissent le domaine juridique.

“Après avoir nommé un enquêteur judiciaire conformément aux règles et exercé ses fonctions, il n’est pas possible au cœur de cette affaire de nommer un autre enquêteur judiciaire, même sous aucun prétexte, d’autant plus que l’enquête n’est pas menée par des enquêteurs différents, sans compter la possibilité de solliciter la réponse de l’enquêteur en second lieu, ou de déposer une requête en contentieux”, note le communiqué.

Ils estiment ainsi que cette décision compromet le prestige de la magistrature avant d’appeler à l’avancement de l’enquête toujours bloquée “afin de découvrir la vérité, punir les criminels et préserver les droits de toutes les parties, loin de la politisation et de la discrétion.”

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