Nombreux sont ceux qui prĂȘtent hommage Ă la politique monĂ©taire suivi par la Banque du Liban alors que les crises Ă©conomiques se multiplient et notamment pas trĂšs loin de chez nous, en Turquie, oĂč la devise locale dĂ©visse par rapport au dollar.
Ils saluent ainsi le maintien de la paritĂ© de la Livre Libanaise par rapport aux devises Ă©trangĂšres, sans pourtant comprendre ce qu’il en coĂ»te aujourd’hui de la maintenir Ă tout prix.
On n’a que trop tendance Ă confondre politique Ă©conomique qui revient aux autoritĂ©s gouvernementales et politique monĂ©taire qui revient aux autoritĂ©s de rĂ©gulation bancaires.
Au Liban nous n’avons pas de gouvernance en terme de politique Ă©conomique mais nous avons de facto une politique monĂ©taire indĂ©pendante sans aucun contrĂŽle et aucune dĂ©cision politique qui impacte quotidiennement notre situation Ă©conomique et cela Ă©videmment sans que cela ne fasse l’objet d’un dĂ©bat public.
La mission du gouverneur de la Banque Centrale Riad Salamé suivie depuis sa nomination était la sauvegarde de la parité Livre Libanaise par rapport aux devises étrangÚres. Nous ne pouvons que saluer celui-ci qui a réussi dans sa tùche depuis 25 ans.
Cela, Riad SalamĂ© s’en ait donc bien acquittĂ© mais aujourd’hui, le prix de ce maintien, sur l’emploi, sur la croissance, sur les investissements privĂ©s ou mĂȘme publics est aujourd’hui Ă©norme et peut-ĂȘtre contre-productif Ă l’intĂ©rĂȘt national, notamment en raison des taux d’intĂ©rĂȘts qui induisent qu’il soit plus profitable de garder son argent comme Ă©pargne en lieu d’ĂȘtre rĂ©investie dans notre Ă©conomie.
On aurait bien pu poursuivre la mission de stabilisation de la Livre Libanaise, soutenir une politique d’une Livre Libanaise forte si cette politique s’Ă©tait Ă©galement faite accompagnĂ©e par une politique Ă©conomique adĂ©quate avec la mise en place d’une politique industrielle par exemple ou des gains de compĂ©titivitĂ© de nos diffĂ©rents secteurs Ă©conomiques donc sans nuire Ă l’investissement privĂ© ou Ă la consommation des foyers.
Or cela n’a pas Ă©tĂ© le cas et la situation a encore mĂȘme Ă©tĂ© derniĂšrement aggravĂ©e par l’augmentation des salaires – en lieu et place d’une augmentation plus logique du pouvoir d’achat par les mesures adĂ©quates – tant dans le secteur public que privĂ©, chose Ă laquelle la Banque Centrale aurait normalement dĂ» rĂ©agir en en contre-balançant les effets par une dĂ©valuation de la Livre Libanaise.
Cette absence de politique Ă©conomique officielle, est par ailleurs illustrĂ©e par le fait qu’il soit par exemple revenu aux autoritĂ©s bancaires, au lieu des autoritĂ©s politiques, d’intervenir en 2013 pour subventionner diffĂ©rents projets immobiliers via un programme d’aide dont les sommes allaient essentiellement, non pas aux consommateurs et futurs clients mais aux promoteurs eux-mĂȘme, ainsi encouragĂ© Ă faire plus d’immeubles et donc Ă remplir encore plus le stock immobilier dĂ©jĂ consĂ©quent sans pour autant stimuler la demande.
Aujourd’hui, faute de pouvoir poursuivre ce programme, le secteur s’effondre comme l’illustre l’annonce de difficultĂ©s ou encore de la banqueroute financiĂšre de certaines entreprises. Cela n’Ă©tait cependant que probable dĂšs son lancement, faute qu’il y ait une demande.
Aujourd’hui, il est dĂ©sormais plus rentable d’ĂȘtre un rentier avec des fonds disponibles au sein des Ă©tablissements bancaires avec des taux qui dĂ©pendent des sommes et qui peuvent atteindre jusqu’Ă 15% par an que d’ĂȘtre entrepreneur ou de donner un bien Ă la location (3.5% d’intĂ©rĂȘt seulement) sans subventions publiques et avec maintien des paritĂ©s actuelles en plus. Ne pas prĂ©tendre qu’il n’est pas risquer de dĂ©tenir des Livres Libanaises Ă la simple vue des taux d’intĂ©rĂȘts actuels n’est pas rationnel. DĂ©tenir la monnaie locale est donc risquĂ©e, sinon les taux d’intĂ©rĂȘts ne seraient pas aussi Ă©levĂ©s.
Ăvidemment, cela impacte dĂ©jĂ nos diffĂ©rents secteurs Ă©conomiques, cela participe au financement de lâĂtat devenu accro Ă la dette et maintient Ă©galement la paritĂ© Livre Libanaise par rapport au dollars au lieu de stimuler nos secteurs productifs.
Plus grave encore, les Ă©tablissements bancaires eux-mĂȘme n’ont donc aucun intĂ©rĂȘt de mettre en place une politique proactive d’investissement
C’est un coĂ»t pour notre Ă©conomie Ă long terme qui a oblitĂ©rĂ© les avantages Ă court terme du maintien de notre paritĂ© et c’est un effet nocif et toxique pour notre Ă©conomie dont beaucoup initiatives sont Ă©touffĂ©es en raison de la politique monĂ©taire.
Vue la continuitĂ© de la politique monĂ©taire suivie jusqu’Ă prĂ©sent, il ne semble pas que le gouverneur actuel de la BDL sache changer le cap.
Il est sage de savoir changer de politiques monĂ©taire quand cela s’avĂšre ĂȘtre nĂ©cessaire, notamment parce qu’on a besoin d’affranchir les banques des taux intĂ©rĂȘts, parce qu’on a besoin de sortir l’Ă©tat de son Ă©tat de dĂ©pendance Ă la dette publique et l’obliger Ă combattre les dĂ©tournements fiscaux dont les sommes compensent aujourd’hui cette dette publique, parce qu’on a besoin de baisser les taux d’intĂ©rĂȘts plus simplement pour relancer l’activitĂ© Ă©conomique et rĂ©concilier les libanais avec la culture de l’entreprenariat dont ils se faisaient auparavant les hĂ©rauts rĂ©gionaux.