Riad Salameh, governor of Lebanon's central bank, speaks to the Financial Times in his office in Beirut, Lebanon, on October 30, 2017. [Sam Tarling for the Financial Times]

La procureur du Mont Liban, la juge Ghada Aoun a publié un mandat d’arrêt à l’encontre du frère du gouverneur de la Banque du Liban, Raja Salamé dans le cadre d’accusations de détournements de fonds via une société Forry Associates lui appartenant ainsi qu’à Riad Salamé.

En décembre, la justice helvétique aurait ainsi remis au Liban des documents prouvant la culpabilité de plusieurs personnes dans le cadre de ce dossier.

Ils sont tous 2 accusés d’avoir détourné 326 millions de dollars sous couvert de commissions via la vente d’Eurobonds de la Banque du Liban. Cependant, ces montants auraient été transférés à un compte au nom de Raja Salamé en Suisse. La semaine dernière, plusieurs dirigeants de banque dont le président de l’Association des Banques du Liban Salim Sfeir ont vu leurs biens et ceux de leurs établissements gelés sur décision de la procureur du Mont Liban dans le cadre du même dossier.

Parmi les autres dirigeants de banque visés par une nouvelle plainte déposée par le groupe “People want to reform the Regime”, fin du mois de février, ceux de la Banque Audi Samir Hanna, de la SGBL Antoun Sehnaoui propriétaire aussi d’un nouveau site d’information francophone entre autre, de Saad Azhari pour la Blom Bank et de l’ancienne ministre de l’intérieur Raya Hassan, dirigeante de la Bank Med dont la famille de l’ancien premier ministre Rafic Hariri est le principal actionnaire. 

Pour rappel, le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, fait également l’objet d’un mandat d’arrêt cependant non exécuté par les Forces de Sécurité Intérieure du général Imad Othman, proche comme lui de l’ancien premier ministre Saad Hariri.

Côté libanais aussi , le procureur de la république, le juge Ghassan Oweidat, un proche comme Riad Salamé de l’ancien premier ministre Saad Hariri, aurait empêché le magistrat Jean Tannous en charge de l’enquête Forry Associates de communiquer avec ses homologues étrangers.

Selon les termes du contrat, Forry Estate recevait ainsi une commission des 3/8ème des 1% commissions sur l’achat des certificats de dépôts de l’état via la Banque du Liban par les banques privées entre 2004 et 2014. Ces montants qui atteignaient ainsi ensuite plusieurs millions de dollars étaient reversés et redistribués, selon les aveux même de Riad Salamé, en connaissance de la commission centrale de la Banque du Liban.

Cependant, le contrat signé par la Banque du Liban avec les banques locales ne stipule pas le nom de Forry Associates, ce qui amène les experts judiciaires à s’interroger sur les versements effectués au bénéfice de cette entreprise et transférés en connaissance de cause par 6 banques locales à l’étranger.

Il s’agit désormais de déterminer les rôles de ces établissements et de ces proches dans des transferts qui sont dérivés de la corruption, note la plainte.

Pour rappel, le gouverneur de la Banque du Liban est arrivé dans les valises de l’ancien premier ministre Rafic Hariri en 1993. Il était précédemment son chargé de compte à la Merril Lynch. Considéré comme proche de nombreux hommes politiques, il jouirait de leur soutien tout comme celui des Etats-unis, alors que 6 pays ont ouvert des enquêtes à son encontre.

Riad Salamé dans la tourmente judiciaire en Suisse, à Londres et en France

Un groupe d’activistes basé à Londres a accusé nommément le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé ainsi que ses proches, de corruption et de blanchiment d’argent sale.

Le groupe qui s’appelle Guernica37 a ainsi transmis ce rapport à la police britannique dès l’année dernière ainsi qu’à l’Agence Nationale de lutte contre le crime. Ce rapport a été préparé à la demande de groupes d’activistes de la société civile libanaise.

Une enquête préliminaire serait également en cours pour vérifier les informations publiées. Il s’agira ensuite d’ouvrir une enquête formelle.

Riad Salamé aurait ainsi pu détourner plusieurs centaines de milliards de livres libanaises, réinvestis en actifs financiers en Grande Bretagne, accusent les auteurs de ce rapport qui l’ont également transmis aux autorités judiciaires d’autres pays européens.
Riad Salamé, qui a pris connaissance de ce rapport estime qu’il s’agit de fausses allégations.

Ce rapport accuse notamment le gouverneur de la Banque du Liban d’avoir fait bénéficier un certain nombre de ses proches dont son ex-gendre, avocat. Recourir aux services de ce dernier était alors obligatoire afin de procéder à des achats d’actions de gré à gré des banques libanaises.

Le rapport de Guernica37 (en anglais)

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Les accusations de malversation déjà rejetées par Riad Salamé

Pour rappel, Riad Salamé avait catégoriquement rejeté les accusations des autorités helvétiques qui avaient demandé des détails concernant certains virements. Il avait indiqué avoir transféré la somme 240 millions de dollars seulement à l’étranger depuis 2002. 

Certaines sources indiquent que seraient visés par l’enquête, outre le gouverneur de la Banque du Liban lui-même, son frère Raja et son assistante Marianne Hoayek.

Outre la ministre de la justice Marie Claude Najem qui a transféré le dossier au procureur de la République, le Président de la République, le Général Michel Aoun et le Premier Ministre sortant Hassan Diab, auraient également été informés de la demande de Berne. 

De son côté, Riad Salamé – soutenu par le premier ministre désigné Saad Hariri – a démenti être à l’origine de tels transferts tout comme son frère ou encore son assistante. 

Cette information intervient alors qu’il avait déjà été accusé, en avril dernier, par Daraj Media, d’être à l’origine de tels mouvements de fonds. 

Le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, son frère Raja et sa proche conseillère Marianne Hoayek seraient accusés de détenir des comptes pour plusieurs centaines de millions de dollars sur base de documents fournis lors du scandale des Panama Papers. 

Ainsi, Marianne Hoayek aurait ouvert un compte au bénéfice de Riad Salamé pour plus de 187 millions de dollars au sein de la banque Banco Allado Panama et un autre compte au sein de VP Bank Tortola BVI pour 150 millions de dollars.

Par ailleurs, une société appartenant à Rami Makhouf, un cousin du président syrien Bachar el Assad aurait transféré au compte zurichois du gouverneur de la Banque du Liban 55 millions d’euros. Il possèderait également un compte de 80 millions d’euro à la First national Bank. 

Avec son frère Raja, il possèderait ainsi plus de 446 millions de dollars placés essentiellement à l’étranger. Quant à Marianne Hoayek, pour laquelle 340 millions de dollars auraient été placés sous son nom, elle est haut fonctionnaire au sein de la Banque du Liban.

Ces chiffres avaient été révélés lors que la question du renouvellement du mandat du gouverneur de la Banque du Liban en 2016 avant de voir l’affaire être étouffée, soulignait Dima Sadek.

La journaliste avait alors été convoquée en mai 2020, par les Forces de Sécurité Intérieure suite à une plainte « pour atteinte à la réputation des banques et au prestige de l’économie » du gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé.

Une enquête ouverte depuis en Suisse pour blanchiment d’argent

Depuis, le gouverneur de la Banque du Liban aurait vu ses biens gelés en Suisse suite à la découverte de documents détaillant des mouvements de fonds entre le Liban et la Suisse qui auraient été opérés par Riad Salamé et son frère. Les hommes sont ainsi accusés de blanchiment d’argent depuis 2002.

Les autorités suisses notent ainsi que 300 millions de dollars auraient été transférés sur base un contrat daté du 6 avril 2002 entre la Banque du Liban (BDL) et la société Forry Associates Ltd, enregistrée à Tortola aux îles Vierges et disposant d’un bureau à Beyrouth, dont le bénéficiaire économique serait Raja Salamé, mettant ainsi en évidence un détournement de fonds de la Banque du Liban au bénéfice de ce dernier.

Des commissions à hauteur de 247 millions de dollars auraient été ainsi versées le 6 avril 2002 en retour sur le compte personnel de Raja Salamé. 207 millions auraient été ensuite versés aux bénéficiaires de comptes dans les banques Bankmed, la Banque Misr Liban, le Crédit Libanais, la Banque Audi et la Banque Saradar au titre de “dépenses personnelles”. Le gouverneur de la BdL lui-même aurait reçu plus de 7 millions de dollars en provenance du compte HSBC de Forry Associates. Le 5 avril 2012, Riad Salamé aurait demandé à la banque zurichoise de transférer des obligations du trésor libanais à hauteur de 153 millions de dollars à la Banque Audi Suisse à Beyrouth “avec une signature personnelle”, entrainant les autorités suisses à surveiller les mouvements de ces comptes, confirmant selon les enquêteurs leurs soupçons concernant des détournements de fonds.

10 millions de dollars auraient même été versés sur des comptes personnes appartenant à Riad Salamé au titre d’une société fictive, “Westlake Commercial Inc”, dont les comptes seraient hébergés également par la banque suisse Julius Baer

Le gouverneur de la Banque du Liban disposerait de 50 millions de dollars en Suisse ainsi que de nombreux bien immobiliers.

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Autre problème, la société en question serait inconnue au Liban et n’aurait pas agi dans le cadre du contrat, indiquent certaines sources judiciaires.

Deux plaintes déposées en France

Depuis avril 2021, 2 plaintes ont été déposées à l’encontre du gouverneur de la Banque du Liban, l’une par l’association suisse Accountability Now et l’autre par l’association Sherpa appuyant un collectif Franco-Libanais. Ils accusent Riad Salamé, par ailleurs détenteur de la nationalité française de détournements de fonds et de blanchiment d’argent sale.

L’une des plaintes aurait été déposée au nom de la fondation suisse Accountability Now par l’avocat Antoine Mausonneuve à l’encontre de Riad Salamé et la seconde le 30 avril par les avocats William Bourdon et Amélie Lefebre au nom de l’Association Sherpa, spécialisée dans la lutte contre la criminalité économique à travers le monde et d’un collectif franco-libanais.

Selon le contenu de l’article, serait également accusé le propre fils de Riad Salamé, Nadi, âgé de 34 ans, et sa collaboratrice Marianne Hoayek dont le patrimoine serait d’origine douteuse. 

Le Patrimoine du gouverneur de la Banque du Liban – par ailleurs détenteur de la nationalité française – en place depuis 1993, atteindrait plusieurs centaines de millions d’euros et se serait accru de manière disproportionnée depuis son accession à la tête de la Banque Centrale Libanaise.

Le 16 juillet, le Parquet National Financier confie l’enquête à des juges d’instructions. Cette nouvelle procédure pourrait donc permettre à ce que l’enquête puisse être étendue notamment au niveau international dans le cadre européen mais également à transmettre aux autorités judiciaires libanaises des demandes d’informations. À terme, des biens pourraient être même saisis ou gelés.

Une fille illégitime née d’une liaison adultérine avec une ukrainienne découverte

Suite à une enquête concernant les fonds du gouverneur de la Banque du Liban, une surprise de taille aurait été découverte avec le traçage de fonds à destination d’une société immobilière française. Celle-ci aurait été déménagée au Luxembourg et ses dirigeants changés en mai 2021. Parmi les bénéficiaires de ce changement, apparaitra la fille illégitime de Riad Salamé âgée de seulement 15 ans, sous la tutelle de sa mère, une ressortissante ukrainienne de 40 ans.

Les 2 femmes auraient vu un important patrimoine immobilier pour un montant de plus de 21 millions d’euros être mis à leur disposition.

Une enquête ouverte depuis au Luxembourg et en Allemagne

Le vendredi 12 novembre 2021, des sources médiatiques indiquent qu’une enquête aurait été ouverte par la justice luxembourgeoise après la découverte d’un important réseau de sociétés appartenant à Riad Salamé et à ses proches. Le patrimoine de ces sociétés serait estimé à 100 millions de dollars.

Le 8 février 2022, c’est au tour de l’Allemagne de demander un supplément d’information pour enrichissement illicite à l’encontre du gouverneur de la Banque du Liban et de son frère Raja Salamé.

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