Le nombre des protestataires continue à gonfler au niveau des différents points de rassemblements dont la place Riad el Solh et la Place des Martyrs, en dépit de l’adoption par le gouvernement du budget 2020, dont toute nouvelle imposition sur la population a été annulé.

Ce soir, de nombreux points de rassemblement sont toujours présents sur l’ensemble des axes routiers. La Défense Civile a dû ainsi mettre en place un système de transport via des vedettes pour les personnes nécessitant des soins.

Le Conseil des Ministres s’est également réuni au 5ème jour des manifestations au Palais Présidentiel de Baabda, en l’absence des Ministres des Forces Libanaises démissionnaires, pour discuter du plan de réformes économiques dont les grandes lignes ont été révélées officieusement hier.

Le budget 2020 a été entériné et sera soumis au Parlement d’ici peu. La cible est désormais d’atteindre un déficit budgétaire de 0.6% au lieu de 11% l’année dernière.
Parmi les principales pistes visant à répondre aux demandes des protestataires, l’annulation de toutes les nouvelles taxes qui étaient en projet et le maintien des taxes actuelles sans augmentation. Egalement certaines institutions vont être annulées, comme le Ministère de l’Information, les projets respectivement dans le Nord et le Sud de la capitale, Linor et Elissar.
Aussi certaines entreprises seront privatisées totalement comme les 2 compagnies de télécommunication mobile et partiellement, comme le Port de Beyrouth, la compagnie SODETEL, et la MEA. Le pourcentage à privatiser reste cependant à spécifier.
Côté judiciaire, le gouvernement indique vouloir combattre la fuite des capitaux, lutter contre la corruption et retrouver les fonds volés.

Le chef de l’état en faveur de la levée du secret bancaire des responsables politiques actuels et de leurs prédécesseurs

Le Président de la République, le Général Michel Aoun, Avec le Premier Ministre Saad Hariri. Source Photo: Dalati & Nohra
Le Président de la République, le Général Michel Aoun, Avec le Premier Ministre Saad Hariri. Source Photo: Dalati & Nohra

Le Président de la République a précédemment rencontré le Premier Ministre pour discuter de la situation actuelle et des manifestations qui continuent pour l’heure.
Sur Twitter, le Général Michel Aoun a convenu que les protestations sont l’expression de la douleur de la population libanaise face à la crise économique. Il a cependant estimé qu’il était injuste d’accuser tout le gouvernement de la corruption et de juger nécessaire la levée du secret bancaire sur les comptes bancaires de tout responsable politique actuel et ancien.

Le conseil des ministres s’est déroulé en l’absence des 4 ministres des forces libanaises, désormais démissionnaires et en l’absence également de Violette Safadi. Pour l’heure, le remplacement des ministres démissionnaires n’a pas été examiné et la démission du cabinet actuel n’a pas été à l’ordre du jour.

Parmi les premières décisions rendues publiques, le cabinet a décidé d’accorder à l’Electricité du Liban, la somme d’un milliards de dollars pour combler son déficit.

Le premier ministre Saad Hariri s’est exprimé à l’issue du conseil des ministres en détaillant son plan approuvé par le conseil des ministres et qui vise à réduire le déficit public à 0.6% du PIB.

Le Premier Ministre Saad Hariri. Crédit Photo Dalati & Nohra
Le Premier Ministre Saad Hariri. Crédit Photo Dalati & Nohra

Parmi les principales mesures annoncées, la privatisation de certaines entreprises publiques, comme les entreprises de télécommunication mobile Alfa et MTC actuellement sous contrat de gérance mais appartenant à l’état et l’abolition de certains ministères dont celui de l’information.

Il a également annoncé la mise en place d’une loi permettant le retour des fonds publics volés.

Saad Hariri a indiqué que depuis qu’il a commencé, il a oeuvré pour le bien être de la population, pas seulement la souveraineté, mais également à avoir des emplois, des écoles, la sécurité sociale.

Il y a 3 jours, il a déploré les obstacles mis contre ces projets et cela a abouti à l’explosion populaire. Les demandes sont nombreuses et variées mais la principale demande est celui du bien-être et à être entendre.

Il a rappelé qu’il a accordé 72 heures aux partis pour s’entendre concernant les réformes. Ces réformes ont marché et des décisions ont été prises aujourd’hui, indique-t-il.

Aucune nouvelle taxe est prévue dans le cadre du budget 2020 et seront mis des taxes sur les profits des banques.

Une diminution de 50% des salaires des anciens et des élus actuels a, également, été décidée.

S’adressant aux manifestants, il a salué le mouvement de protestation au-delà de toute appartenance politique et sectaire et qui a cassé les obstacles posées précédemment aux réformes qu’il entendait conduire.

Saad Hariri s’est également prononcé pour des élections législatives anticipées.

Le secrétaire général du Conseil des ministres détaille le plan de réformes visant à réduire le déficit à 0.6% du PIB

Mohammed Makiya, secrétaire général du Conseil des ministres, a détaillé les mesures adoptées aujourd’hui.

Lire les mesures décidées:

Les manifestations se poursuivent pour l’heure, les protestataires réclament l’arrestation de responsables politiques impliqués dans les vols

Pour rappel, les manifestations ont déjà jeudi soir dernier, après la confirmation de l’instauration d’une taxe sur les communications VOIP, mesure depuis abrogée. L’atmosphère a pris un tournant insurrectionnel suite à un incident au centre ville de Beyrouth entre gardes du corps du Ministre de l’Education Akram Chehayeb qui ont tiré en l’air et manifestants.

Le dernier bilan fait état pour l’heure de 4 morts dont 2 suite à des tirs des gardes du corps de l’ancien député Mishab Ahdab à Tripoli au deuxième jour des manifestations.
Alors que des incidents ont éclaté au centre ville ce jour-là, l’atmosphère général des manifestations est plutôt festive depuis, avec la mise en place de barbecues, de tentes, de structures de premiers secours.

Depuis, aucun incident n’a eu lieu.

Les protestataires entendent dénoncer les conditions socio-économiques qui ont amené 1.5 millions de libanais à vivre avec moins de 6 000 LL par jour (soit 2 dollars). Ils dénoncent également la corruption et le détournement de fonds publics, alors que les autorités publiques avaient annoncé la mise en place d’une politique d’austérité en raison de l’important déficit public qui atteint 150% du PIB.

La lutte contre les déficits publics est l’une des conditions majeures à la mise en application du plan d’aide économique au Liban d’avril 2018 et intitulé CEDRE. Autre axe majeur, la lutte contre la corruption également estimée à plus de 4 milliards de dollars par an.

La perception de la corruption au Liban. Source FMI.

Alors que la croissance économique est à 0%, le Liban étant en quasi-récession économique, plusieurs facteurs sont à l’origine de la crise économique, dont la corruption déjà évoquée ou encore le dossier de l’électricité, qui coute plus de 2 milliards de dollars à l’état en terme de subvention à l’achat de fioul. Le plan de réforme devrait ainsi proposer des solutions à cette problématique.

Alors que les banques avaient, jusqu’à présent, refusé toute augmentation des taxes sur les bénéfices qui les visent, allant jusqu’à conditionner leur participation aux prochaines émissions obligataires qui devraient avoir lieu en novembre pour un montant de 2 milliards de dollars pour rembourser celles qui arrivent à échéance pour un montant de 1.5 milliards de dollars et un service de la dette de 500 millions dollars et qui financent le déficit public, il serait désormais question d’augmenter ces taxes aujourd’hui en lieu et place des ponctions à l’origine prévues sur les foyers libanais.

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