Mouton, Panruge, Silence, Agneaux, Abattoir
Image par Susanne Jutzeler, suju-foto de Pixabay

Il n’est pas étonnant de clamer haut et fort que le sport national des Libanais est de se lamenter, seriner et ressasser toujours les mêmes problèmes qu’ils subissent, ou pour être plus exacte, qu’ils s’infligent.

Oui, oui et triple oui, le peuple libanais a touché le bas, le fin fond de cet océan de corruption où vraiment tout va mal, et à tous les niveaux. Pas besoin de faire un dessin pour faire comprendre que nos politiciens sont bons à crever au fond des ordures qu’ils n’arrivent pas à gérer depuis 2015, ce qui va bien finir par transformer le Liban en un désert putride inhabitable et inhabité. On ne finira jamais de le répéter, de le crier, de le pleurer. Mais jusqu’à quand…

Le tort du peuple libanais c’est qu’il ne réalise pas qu’il creuse par lui-même sa propre tombe et celle du pays à cause de son indolence, de son défaitisme et de son renoncement à son devoir basique de citoyen.

Lorsqu’un membre de la famille tombe malade, rongé par un cancer causé par des facteurs externes ou pour avoir eu tant à se sacrifier pour sa propre tribu, il y va du devoir des membres de sa famille, animé par l’amour et la reconnaissance, de s’occuper de lui, de se dévouer à leur tour, de supporter les périodes de faiblesse, de défaillance, de douleurs, pour cheminer avec foi, détermination et courage vers la voie de la guérison. On imaginerait mal des enfants délaisser leurs consanguins dans les sales draps de la souffrance, et se plaindre par-dessus le marché de leur état, et claquer la porte pour aller vivre ailleurs.

Il en va de même avec la mère patrie. Si le pays va mal, s’il est en dernière phase de maladie et qu’on est témoin de la mauvaise équipe médicale qui pour grossir ses comptes en banque le malmène et lui administre les remèdes néfastes à son état terminal, on ne se met pas à pleurer comme des madeleines et à montrer du doigt le pays souffrant.

C’est exactement cette passivité, ce silence et ce manque d’action envers ceux qui depuis des décennies crucifient le pays et le martyrisent pour leurs propres intérêts, qui aggravent la situation du Liban.

C’est cette omerta, ce silence des agneaux, des moutons de panurges qui permet aux bouchers de persévérer dans leurs carnages en toute liberté et en toute impunité.  

Si nos rivières sont polluées, si nos routes sont bloquées pour n’importe quelle cause, si nos égouts envahissent nos rues et nos robinets, si notre air est pollué, et la liste est bien trop longue, ce n’est pas la faute aux politiciens, mais bien la faute au citoyen, qui au lieu de demander des comptes et de punir les criminels, se dirige tel un abruti vers les urnes et réélit ses mêmes bourreaux.

Seule une vraie révolution, une désobéissance civile, l’avènement d’un despote éclairé pour mettre de l’ordre ou la prise du pouvoir par l’armée pour instaurer un ordre obligeant le citoyen trop cultivé et pionnier mais à la fois abruti, men fichiste et égoïste à obéir aux lois ; seules ces possibilités pourraient extraire cette tumeur qui ankylose le pays. Et l’on pourra chantonner tout fièrement, la tête haute, l’hymne national libanais et célébrer notre indépendance.

Marie Josée Rizkallah
Marie-Josée Rizkallah est une artiste libanaise originaire de Deir-el-Qamar. Versée dans le domaine de l’écriture depuis l’enfance, elle est l’auteur de trois recueils de poèmes et possède des écrits dans plusieurs ouvrages collectifs ainsi que dans la presse nationale et internationale. Écrivain bénévole sur le média citoyen Libnanews depuis 2006, dont elle est également cofondatrice, profondément engagée dans la sauvegarde du patrimoine libanais et dans la promotion de l'identité et de l’héritage culturel du Liban, elle a fondé l'association I.C.H.T.A.R. (Identité.Culture.Histoire.Traditions.Arts.Racines) pour le Patrimoine Libanais dont elle est actuellement présidente. Elle défend également des causes nationales qui lui touchent au cœur, loin des équations politiques étriquées. Marie-Josée est également artiste peintre et iconographe de profession, et donne des cours et des conférences sur l'Histoire et la Théologie de l'Icône ainsi que l'Expression artistique. Pour plus de détails, visitez son site: mariejoseerizkallah.com son blog: mjliban.wordpress.com et la page FB d'ICHTAR : https://www.facebook.com/I.C.H.T.A.R.lb/

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