« Patrimoine Ethnologique et Culture Identitaire » 

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Deux thèmes qui me tiennent à cœur, vue ma double culture Franco-libanaise.

Deux thèmes qui sont de plus en plus une invitation à une réelle réflexion afin de mener sur le terrain des activités ciblées, liées à notre mémoire collective et notre héritage patrimonial.

Longtemps ces deux thèmes m’ont occupé l’esprit, notamment, la transmission de notre passé proche à la future génération.

Comment aborder la question de la « culture identitaire » dans un contexte « positif »  ? 

Dans chaque chose vécue de notre quotidien, il y a une double face, le pour et le contre. Être positif ou être négatif, c’est l’être par rapport à quelque chose d’autre, c’est proportionnel.

La question de la transmission de notre héritage culturel et de notre passé existe en nous consciemment et/ou inconsciemment. Qu’on le veuille ou pas, elle est dans notre quotidien et dans notre façon d’être de bons éléments bien intégrés dans une société nouvelle…

L’intégration est un signe de vie positif qui permet à l’individu de se projeter dans l’avenir dans un milieu autre que le sien originellement.

La question de l’identité, dans ce contexte, peut être comprise comme une dynamique évolutive, par laquelle un individu ou un collectif, donne sens à son être ; on le fait en reliant, à travers le passé, le présent et l’avenir, à travers des projets aussi bien que des réalités concrètes.

Que reste-il de notre passé proche, et comment vivons nous cette transmission à nos enfants qui deviennent eux, la première génération de couples exilés, émigrés, ou de couple mixte tout simplement ? 

Penser à transmettre à la future génération des connaissances culturelles patrimoniales de notre passé proche, si ce n’est que par des actions ciblées sur le terrain, une sorte de droit d’inventaire, devient une nécessité.

Ces interrogations sont le fruit de longues années d’expérience personnelle  et de réflexion quotidienne, ma façon de vivre dans un couple mixte, avec des enfants français.

La jeunesse et les binationaux sont au cœur de nos projets au sein de l’association. D’autant plus qu’il est important de réfléchir sur les questions d’identité culturelle et sociale que nos sociétés dites « modernes » traversent des crises identitaires, générationnelles, etc…

« La binationalité, en France, résulte d’une longue tradition. Elle caractérise notamment la situation d’un étranger qui a acquis la nationalité française, par naturalisation ou mariage, sans renoncer pour autant à sa nationalité d’origine. »

Avoir une double nationalité est aussi une marque d’attachement à ses origines, mais cela n’est pas contradictoire avec une forte identité nationale française.

 S’attacher au patrimoine ethnologique et parler de la culture identitaire en tant qu’élément participatif à toute intégration sociétale, c’est tout d’abord prendre conscience de ces éléments qui nous conditionnent et de cet héritage que nous portons en nous envers l’autre ou envers une société nouvelle.

Un devoir aussi par rapport à nos racines car on a l’identité de notre conscience et notre mémoire, et le plus remarquable dans « l’identité  culturelle » est son efficacité qui donne à l’individu des ailes pour aller de l’avant.

L’usage du terme « identité », dans les sciences sociales,  désigne généralement, non pas « la nature profonde » d’un individu ou d’un collectif en soi, mais la relation entre les appartenances collectives  auxquelles on se fédère et l’on s’associe.

Dans ce concert où l’individu, voire un groupe, sont au cœur du débat, la mémoire collective et sa transmission nécessite une prise de conscience.

En général, quand on parle de la socialisation de l’individu ou de son intégration, on tient compte de trois éléments vitaux :

1- Le langage ,qui instaure une relation vers l’autre.

2- La pensée, qui permet de conceptualiser et donner un sens à notre façon d’être.

3- Les valeurs, qu’on transmet et elles ont besoin d’être exprimés.

Ce triptyque est au cœur de tout développement aussi bien individuel que collectif. Il constitue les conditions d’une intégration réussie, tout en créant chez l’être un équilibre entre sa nostalgie envers ses racines et le vivre ensemble.

La construction identitaire se trouve donc au cœur même de ce triptyque. Car elle implique la reconnaissance de l’autre, d’un autre différent de moi, et c’est sa différence qui nous fait prendre conscience de notre différence à nous-mêmes, de notre propre existence, le « Je » par rapport à l’autre, le « tu » ou le « il ». Qui suis-je par rapport à l’autre ?

Ceci s’applique aussi aux groupes nouveaux, aux associations nouvelles.

« C’est cette prise de conscience de la différence envers l’autre, en tant qu’élément nouveau, qui va réguler l’influence des relations entre les individus et/ou les groupes et ajuster leur façon d’être respectivement. »

« La conscience identitaire » fait donc naître cette perception de l’autre « différent » qui constituera la preuve de notre identité.

Il se déclenche alors un double phénomène : l’attirance ou le rejet.

Cette attirance et cette prise de conscience de nos différences par rapport à l’autre, nous poussent à nous découvrir incomplet, imparfait, inachevé. Une façon de nous tirer vers le haut, vers l’autre et sa compréhension dans le sens de l’acceptation de l’autre, c’est ainsi que la compréhension de l’autre devient un élément d’ouverture et de progrès.

Elle peut aussi provoquer le rejet, car elle représenterait une « menace ». L’autre serait-il supérieur à moi ?

C’est pourquoi, la perception de l’autre s’accompagne généralement d’un jugement négatif, et en jugeant l’autre négativement, certains se protègent, protègent leur identité, leur groupe, leur bien-être, en caricaturant celle de l’autre, et en se persuadant d’avoir raison ; on est ainsi amené à juger l’autre…

C’est l’une de mes préoccupations :

L’identité culturelle ne devrait pas rester classée dans les archives de la pensée négative ; nous devrions l’évoquer par des actions concrètes sur le terrain, montrer la richesse de la diversité et la mixité dans un cadre commun à tous.

L’identité culturelle est à la fois stable et mouvante, elle évolue avec le temps. Elle se manifeste par une nostalgie que l’on désire revivre, comme si l’on était à la recherche du paradis perdu.

Ainsi le retour aux sources ou vers ces origines (individus ou groupes) se manifeste par une quête d’authenticité, de soi…

L’identité se construit au quotidien, elle est le résultat aussi du regard de l’autre sur nous ou de notre rejet de ne pas être comme l’autre pour ne pas être absorbé ou effacé par l’autre.

L’identité est un ensemble de différences.

La rencontre avec l’autre se réalise à travers des actions que les individus eux mêmes accomplissent en vivant en société, mais également à travers les jugements qu’ils portent sur le bien fondé de ces actions, de soi et des autres, autrement dit à travers leur représentations.

Les valeurs que les individus partagent entre eux sont des témoignages de leur mémoire identitaire. Une sorte d’imaginaire collectif, un idéal.

C’est de la manière de parler de cette identité que dépend notre richesse  culturelle.

Il faudrait, par des actes et des projets, défendre cette identité qui est le résultat de plusieurs combinaisons : entre hier et demain, entre la continuité du passé et notre projection dans l’avenir …

« C’est au cœur de la métamorphose et de la précarité que se loge la véritable continuité des choses. »

comme le dit l’anthropologue Serge Gruzinski

Tout comme en parlant de l’individu et de son intégration, une association nouvelle peut être confrontée à des questionnements ou à des rejets, vous intéresser ou pas par ses projets concrets et missions nouvelles.

Quelle est la valeur ajoutée de notre nouvelle association par rapport à tant d’autres existantes  et quelle est sa différence ?

Comme son nom l’indique, il s’agit d’une invitation à un travail collectif de connaissance ethnologique, culturelle et patrimoniale de notre passé proche.

S’attacher au patrimoine ethnologique, c’est analyser la culture et le mode de vie de notre société afin de pouvoir un jour écrire ou notifier quelque part notre « mémoire collective ».

Pour ma part, j’estime avoir franchi la première étape, qui était celle de mettre à l’honneur notre langue libanaise. L’étape suivante sera d’un travail de groupe, alliant l’utile à l’agréable.

Mon ambition est de pouvoir fédérer le maximum de personnes et de travailler par ateliers ou par thèmes afin de pouvoir réaliser nos objectifs.

Jinane Chaker-Sultani Milelli

Jinane Chaker Sultani Milelli
Jinane Chaker-Sultani Milelli est une éditrice et auteur franco-libanaise. Née à Beyrouth, Jinane Chaker-Sultani Milelli a fait ses études supérieures en France. Sociologue de formation [pédagogie et sciences de l’éducation] et titulaire d’un doctorat PHD [janvier 1990], en Anthropologie, Ethnologie politique et Sciences des Religions, elle s’oriente vers le management stratégique des ressources humaines [diplôme d’ingénieur et doctorat 3e cycle en 1994] puis s’affirme dans la méthodologie de prise de décision en management par construction de projet [1998].

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