Le Président de l'Association des Banques du Liban (ABL) Salim Sfeir

Dans un entretien accordé au quotidien Nida’ al-Watan le 31 juillet 2020, Salim Sfeir, le président de l’Association des banques du Liban (ABL), s’en est pris au gouvernement (en place depuis 7 mois) et à son plan de redressement pourtant accepté par le Fonds monétaire international (FMI) dont l’aide est aujourd’hui indispensable : « En examinant de près le plan mis en place par le gouvernement, nous constatons qu’il n’y a pas de vision, mais (une volonté) de mener les banques et la Banque Centrale à la faillite et un refus de rembourser les dépôts des clients ». Il a accusé l’État d’avoir « dépensé l’argent des déposants à hauteur de 40 à 50 milliards de dollars ». 

Il est vrai que le plan alternatif de l’ABL a une vision : la vente des réserves d’or de la Banque du Liban (BDL), des biens immobiliers de l’État et de la façade maritime du pays… Dilapider les derniers joyaux du Liban… Le plan de redressement du gouvernement prévoit la restructuration de la BDL et des banques et non leur mise en faillite. Il a été demandé par la BDL aux banques de se recapitaliser et de réaliser une augmentation de capital (« capital increase »). Le plan de redressement du gouvernement prévoit la même chose grâce s’il le faut à une partie des dividendes que les actionnaires des banques se sont distribués durant plus de vingt-cinq ans en contribuant au système de Ponzi en place (une pyramide nécessitant d’attirer de l’argent frais en devises pour pouvoir verser les intérêts à leurs déposants) et en profitant de celui-ci au détriment des clients de leurs banques. À défaut, le plan de redressement du gouvernement considère que les pertes devront être épongées par un effacement du capital existant (« write-off ») des banques et donc la réduction de leur actionnariat à néant (« wipe-out »). La BDL pousse aussi aux fusions (« mergers ») de banques, beaucoup trop nombreuses. Idem pour le plan de redressement du gouvernement. Enfin, si tout cela n’est pas suffisant alors un renflouement interne (« bail-in ») sera nécessaire avec la conversion forcée d’une partie des dépôts en instruments du capital : lors de l’annonce de sa démission, le directeur général du ministère des Finances Alain Bifani, qui a préparé le plan du gouvernement avec ses équipes et des conseillers comme Lazard ou encore Henri Chaoul, a parlé d’un « haircut » de 13% seulement sur les comptes bancaires dépassant 10 millions de dollars, soit 931 comptes sur 2,7 millions au total. 

Si l’État doit certainement se réformer et cela au plus vite (sans cela il n’y aura pas d’aide du FMI), les banques doivent expliquer pourquoi pendant plus de vingt-cinq ans elles ont choisi de lui confier l’argent des déposants tout en voyant bien qu’il ne se réformait pas, que la dette se creusait (en raison de l’absence de réformes et du service de la dette), que les déficits (budgétaire et commercial) s’accumulaient et que le pays subissait le poids de la guerre en Syrie (afflux de réfugiés syriens au Liban provoquant l’arrêt de la croissance économique). Il faut également que les banques expliquent pourquoi les déposants doivent payer leurs mauvais choix. En effet, depuis août 2019 et surtout novembre 2019, elles font subir aux déposants de sévères restrictions bancaires (« capital control »), parfaitement illégales, pour faire face à une crise de liquidités. Pire, le dollar devenant rare, la livre libanaise et donc le pouvoir d’achat et l’épargne des Libanais ont perdu de leur valeur.