La conférence CEDRE également appelée PARIS IV aura lieu le 6 avril à Paris. Cette conférence regroupe quelques 50 Pays et organisations internationales. Il s’agit ainsi d’aider le Liban à éviter une faillite financière après des nouvelles alarmantes concernant un déficit public qui continue à se creuser, avec un ratio d’endettement estimé à 80 milliards de dollars soit 150% PIB et des chiffres non moins alarmants sur le taux de chômage estimé à 46% de la population. Ce bilan économique a été encore aggravé par la hausse des salaires des employés de la fonction publique alors qu’on n’avait pas de création de richesses ou encore les conséquences d’une mauvaise gestion de la reconstruction qui a suivi la fin de la guerre civile en 1990 sur fond de corruption généralisée dans les administrations publiques.

Les autorités libanaises auraient ainsi souhaité de bénéficier d’une aide de 26 milliards de dollars. Face au refus des donateurs internationaux qui trouvaient la somme qui se monte à un tiers du PIB libanais, exagérée, les autorités libanaises ont revu leurs exigences vers le bas avec 16 milliards de dollars, il y a 2 mois, puis 5 à 8 milliards de dollars aujourd’hui.

Le Liban devrait ainsi bénéficier d’une aide internationale alors que son économie déjà structurellement déficitaire a largement été impactée par l’instabilité régionale, le conflit civil syrien et l’afflux de réfugiés syriens dont le nombre oscille entre moins de 1 million selon les organismes internationaux jusqu’à 1.8 million selon la Présidence de la République.

Le Liban a ainsi défini quelques 250 projets, notamment dans les secteurs du transport, de l’eau et et de la production électricité, avec pour objectif de porter la croissance de l’économie à entre 6% et 7% par an, soit au-delà des 4% nécessaires au remboursement du service de la dette publique.

Contrairement aux conférences PARIS I, II et III, cette aide sera accompagnée de conditions plus strictes visant à obliger les autorités libanaises à respecter un cahier de charges. Cette surveillance sera notamment appliquée par les institutions internationales dont la BERD qui a conclu le mois dernier, ses premiers contrats de partenariat avec des banques libanaises privées et le FMI.

Pour rappel, la précédente conférence Paris III s’était tenue en janvier 2007 à Paris, suite à l’offensive militaire israélienne contre le Liban. Elle avait permis de financer à hauteur de 7.6 milliards de dollars un programme d’assistance au Liban notamment dans le domaine de la reconstruction post-guerre. Son bilan été largement critiqué en raison de l’absence de budget public ouvrant la voie à une dilapidation des fonds gérés par l’état.

Un montant d’aide attendu de 5 à 8 milliards de dollars sous condition

Cette aide sera notamment discutée dans le cadre de la conférence d’aide internationale PARIS IV également appelé CEDRE qui aura lieu ce 6 avril prochain en France et pour laquelle le Liban dit espérer aller jusqu’à recueillir entre 5 à 8 milliards de dollars de fonds. Il s’agira notamment de 3 à 4 milliards de dollars qui seront récoltés via un partenariat entre secteur publics et privés et de 6 à 7 milliards de dollars accordés au Liban via des prêts à long terme avec des taux d’intérêt bas, de l’ordre 1% à 3%.

Parallèlement à cette conférence, les autorités libanaises comptent également proposer aux pays donateurs un programme de réforme économique et structurel de 16 milliards de dollars dont le financement sera inclus dans le programme d’aide économique.
Les autorités libanaises ont mandaté le cabinet de conseil en stratégie McKinsey afin de formuler un programme économique qui sera présenté au cours de cette conférence. Egalement au programme, un rapport macro-économique mené par le Fonds monétaire international sera présenté comme base de réflexion pour 2030. Pour l’heure, aucune information n’est disponible sur le contenu précis de ces études.
Ces plans seront présentés dans le cadre de cette conférence.

Concernant les différents projets proposés au cours de la conférence CEDRE, ils concernent notamment le secteur de la production d’électricité alors que le Liban souffre d’une pénurie chronique depuis la fin de la guerre civile et des télécoms où il accuse un certain retard. Il s’agira de créer à ces niveaux précis, des relais de croissances économiques pour les entreprises.

Des conditions préalables faites au Liban

La communauté internationale avait notamment posé 5 conditions à la tenue de cette conférence:

  • l’adoption d’un budget 2018 qui ouvre la voie, demain, à un véritable assainissement budgétaire;
  • l’approbation parlementaire de projets pour lesquels l’aide internationale est déjà disponible;
  • la réforme du code de l’eau;
  • l’approbation gouvernementale de décrets techniques nécessaires au Haut Conseil pour la Privatisation désormais en charge aussi des partenariats publics-privés pour exercer ses nouvelles missions en matière de PPP;
  • des nominations dans des autorités de régulation (télécommunications, énergie, aviation civile) qui ne peuvent pas fonctionner faute d’avoir tous les membres requis.

Parmi les conditions préalables à la tenue de la conférence CEDRE, l’adoption du budget 2018 s’est effectuée cette semaine par le Parlement Libanais en dépit d’une violation de la Constitution qui prévoit la publication préalable d’un audit des finances publiques des années précédentes. Les autorités libanaises ont indiqué que cette publication aura lieu d’ici octobre 2018 en raison du manque de temps, montrant l’empressement du Liban à l’obtention du programme d’aide économique.

Mais un plan dont le Liban pourrait s’en passer selon les experts

Plusieurs experts économiques ont fait part de leur scepticisme face au plan qui sera proposé lors de cette conférence CEDRE, estimant qu’il faudrait avant tout que les autorités libanaises puissent combattre efficacement la corruption des administrations publiques et l’évasion fiscale.
Ainsi, un rapport de la Banque Mondiale estimait que les détournements de fonds publics atteignaient jusqu’à 3 milliards de dollars annuellement.
Un rapport de la Banque Audi estimant à 4.2 milliards de dollars, l’évasion fiscale touchant le Liban, le simple respect des lois locales pourraient amener quasi-immédiatement à 2 milliards de dollars de revenus supplémentaires pour l’Etat libanais.

Cependant, ils notent aussi l’absence de volonté à prendre des mesures coercitives contre les personnes bénéficiant de ce véritable système au sein de l’état car souvent impliquées dans la gestion publique.

D’autres experts notent également que les forts taux d’intérêt sur la dette publique bénéficie en premier lieu de manière récurrente à des banques dont les dirigeants et propriétaires sont souvent proches des cercles du pouvoir. Il s’agit donc également de baisser les taux d’intéret sur la dette publique et mettre fin à ces pratiques.

Pourquoi le Momentum de cette conférence?

Cette conférence intervient alors que certes le Liban est en quasi-faillite mais également il y a des raisons géopolitiques:

Tous les dossiers concernant la conférence CEDRE sont adoptés avant les élections législatives prévues le 6 mai prochain. Il y a donc un empressement de prendre certaines mesures avant une possible alternance politique, comme s’il fallait garder un système en place.

Le Liban peut se passer de ces conférences si une politique sérieuse de lutte contre la corruption et de bonne gouvernance économique est mise en place d’autant plus qu’il y a un certain nombre d’opportunités économiques nouvelles qui apparaissent à l’horizon, comme la réouverture du Hinterland économique en Syrie, en Irak jusqu’en Iran, ou encore l’exploitation gazière et pétrolière, qui devrait, selon les autorités, commencer d’ici 2019. Il reste qu’on peut être assez sceptique devant des délais donnés aussi courts.

Cependant, il y a aussi un risque de guerre après les élections avec Israël et nul doute que les pays européens seront les premiers concernés par un exode brutal des réfugiés syriens présents au Liban. Peut-être s’agit-il ici d’aider le Liban à les garder sur place. La priorité est donc de garder une certaine stabilité politique, y compris avec celle d’un establishment politique qui a, jusque là, conduit le Liban dans la situation dans laquelle il se trouve actuellement.

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