Une délégation du cabinet Alvarez & Marsal menée par James Daniell s’est rendu auprès du Président de la République, le Général Michel Aoun, à la veille du début de l’audit juricomptable de la Banque du Liban. Etait également présent lors de la réunion, le nouveau ministre des finances Youssef Khalil qui était précédemment le directeur des opérations de la banque centrale.

Pour rappel, la suspension du secret bancaire décidée par le Parlement n’est valide que jusqu’à la fin de l’année. Il s’agira alors de mener cette procédure en seulement 2 mois et 10 jours.

Les responsables de la Banque Centrale se sont longtemps retranchés derrière le secret bancaire pour éviter de répondre à toutes les questions posées par le cabinet d’audit, jusqu’à obtenir son retrait puis son retour. Certaines sources indiquent que contrairement au premier contrat, des clauses auraient été ajoutées au nouveau contrat d’audit, protégeant le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé.

En effet, cet audit juricomptable pourrait s’avérer en réalité explosif pour la Banque du Liban et ses dirigeants, en raison des opérations d’ingénierie financières menées entre 2016 et 2018 qui ont transféré d’importants fonds en devises étrangères en faveur des banques privées. Egalement, la pratique unilatérale du gouverneur de la BdL de déclarer d’importants profits fiduciaires liés à l’impression de billets pour couvrir les pertes réelles de l’établissement public est également mise en cause.

Si la justice libanaise lui a accordé une immunité, Riad Salamé fait également l’objet de nombreuses plaintes à l’étranger sur fond de suspicions de détournements de fonds et de blanchiments d’argent notamment en faveur de certains de ses proches.

Pour rappel, la Banque du Liban a longtemps refusé l’audit juricomptable des comptes de la Banque du Liban puis un rapport définitif dans les 6 mois à venir, sous le prétexte des réglementations liées au secret bancaire.

Les pertes de la Banque du Liban pourraient être plus importantes que prévues, estiment les observateurs ainsi que les experts du Fonds Monétaire International, en raison de pratiques peu orthodoxes comme le recours du gouverneur Riad Salamé à déclarer unilatéralement d’importants profits fiduciaires pour couvrir les pertes de l’établissement public depuis des années.

Selon un document d’audit confidentiel mais rendu public par des sources anonymes, le gouverneur de la Banque du Liban aurait ainsi annoncé près de 6 milliards de profits fiduciaires rien qu’en 2018 pour couvrir des pertes de 6 milliards de dollars, principalement liées aux opérations d’ingénieries financières qui ont débuté en 2016.

Pour rappel, cet audit est jugé nécessaire au déblocage des négociations avec le Fonds Monétaire International après la déclaration d’un état de défaut en mars 2020. Le Liban espérait alors obtenir une aide de 10 milliards de dollars.

Cependant, les négociations, aujourd’hui suspendues, ont rapidement achoppé sur la capacité des autorités libanaises à mener les réformes nécessaires pour le déblocage de l’aide internationale ainsi que sur le dossier du chiffrage des pertes du secteur financier. Les autorités libanaises estiment ainsi que ses pertes atteindraient 241 000 milliards de livres libanaises sur la base d’un taux de change de 3600 LL/USD, soit 80 milliards de dollars environ, ce que refusent les banques locales via l’association des banques du Liban ou encore la Banque du Liban elle-même. Cette situation pourrait encore être aggravée avec la dégradation des taux de change depuis 2021, la livre libanaise ayant perdu plus de 90% de sa valeur par rapport au dollar au marché noir.

Désormais, ce chiffrage des comptes de la Banque du Liban devrait être mené par les cabinets Alvarez & Marsal pour l’audit juricomptable et par KPMG et Oliver Wyman pour l’audit normal. Pressenti dans un premier temps pour mener l’audit juricomptable, le cabinet Kroll, spécialisé dans la matière a été écarté suite aux pressions du président de la chambre Nabih Berri, estimant l’entreprise liée à l’état hébreu.

Coup de tonnerre, le cabinet d’Alvarez & Marsal annonce son retrait de la procédure d’audit juricomptable, le 20 novembre 2020 après que la Banque du Liban ait refusé de répondre à 57% des questions posées, sous le prétexte du code du crédit et de la monnaie ou encore des législations liées au secret bancaire, plongeant le Liban dans l’incertitude. En effet, cet audit est désormais considéré comme essentiel pour l’obtention de l’aide de la communauté internationale. Le ministère des finances ou encore celui de la justice estimaient que le contrat ne violait pas les textes en vigueur.

Dans son allocution prononcée à l’occasion de la 77ème commémoration de l’indépendance du Liban, le Général Michel Aoun indique que la procédure devrait pourtant aller jusqu’au bout et envisage donc le recours au parlement pour forcer la Banque du Liban a obtempérer alors que le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé se trouverait à Paris afin, indiquent certaines sources, de trouver un accord avec la France, chef de file de la communauté internationale qui reste jusqu’à présent intraitable sur la nécessité de mener un audit juricomptable des comptes de la banque centrale.

Le 7 avril 2021, le Président de la République le général Michel Aoun a publiquement dénoncé la mauvaise volonté du Ministère des Finances Ghazi Wazni et du gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé sans toutefois les nommer directement face aux différents écueils et obstacles mis face à l’audit juricomptable des comptes de la Banque du Liban et a appelé à une réunion du gouvernement Hassan Diab pour examiner ce dossier et révéler les dessous de ce qu’il décrit quasiment comme un sabotage de la procédure. 

Le chef de l’état a également accusé le gouverneur de la Banque du Liban de pratiques contraires à la législation financière locale, comme l’utilisation de dépôts privés comme réserves monétaires. Le Président de la République avait rappelé les différentes étapes faites par certains partis pour éviter cet audit de la banque centrale. Il a également rappelé que cette procédure n’est pas seulement une demande personnelle du chef de l’état mais également de la communauté internationale, une condition préalable au déblocage des fonds de CEDRE et du FMI.

Par ailleurs, face à la crise, certaines banques correspondantes de la BdL auraient clôture les comptes, indique dans une lettre Riad Salamé.

Depuis, Alvarez & Marsal a indiqué reprendre le processus d’audit juricomptable. Le 30 avril 2021, elle a ainsi indiqué avoir reçu 95% des réponses aux questions pour l’heure posées. Les 5% restants étaient liées à des banques libanaises privées mais détenues en partie par la Banque du Liban qui se retrancherait ainsi sous le couvert de la loi du secret bancaire pourtant gelé temporairement par décision du Parlement pour une durée es effectuées par les banques et les eurobonds, indiquaient certaines sources à l’époque. Pour l’heure, on ignore si finalement le cabinet a reçu ces réponses ou non.

Le 1er septembre, la présidence de la république signe le décret publié par le ministère des finances permettant de financer et donc de débuter les procédures liées à l’audit juricomptable

Le 23 novembre, le journal Al Nidaa révèle que le cabinet envisage à nouveau de se retirer suite au refus persistant de la BdL à fournir les informations nécessaires alors que le parlement examine un nouveau projet de loi afin de permettre la levée du secret bancaire jusqu’à conclusion de la procédure d’audit.

Par ailleurs, le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, fait l’objet lui-même d’enquêtes en Suisse, au Luxembourg et en France concernant de possibles détournements de fonds et de blanchiment d’argent.

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