Après avoir été lâchés à Afrine, et très prochainement à Manbij, par leur allié américain, dont la stratégie a été sabordée par la Turquie, leur allié et partenaire au sein de l’OTAN, et bernés par les russes, les Kurdes qui font face seuls à une offensive de l’armée Turque et de supplétifs de l’ASL – offensive qui aurait été inenvisageable sans le feu vert de la Russie – en sont au point d’accueillir Assad, qui les accusaient hier encore de trahison et qu’ils ont combattu à maintes reprises, comme un “libérateur”. Une option que leur avaient proposé les russes avant le déclenchement de l’opération “Rameau d’olivier” afin d’éviter l’offensive turque grâce à un redéploiement de l’armée syrienne. Il s’agit en tout cas d’un nouveau développement majeur qui vient ajouter de la complexité et les risques d’escalades régionales au conflit.

Le président syrien, menacé par les Trucs, qui non satisfaits de violer la souveraineté de la Syrie imposent en plus des lignes rouges à son armée – laquelle se gargarise encore de son “exploit” souverainiste suite à la destruction, après plus de 100 opérations aériennes, d’un F16 israélien – qui n’a pas osé envoyé ses troupes régulières mais des supplétifs – avec ou sans l’aval de Moscou ?- constitués de diverses milices pro régime rassemblées sous le label de “Forces de Défense Nationale”.

Ces dernières venues essentiellement des localités de Zahra et Nubi, et composées en grande partie de miliciens chiites appuyés par l’Iran, sont venues à la rescousse des combattants Kurdes pourtant alliés des Etats-Unis eux-mêmes opposés au régime syrien et à la présence de l’Iran et de ses supplétifs.

Quant aux supplétifs de l’ASL, devenus pour l’occasion mercenaires de l’armée Turque, ils s’en prennent à une autre force d’opposition au régime, constituent l’avant-garde d’une armée d’occupation de la Syrie et font à leur insu le jeu de Damas qui essaye d’exploiter cette situation pour rétablir sa souveraineté dans une partie du Rojava, ou Kurdistan syrien.

Et pendant ce temps, les morts se comptent par centaines, les femmes et les enfants d’abord, dans le fief rebelle de la Ghouta où se retrancheraient selon l’AFP 10 000 combattants de Jaïch al-Islam et 9 000 de Faylaq al-Rahmane. C’est dans l’indifférence et le silence de la communauté internationale que la Ghouta, assiégée et soumise à des bombardements intensifs et des frappes pas vraiment chirurgicales, est sur le point d’être pratiquement rayée de la carte.

Quant à Idleb, annoncée comme la bataille de l’année 2018, elle est quelque peu passée au second plan ces derniers jours mais rassurez-vous les combats y font rage et les gens meurent toujours. Reste à savoir si son sort sera décidé par un échange de bon procédés entre Turcs et Russes …

Quand à la paix elle voyage et se prélasse dans les hotels entre Genève, Vienne, Astana et Sotchi.

Ah qu’il semble déjà loin le bon temps de la lutte providentielle contre Daesh.

Camille Najm
Analyste, chercheur, consultant et journaliste politique basé entre Genève et Beyrouth. Auteur d’études, de rapports, d’articles de presse et pour revues spécialisées, d’éditoriaux, de chroniques. D.E.A en Science politique et relations internationales – Université de Genève. Domaines de spécialisation : Les rapports entre la culture, la religion, identité et la politique – Les minorités religieuses, culturelles, ethniques du monde arabe – Les relations islamo-chrétiennes – le christianisme dans le monde arabe – Laïcité, communautarisme et multiculturalisme – Le Vatican – Le système politique libanais, les institutions et la démocratie – De nombreuses problématiques liées au Moyen Orient (Liban, Syrie, conflit israélo-arabe).

Un commentaire?