Citerne Beirut Liban Culture Théatre Destruction

Un nouvel espace dédié à la culture sera incessamment détruit, venant s’ajouter au palmarès rutilant de l’Etat libanais en matière de destruction des marqueurs culturels et ayant trait à l’activité artistique. Après le Théâtre Ingea à Tripoli disparu pour céder la place à un parking, aujourd’hui c’est le tour d’une nouvelle salle, cependant récente, à subir le fléau de démolition pour la construction d’un incinérateur à Beyrouth.

« Citerne Beirut » est un réceptacle des artistes contemporains de la scène à Beyrouth, inauguré en avril 2019, mettant en avant des ateliers de théâtre, de danse et de musique à la portée de la jeunesse libanaise.

Le communiqué de Mirros

Dans un communiqué diffusé par la société de communications et de relations publiques Mirros, la situation artistique et culturelle au pays des Cèdres a été tristement déplorée, et les différents promoteurs ont appelé à une période de désobéissance culturelle sous le hashtag #Cultural_Disobedience, pour la régénération de la vie culturelle qui est en train d’être confisquée, toujours selon le communiqué.

Toujours selon le communiqué, ils ont également indiqué que le projet allait être délocalisé en 2020, mais que cette décision brusque de fermeture pour destruction n’empêchera pas le groupe Maqamat et sa direction artistique tenue par Omar Rajeh et Mia Habis de poursuivre toutes les activités en plus de Bipod, le festival international de danse contemporaine, ajoutant que tout aide, avis ou support seraient les bienvenus pour une meilleure continuation.

Beyrouth, théâtre des destructions

Il va sans dire, qu’en dépit de toutes les manifestations de résistance de la part des particuliers notamment – sans toutefois désavouer quelques initiatives publiques même si elles peuvent être qualifiées de timides par rapport à la volonté des acteurs culturels citoyens – il existe un réel problème dans le domaine de la Culture, dont le ministère a été la plupart du temps régi par des ministres pour qui les Arts et la Culture ne sont pas leurs tasses de thé, à l’exception rare de quelques-uns, certainement.

La destruction de Citerne Beyrouth n’est cependant pas à proprement parler une question de liberté d’expression bafouée. Elle ne peut être qu’une énième preuve de l’incapacité d’un Etat et de ses diverses institutions et organismes à gérer ses propres affaires et ses propres crises. Et une autre question se pose : la municipalité de Beyrouth dans tout cela ? Trop de choses à dire là-dessus, pour le moment, motus et bouche cousue… En somme, manque de planification et absence criante d’un système d’aménagement et de gérance, qui ne peut être résumé que par la banqueroute d’un système politique incompétent et corrompu.

Lorsqu’une cité se reconstruit arbitrairement aux dépens de son Histoire et de son Identité, privilégiant les apports financiers et l’activité immobilière, et faisant même fi de la limite de son infrastructure, il est inconcevable d’espérer un essor sain sur la scène culturelle et artistique chapeauté officiellement. Cet essor a cependant eu lieu, envers et contre tout, conduit par une initiative essentiellement citoyenne, individuelle et privée.

L’Art qui se sacrifie pour les Ordures

La feuille de route présentée par le Ministre de l’Environnement en vue de la gestion des déchets mettant en place 25 décharges sur l’ensemble du territoire libanais ainsi que des incinérateurs dont les effets sanitaires sont craints par un nombre important de libanais, a l’air être mise en marche. Aujourd’hui, Citerne Beirut semble être le premier à en payer le prix. Ce qui va ouvrir une énième polémique qui sera vite oubliée par une autre catastrophe, avec la mémoire de petit poisson rouge dont sont dotées les masses au Liban.

En fin de compte, la crise des ordures n’a pas cessé de faire couler beaucoup trop d’encre, à un tel point que nos cours d’eau en sont largement pollués … Depuis 2015, date de son explosion, le Liban continue de souffrir principalement de ses retombées, notamment sur le plan sanitaire. Une eau polluée, des plages infréquentables, un air lourd à respirer, des épidémies à profusion, et des cas de cancers qui se multiplient … et absence radio de la part des autorités, occupées à pomper l’argent du peuple et l’air qu’il respire … jusqu’à quand ?

Après le théâtre Ingea, ce fut la place au Théâtre de Beyrouth, aujourd’hui le Citerne Beyrouth. Mais n’oublions pas aussi l’inconnu destin du magnifique Grand Théâtre de Beyrouth, un pur joyau laissé à l’abandon, attendant sa probable destruction un jour, lui aussi. Parce que le Liban n’en a pas encore fini avec ses ordures, au propre comme au figuré. Un grand coup de balai semble nécessaire pour une réelle renaissance citoyenne et patriotique en premier degré, pour refaire naître le pays de ses cendres corrosives qui continuent de le décimer.

Marie Josée Rizkallah
Marie-Josée Rizkallah est une artiste libanaise originaire de Deir-el-Qamar. Versée dans le domaine de l’écriture depuis l’enfance, elle est l’auteur de trois recueils de poèmes et possède des écrits dans plusieurs ouvrages collectifs ainsi que dans la presse nationale et internationale. Écrivain bénévole sur le média citoyen Libnanews depuis 2006, dont elle est également cofondatrice, profondément engagée dans la sauvegarde du patrimoine libanais et dans la promotion de l'identité et de l’héritage culturel du Liban, elle a fondé l'association I.C.H.T.A.R. (Identité.Culture.Histoire.Traditions.Arts.Racines) pour le Patrimoine Libanais dont elle est actuellement présidente. Elle défend également des causes nationales qui lui touchent au cœur, loin des équations politiques étriquées. Marie-Josée est également artiste peintre et iconographe de profession, et donne des cours et des conférences sur l'Histoire et la Théologie de l'Icône ainsi que l'Expression artistique. Pour plus de détails, visitez son site: mariejoseerizkallah.com son blog: mjliban.wordpress.com et la page FB d'ICHTAR : https://www.facebook.com/I.C.H.T.A.R.lb/

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