À l’heure où j’écris ces lignes, une seule pensée m’envahisse, une pensée ramifiée en mainte d’autres : Mon Liban !

Comment puis-je ne pas parler de mon Liban, cette âme voire ce pays où je suis née et je l’ai vu naitre en moi ; où j’ai grandi et je l’ai vu se métamorphoser avec moi. Mon Liban de jadis est le Liban de la générosité de ses villageois, des sourires de ses citadins et de l’odeur du jasmin.

Oh mon Liban ! Je suis toi, tu es moi : un unique destin à jamais lié à cette terre.

Mon Liban qui s’est construit, déconstruit et puis reconstruit, à peine, n’est aujourd’hui qu’une âme qui souffre en silence, errante dans les profondeurs des abysses.

Oh mon Liban ! Tu es devenu un pays qui ne s’identifie plus à son passé, son histoire, ses pierres et ses habitants.

À l’heure où j’écris ces lignes, une seule pensée m’envahisse, le besoin de parler de mon Liban qui est devenu synonyme à ce chagrin au fond de moi.

Chaque année, les libanais semblent avoir un rendez-vous avec leur pays qu’on appelle le Liban.

Cette année, comme d’habitude, c’était un rendez-vous raté avec le temps, les souvenirs, le présent et la patrie, captivant les Libanais dans l’obscurité d’une existence qui leur est interdite, volée.

Cette année, c’est la question de l’existence de tout un pays et de tout un peuple qui se met en devant.

En 2021, il est assez primordial de parler du Liban afin de lutter contre sa destruction et sa manipulation et afin d’affirmer son rôle en tant que rempart qui se tient contre les bouleversements menaçant plus que jamais son existence.

Parler du Liban, revient à parler de ses villes et ses villages, de sa mer et ses montagnes, mais surtout de ses habitants qui n’existent qu’à travers lui.

Parler du Liban, revient à parler de nous, les Libanais ! .

Nous les Libanais, tellement habitués à dire «nous» quand on parle de nous-mêmes, mais aussi tellement habitués à dire «eux» quand on parle des autres.

Nous les Libanais, qui sommes-nous et qui sont ces autres ?

Nous les Libanais, qu’est-ce qui différencie ce «nous» du «eux» : une race, une ethnie, une religion ou un territoire ?

Nous les Libanais, qu’est-ce qui marque notre appartenance première : le pays, la religion, la confession ou le parti politique ?

Nous les Libanais, qu’est-ce que cela signifie ? Être Arabe ou Phénicien ? Être chrétien ou musulman ? Être sunnite, chiite ou maronite ? Être aouniste, phalangiste ou futuriste ? Ou peut- être quelque chose d’autre encore?

Comment traduire toutes ces disparités et ces frontières, héritées avec férocité et fierté, à un homme qui n’arrive plus à nourrir sa famille en 2021, à un vieillard qui n’a plus de maison en 2021 ou même à un enfant qui ne peut plus poursuivre son éducation en 2021?

Quel Liban voulons-nous, nous les Libanais, transmettre aux générations qui viennent ?

Est-ce un Liban composé de petites pièces de mosaïques sans unité, faites de brisures composites et de traces hétérogènes ?

Est-ce un Liban démuni d’un passé, d’une histoire et des racines, diluant tout repère et toute appartenance?

Est-ce un Liban existant dans un entre-deux suspendu entre un «ce qui n’est plus» et un «ce qui ne sera jamais» ?

Non !

En 2021, le Liban n’est plus le Liban de nos aïeux, certes. Peut-être qu’il en train de prendre une autre forme, et c’est à nous, les Libanais, tous les Libanais, de lui définir son existence, de lui dessiner sa trajectoire et d’arrêter ce jeu perpétuel de trahisons et de défaites.

En 2021, le Liban est ce qui nous est le plus précieux, sa perte est synonyme de souffrance, d’angoisse et de mort. Le Liban, en 2021, dépasse le «nous» et le «eux» esquissant derrière les identités fragmentaires et les bribes du passé, une multitude de possibilités d’un pays uni.

Qu’est-ce que cela signifie alors d’être Libanais en 2021 ?

Être Libanais en 2021, c’est refuser de se taire et refuser de disparaitre tout en plaçant la citoyenneté libanaise au premier plan afin d’éviter le point du non-retour.

Être Libanais en 2021, c’est croire à la force et au pouvoir du vivre ensemble. C’est quand le «nous» et le «eux» forment un tout et que le passé et le présent s’entrelacent refusant de sombrer

dans le néant, réalisant que les frontières qui nous séparent des autres ne sont que des ponts qui nous unissent ensemble.

Être Libanais en 2021, c’est pouvoir rêver d’un Liban réel et uni. C’est être de Beyrouth, de la montagne, du Nord, de la Bekaa et du Sud, tout à la fois.

Être Libanais en 2021, c’est opter en faveur de la force de vie. C’est tendre sans cesse nos mains généreuses et montrer perpétuellement de la sympathie envers nos frères les Libanais.

Être Libanais en 2021, c’est parier sur une identité libanaise d’union incluant tout le pays et tous les Libanais, sans discrimination. C’est pouvoir rapiécer les fissures confessionnelles tout en apportant une nouvelle vision de réunification sous l’emblème d’une idée d’un pays.

Être Libanais en 2021, c’est dessiner notre Liban, celui des chants de Fairouz et des Rahabni.

Être Libanais en 2021, c’est pouvoir reconnaitre un seul passé partagé et une seule histoire commune à tous. C’est dire que le Liban est le pays du Phénix, des Phéniciens et des Cèdres.

Être Libanais en 2021, c’est exhiber de la fierté en partageant les mêmes traditions et coutumes. C’est dire qu’un jour on a donné l’alphabet au monde, le tabboulé et la mankoushé aussi.

Être Libanais en 2021, c’est parler de ammo Moussa qui ouvre tous les jours son furn à 6h le matin, nous accueillant avec son grand sourire et une mankoushé à la main. C’est aussi parler de tante Salma qui nous reçoit dans son dekken du quartier les larmes aux yeux en parlant de ses enfants à l’étranger.

Être Libanais en 2021, c’est rester sur cette terre et continuer à choisir ce pays, aujourd’hui et demain, inlassablement.

Être Libanais en 2021, c’est parler de moi, de toi et de chacun de nous, nous, les Libanais.

C’est ça être Libanais en 2021, c’est renouveler sans cesse notre serment de loyauté et de fidélité envers notre Liban tout en se rappelant de l’essence même du mot Libanais.

Alors, et seulement alors, nous pourrons dire qu’on est Libanais en 2021. .

SILENCE … On Vit !
Nous sommes là, nous existons, oui malgré tout, les Libanais existent ! Notre Liban existe encore !

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