Le jardinier de Wall Street

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Cataclysmes à New York, à Tokyo ! Les bourses des autres pays suivent. Elles annoncent la chute de toutes les valeurs humaines dominantes du siècle, celles qui construisent et alimentent l’attrait au gain matériel, à tout prix. Les chiffres dégringolent à vue d’œil, les caméras de journalistes époustouflés, transmettent l’information aux quatre coins d’un globe désemparé! Un bref commentaire exhaustif et tonnant précise: “La majorité des habitants de la terre, épuisée du travail sans relâche, du rendement financier; absorbée au prix d’une qualité de temps et de vie médiocres a choisit la coalition pour le changement radical!  La modestie, la spiritualité, l’altruisme, le partage, le retour à la préservation de la nature, le dépouillement matériel, le contentement, la culture de la simplicité dans la modération, le choix de l’essentiel par une vie intérieure, riche et sans artifices, éclaireront des chemins inhabituels avec l’appât de la paix. Fini! Acheter, vendre et perdurer dans la spirale de l’éternelle insatisfaction du modèle périmé à la seconde suivante. Les aiguilles ne tourneront plus dans le même sens. Les empires de la société de consommation s”effondrent  avec ces mots sur la bouche des gens. Ils crient dans les bureaux, la rue et dans chaque maison: “on a perdu nos boulots pour gagner le meilleur de nos sens, étouffé depuis que les sous existent, celui de l’appartenance à une humanité..sans plus!”

D’une vieille demeure de nulle part, un vieux, un Monsieur, fiché numéro 365, est soudain sollicité après avoir été exilé, classé de “corruption” pour avoir éveillé autrement le commun des consommateurs. La raison de cette brusque reconnaissance semble évidente: “Maintenant on veut croire que c’est encore possible de concevoir et agir au quotidien d’une autre façon”, selon ce précieux conseillé de Wall Street qui a eu besoin des services de ce jardinier pour soulager non pas les plantes mais des riches en mal d’équilibre. De par son comportement, on sera attentif aux caractéristiques suivantes: “…le silence qui peut taire le superflu, l’acte qui traduit le don de gratuité, le souci de l’autre qui nous dégage de nos besoins, la quiétude échangée à plusieurs qui préserve la santé mentale, le travail fait main qui équilibre nos besoins de tête et un jardin qu’on cultive pour répondre aux gourmandises du corps et de l’intelligence au présent!” Débarrassé de sa longue barbe, il gardera cependant les traces de terreau sous les ongles noircis comme un fier témoignage du travail fait à nettoyer des esprits obscurcis par la rigidité des préjugés. Sans chercher paraître mais être, il va ainsi dévoiler l’art d’une pensée certes ordinaire mais accueillie par tant de gens comme unique: “Chers concitoyens, maintenant que vous avez enfin compris que rêver d’un monde meilleur se passe d’abord par lâcher prise, sur le conditionnement afin de redécouvrir le sens de la liberté. Je vous propose ma  recette de jardinier: Arrachez chaque matin les mauvaises  herbes de vos dépendances et aplanissez votre sol intérieur pour planter vos pousses.
Prenez soin de préserver vos rêves de la mondialisation. Alimentez leurs ailes de vos mains tendues. Vous recevrez de larges mers de bras car elles n’attendent que d’assouvir des cœurs silencieux si desséchés!”

Les promesses et les expectatives ne pèsent qu’à travers des mots. Les initiatives humanistes au présent peuvent seules faire fleurir les esprits comme un  jardin suspendu où il fait si bon se promener faute de pouvoir encore y adhérer!

“Merveille que de sentir mon poème qui grandit alors que je rétrécis.Il grandit, il prend ma place.Il m’évince. Il me jette hors du nid.
Le poème est fini.”(1)

(1) Tomas Transtrômer.
Baltiques,2004,nrf,p125.

Par Joe Acoury

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