Le 17 octobre 2019, un vent d’espoir souffle sur le Liban. On voit déferler sur les routes du Liban des femmes, des hommes et des enfants de toutes les confessions et de toutes les régions. Le mouvement est spontané et pacifique. Il revendique grosso modo un changement de régime, la démission du gouvernement,  la formation d’un gouvernement de technocrates indépendants du cartel politique actuel, la démission du Président de la république, la récupération de l’argent volé et des élections parlementaires anticipées. Des manifestations quotidiennes se déroulent dans une ambiance souvent folklorique. 

Le mouvement révolutionnaire était donné en exemple à tous les pays du monde. L’espoir avait gagné tous les esprits. La révolution faisait peur à la classe politique. Les accusations avaient commencé à s’abattre sur ce mouvement considéré être à la solde des ambassades étrangères et même d’Israël. Peu à peu, il s’est  fait noyauter par des voyous à la solde de partis politiques armés qui voyaient d’un mauvais oeil une révolution qui risquait de mettre à mal leurs privilèges et leur domination de la situation tant politique que militaire du pays. Rien ne pouvait se décider sans leur consentement plus ou moins tacite. Le bras de fer entre la révolution et les partis alliés à l’Iran devenait de plus en plus violent. On n’avait pas peur de voir la révolution vaincue parce qu’elle semblait solide et unie. Elle se voulait au-dessus des confessions et sans relation aucune avec les partis politiques traditionnels. 

La révolution commençait cependant à s’essouffler. Elle était dénaturée par les voyous qui lançaient des injures de toutes sortes. Ils s’en prenaient à l’armée et aux forces de sécurité. Ils cassaient tout sur leur passage. Ils volaient à certains moments des objets pris à des magasins qu’ils avaient brisés. Ils coupaient les routes. Ils se croyaient les maîtres du pays.  Tous voulaient faire la révolution à leur façon. Ils manquaient de respect à tout le monde, du Président de la république au plus petit fonctionnaire de cette même république. 

La révolution commençait à se perdre. Elle ne pouvait pas élire un Comité exécutif pour la diriger et coordonner ses diverses tendances. Elle n’avait point de programme commun. Si des élections législatives anticipées étaient décidées, elle ne pourrait pas s’entendre sur des candidats à ces élections. Elle ne savait que répéter les mêmes slogans vidés de leurs sens :”thawra, thawra…” On voyait passer sur les antennes de TV des gens qui se disaient révolutionnaires mais qui n’inspiraient pas confiance, du genre ôte-toi de là que je prenne ta place, du même genre que les politiciens qui nous gouvernent. 

Le 21 février a vu l’apparition du coronavirus. La révolution s’est confinée pour répondre aux directives du ministre de la  santé. Elle avait cessé toute activité jusqu’à la journée fatidique du 6 juin 2020. On la sentait défigurée. La révolution du 6 juin ne ressemblait plus à la révolution du 17 octobre. Elle se retranchait de nouveau derrière ses partis, derrière ses communautés religieuses. Elle était divisée sur elle-même. Il était interdit de soulever le problème des armes du Hezbollah qui est pourtant l’une des causes principales de la crise économique et financière que traverse le pays. Les slogans avaient changé de tonalité. Ils s’en prenaient à des symboles religieux  sacrés. Des groupes de révolutionnaires lançaient des pierres à d’autres groupes de révolutionnaires. Les lignes de démarcation reprenaient leurs formes d’antan. On était à deux doigts de la reprise de la guerre civile. Le 6 juin a sonné le glas de la révolution du 17 octobre 2019. Il a sonné le glas de l’espoir placé en elle par tout un peuple. 

Comme disait Horace :” Chassez le naturel, il revient au galop.” Il est impossible de se débarrasser totalement de ses tendances naturelles ou de tenter de les dissimuler. Certains manifestants ont voulu se présenter en vrais révolutionnaires mais  en vain. Leur véritable nature a pris le dessus sur les principes qu’ils ont voulu véhiculer. Dommage, ils ont assassiné la RÉVOLUTION du  17 octobre pour faire d’elle un  mensonge tout court. Mais croyez- moi,  elle n’était pas un mensonge. Elle est plutôt un espoir perdu. 

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