L’Hymne à la voix de Rima Tawil

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Rima Tawil a été encore une fois éblouissante, le jeudi 12 avril 2018 à la prestigieuse salle Gaveau. Devant une salle comble de mélomanes convaincus, elle a déployé toutes les variations de son grand talent vocal, avec passion, ferveur, chaleur et générosité. Sans se départir de sa grande rigueur professionnelle. Elle était accompagnée du chœur de chambre de l’île de France, sous la direction du chef Jean Sebastien Veysseyre et la participation d’artistes accomplis : Denis Dubois (piano), Christophe Giovannetti (violon), Albert Tawil(violon), Ella Jarrige(violoncelle), Vladimir Percevic(alto), Héloïse Ely(contrebasse)et Alexandre Koneski(guitare).

Le programme éclectique se composait de morceaux choisis, certains déjà connus du répertoire classique (Massenet, Bernstein, Albinoni, Rossini, Mascagni) et d’autres inédits, spécialement créés pour elle (Al Coudsi, Charrier, Awada, Tomb). Elle a mis en avant l’inspiration et la créativité, de jeunes compositeurs classiques libanais et orientaux.

L’exercice pouvait sembler périlleux mais le défi fut magistralement relevé, en créant une vraie continuité harmonieuse et un véritable enchantement.

Ceci est dû certes au choix judicieux des thèmes, textes et musiques mais surtout, à la merveilleuse adaptabilité de Rima Tawil qui sut, tour à tour, avec une grande aisance et finesse, être grave, légère, dramatique, ludique, déchirante, tragique et lumineuse, animée par une immense sincérité et servie par une égale maîtrise vocale.

L’hymne à l’enfance (texte Camille Tawil) ainsi que Le chant à la mère et Mon amour (textes Henri Zoghaib) tous les trois en arabe ont été particulièrement bouleversants. Ils ont résonné au plus profond des locuteurs de cette langue. Rima Tawil se bat depuis plusieurs années pour porter le chant lyrique, en langue arabe. Une manière de témoigner et de conjuguer, le summum de l’art occidental et son raffinement, avec la mélodie, la dramaturgie et la richesse de sa langue maternelle.

Le fait que Rima ait perdu sa propre mère, il y a peu de temps, a donné une plus grande intensité à son chant car elle semblait tendre vers elle, de toute la force de son âme, avec toute sa tendresse et sa dévotion. Certes un artiste intériorise son rôle, pour l’exprimer le plus pleinement possible mais parfois, l’épreuve humaine le pousse, à plonger encore plus, au plus profond de son être car elle devient sa propre vie.

Entre le Souvenez-vous Vierge Marie (Massenet)et Maman (Souleiman el Qoudsi), Rima a semblé dédier tout le concert, à une grande absente qu’elle porte à son tour en elle, avec un amour infini, « jusqu’à la fin des temps ». A ce moment précis, elle était véritablement transfigurée.

Bien sûr Rima Tawil a poursuivi son concert, à travers d’autres répertoires plus feutrés (Bernstein, West side story) et elle s’est illustrée à nouveau, dans la pleine puissance de sa voix de grande soprano, quand elle a emprunté la langue de Dante. On reconnaît le parcours polyvalent et polyglotte, assez exceptionnel de Rima Tawil qui se perfectionna, avec des maîtres de chant de grande renommée (Scala de Milan, New York, Paris), tout en restant fidèle à ses origines (Conservatoire national supérieur de musique de Beyrouth, Musicologie de Saint Esprit Kaslik).

D’une certaine manière, Rima Tawil incarne le miracle libanais qui établit un pont entre les cultures, s’accommode de plusieurs sensibilités, invente de nouvelles voies, fait communiquer des univers parallèles ou séparés, avec une grande capacité renouvelée d’écoute, de réactivité, d’empathie et de dialogue. Rima Tawil traverse les frontières, fait voyager les êtres. Son hymne à la voix est un chant universel, à la fois aérien et enfoui, fluide et palpable.

Encore une fois Rima Tawil a su s’exprimer en plusieurs langues (arabe, français, italien, anglais), à travers des rythmes différents et des tonalités variées mais toujours, avec le même bonheur et un vrai don de soi. C’était aussi un message de Paix entre les hommes, à la veille de la 43 commémoration du début de la guerre du Liban.

L’Hymne à la voix (également hymne à la joie) a été une authentique performance musicale soutenue, fruit d’un grand labeur, d’une démarche conceptuelle et d’un engagement artistique réfléchi et délibéré. C’est l’accomplissement rayonnant d’une artiste hors pair.

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