Le  rapporteur spécial de l’ONU en charge de l’extrême pauvreté et des droits de l’homme, Olivier de Schutter, s’est exprimé à l’issue de sa visite du Liban et accusé les autorités libanaises de destruction volontaire de la monnaie nationale, de l’impasse politique et de la hausse des inégalités, des facteurs ayant amené à la paupérisation d’une grande partie de la population.

Olivier de Schutter a estimé que le Liban est sur le point de s’effondrer et que “son gouvernement laisse tomber son peuple”.

 La destruction de la livre libanaise a ruiné la vie de personnes et appauvri des millions de personnes. L’échec du gouvernement à faire face à cette crise sans précédent a causé une misère extrême à la population, en particulier les enfants, les femmes, les apatrides, les sans-papiers et les personnes handicapées qui étaient déjà marginalisées.

Olivier de Schutter

Le responsable onusien a ensuite décrit une crise fabriquée qui a poussé une grande partie de la population dans un état de pauvreté pendant que “le gouvernement perd un temps précieux à éluder la responsabilité et à faire des réfugiés des boucs émissaires pour sa survie”.

Avant même cette crise, 10% des personnes les plus riches disposaient de 5 fois plus de 50% de la population la plus pauvre, précise Olivier de Schutter qui indique que ce fossé a été accentué par le système fiscale et le système bancaire. Ces derniers encouragent ainsi l’évasion fiscale et concentrent la richesse dans les mains de quelques personnes, alors que les impôts touchent plus durement la population la plus vulnérable.

Il est alarmant de voir à quel point les dirigeants politiques ne semblent pas disposés à montrer la relation entre la réforme fiscale et la réduction de la pauvreté, et sous-estiment les avantages que les systèmes de protection sociale peuvent apporter pour reconstruire l’économie, en particulier en temps de crise. Malheureusement, il n’existe aucun plan fiable de réduction de la pauvreté dont le gouvernement m’a informé qui ne dépende des donateurs internationaux et des ONG.

Olivier de Schutter

Il souligne qu’une aide internationale ne peut être durable également soulignant la nécessité de trouver des solutions pérennes à la crise économique et du fait que les autorités libanaises ne prennent pas la question au sérieux.

Le Liban est connu pour avoir des niveaux d’endettement élevés, mais des ratios dette/PIB élevés ne conduisent pas en eux-mêmes à une crise de la dette. La question est de savoir à quoi les dirigeants politiques ont dépensé des ressources. Pendant des décennies, le Liban a ignoré le besoin de politiques sociales, à partir de programmes de protection sociale solides et d’infrastructures de service public, et s’est plutôt concentré sur des secteurs improductifs tels que les banques, doublant constamment la dette publique et consacrant ces ressources à son service.
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C’est étonnant le manque de responsabilité aux plus hauts niveaux de la direction politique. En rencontrant des fonctionnaires loyaux au niveau subalterne, j’ai été choqué par le détachement de l’establishment politique de la réalité de ceux qui vivent dans la pauvreté sur le terrain. Les enfants sont forcés d’abandonner l’école et de travailler dans des conditions dangereuses, et les réfugiés et les Libanais dans les zones urbaines. Les populations rurales manquent également d’eau potable et d’électricité, et le personnel des écoles publiques et des hôpitaux quitte le pays dans la pauvreté.  

Olivier de Schutter

Il estime ainsi qu’un système complet de protection sociale aurait pu atténuer les effets de la crise qui a frappé la plupart de la population

“Le gouvernement devrait donner la priorité à l’établissement d’un niveau minimum universel de protection sociale, y compris l’assurance-chômage, les allocations familiales, les pensions d”e vieillesse et d’invalidité, les prestations de maladie et de maternité ou de paternité, qui auraient tous protégé les travailleurs pendant le COVID- 19 confinement”, poursuit Olivier de Schutter avant de s’en prendre aux liens unissant politiciens et secteur bancaire:

La relation complexe entre la classe politique et le secteur bancaire reste profondément troublante. Le gouvernement devrait montrer l’exemple et divulguer publiquement tous les revenus, quotas et intérêts financiers, et allouer des ressources à de véritables mécanismes de responsabilité. La communauté internationale ne croira que les engagements du gouvernement à réformer s’il s’engage sérieusement à respecter le principe de transparence.
La communauté des donateurs perd patience avec le gouvernement libanais. Après avoir perdu 240 millions de dollars à cause de la manipulation de taux de change arbitraires, la communauté internationale doit voir que le gouvernement prend au sérieux la transparence et la responsabilité. Une approche fondée sur les droits guiderait son efforts sur cette voie.

Olivier de Schutter
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