Le désormais ex-premier ministre désigné Saad Hariri a indiqué se retirer et ne formera pas son 4ème gouvernement, cela 9 mois après sa nomination à l’issue des consultations parlementaires obligatoires et 11 mois après la démission du gouvernement Hassan Diab. Ce retrait était évoqué depuis plusieurs semaines.

Il s’agira désormais pour le Président de la République d’organiser de nouvelles consultations obligatoires des parlementaires pour désigner un successeur à Hassan Diab dont le gouvernement expédie les affaires courantes depuis le 10 août 2020, 6 jours après l’explosion du port de Beyrouth.

Saad Hariri accuse la présidence de la république de souhaiter des amendements majeurs à ses propositions concernant la distribution des différents portefeuilles ministériels. Il indique avoir proposé plus de temps au Président de la République, le Général Michel Aoun pour étudier la composition de son gouvernement. Cependant, il accuse ce dernier qu'”il est impossible que l’on soit d’accord à ce sujet“.

Saad Hariri aurait conclu sa conférence de presse à l’issue de sa rencontre avec le chef de l’état par ces paroles: “Que Dieu vienne en aide à ce pays”.

Une crise insoluble entre la Présidence et la Maison du Centre

La tension entre les 2 hommes était montée ces dernières semaines, avec des échanges acerbes par personnes interposées, le premier ministre désigné accusant la présidence de la république de violer la constitution et celles-ci répliquant que les propositions de Saad Hariri violaient le pacte national.
Ces tensions intervenaient alors que Saad Hariri proposait de former un gouvernement accordant un tiers à la communauté chrétienne, un tiers à la communauté sunnite et un tiers à la communauté chiite, contredisant le Pacte National stipulant une répartition à part égale entre communautés chrétiennes et musulmanes.

Cette démission intervient également en dépit des pressions de la communauté internationale qui demandait à Saad Hariri et au chef de l’état plus de souplesse, faute de quoi des sanctions visant certains hommes politiques accusés de bloquer le processus de formation du gouvernement ou encore de corruption et de violation des droits de l’homme pourraient être imposées par l’Union européenne et les Etats-Unis prochainement.

Saad Hariri était pourtant soutenu par le président de la chambre des députés, Nabih Berri, après que celui-ci ait obtenu le ministère des finances pour un de ses candidats, un ministère clé dans la situation actuelle alors que devrait se dérouler un audit juricomptable des comptes de la Banque du Liban mais également des institutions gouvernementales afin de déterminer les possibles détournements de fonds.

Pour rappel, Saad Hariri a déjà mené 3 gouvernements dont 2 sous le mandat du président Michel Aoun. Il avait démissionné le 29 octobre 2019 suite à d’importantes manifestations dans l’ensemble du pays en raison de la dégradation, déjà, des conditions sociales et économiques.

Précédemment, des sources proches de la présidence de la république avaient accusé Saad Hariri d’être intransigeant sur le fait de nommer une personnalité sunnite au ministère de l’intérieur, ou encore une personnalité grecque orthodoxe au ministère de la défense, ces 2 ministères devant revenir respectivement à la communauté chrétienne et plus précisément aux maronites en ce qui concerne l’institution militaire.

Ces changements ne prendraient pas en compte des accords conclus précédemment entre les 2 hommes, notent des sources proches de la présidence de la république qui estime que le délai de 18 heures pour accepter ou refuser cette liste et imposé par le premier ministre désigné était dangereux et inacceptable.

Il s’agirait, selon ces sources, pour le premier ministre désigné Saad Hariri de reporter sa responsabilité dans l’échec de former un gouvernement depuis 11 mois maintenant sur le dos la présidence de la république et non de faire face à ses échecs et sa responsabilité dans la crise actuelle alors que la situation sociale et économique du Liban continue à se dégrader, un échec qui serait imputable selon la grande majorité de la population et la communauté internationale, à la classe politique libanaise dans son ensemble.

77% de la population ne mangerait ainsi plus à sa faim et 33% des enfants habitant au Liban dormiraient le ventre vide, notaient les auteurs d’un rapport de l’UNICEF.

Face à cette situation, la communauté internationale juge en effet nécessaire la mise en place d’un nouveau gouvernement et des réformes institutionnelles, monétaires et économiques avant le déblocage de son aide.

Les ministères de la justice et de l’intérieur sont également très disputés, de nombreux dossiers juridiques impliquant de hautes personnalités proches de certains hommes politiques. Ainsi, l’ancien ministre des finances Ali Hassan Khalil, proche du président de la chambre des députés ou encore l’ancien ministre des travaux publics, Ghazi Zoaiter, tout de même également du mouvement Amal, font l’objet d’une demande de levée de l’immunité de la part du Juge d’instruction Tarek Bitar qui enquête dans le cadre de l’explosion du port de Beyrouth. Des proches de Saad Hariri, comme l’ancien ministre de l’intérieur Nouhad Machnouk ou encore l’ancien directeur du port de Beyrouth Hassan Koreytem font également l’objet de l’enquête.
Par ailleurs, le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, également proche de Saad Hariri, fait l’objet de plusieurs enquêtes pour détournement de fonds et blanchiment d’argent à l’étranger, notamment en France et en Suisse. Ces enquêtes n’ont pour le moment pas été ouvertes par la justice libanaise, en dépit d’une demande d’information de la justice suisse au procureur de la république Ghassan Oweidat, également considéré comme proche de Saad Hariri.

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