Liban jeune fille drapeau révolution
Photo retrouvée sur les réseaux sociaux

Je fais partie d’une génération qui n’a rien connu de bien au Liban. Née en pleine invasion israélienne, j’ai ouvert les yeux dans un Liban écorché par les milices de tous bords, par les folles envies de certains de nous cloisonner ou de nous annexer à mille et un diables.

J’ai ouvert les yeux dans un pays martyrisé par des partis qui n’ont jamais brandi le drapeau libanais avant le leur. L’effroyable existence de ces mêmes partis a porté à une maturité précoce l’enfant que j’étais, et a semé au fond de moi un seul et unique rêve : voir mon pays libéré. Libéré de la botte syrienne, libéré du joug israélien, libéré de ses propres démons.

Que de fois j’ai eu mal à mon pays …

J’ai eu mal à mon pays, à chaque fois que la dignité d’un citoyen se trouvait égratignée pour se courber aux caprices machiavéliques des partis politiques et des puissances confessionnelles ségrégatives.
J’ai eu mal à mon pays à chaque fois qu’un soldat de son Armée venait de tomber à cause du terrorisme financé par les partis au pouvoir.
J’ai eu mal à mon pays à chaque fois que l’on détruisait un site archéologique, un marqueur historique, une maison traditionnelle, pour effacer notre identité et notre histoire.
J’ai eu mal à mon pays lorsque j’ai vu une larme couler sur la joue d’un vieillard parce qu’on l’empêche de finir décemment ses jours.
J’ai eu mal à mon pays à la vue de la misère, du trafic de drogues et d’armes illégales, à la mort prématurée de jeunes pour des raisons que la raison ignore.
J’ai eu mal à mon pays à chaque fois que l’on coupait ses arbres inconsciemment, que l’on provoquait des incendies pour mettre en place un projet douteux.
J’ai eu mal à mon pays lorsque je voyais mes amis quitter, lorsqu’une mère pleurait l’absence de ses enfants exilés…

La liste est très longue, un mal vécu au jour le jour, jusqu’à la moelle, à chaque fois que l’injustice sonnait son glas, quotidiennement. J’ai surtout eu mal à mon pays à chaque fois que l’on scandait l’inlassable rengaine : on n’y peut rien, c’en est ainsi, le Liban ne changera en rien.

Je savais que la source de ce mal était due aux gérants du pays qui l’ont vendu au plus offrant, et je n’arrêtais de comparer ces quidams à une tumeur maligne ayant rongé le corps de mon pays, refusant de maudire mon pays natal, mais plutôt cette tumeur qui le ravage, et qu’il fallait à tout prix éradiquer.

Grandir au milieu des briseurs de rêves

Je fais partie d’une génération qui a grandi avec des briseurs de rêves, qui a macéré dans la corruption, et qui devait toujours se taire face à toutes les injustices possibles parce que les voyous des partis au pouvoir pouvaient un jour porter atteinte à ma sécurité ou à celle de ma famille.

J’ai grandi entourée de Aounistes, des membres des Forces Libanaises, de Kataëb, du Courants du Futur, du Amal, du Hezbollah, des Franjiottes, des Aoumiyé et de je ne sais plus quelles hérésies encore, qui ont tout fait pour creuser un fossé entre les citoyens et les citoyennes de ce pays, et qui ont tout fait pour étouffer nos rêves et nos ambitions, à coup de favoritisme, à coup de magouilles, et souvent à coup de sang.

Vous vous valez tous, et si un seul d’entre vous avait effectivement œuvré pour le bien de ce pays, nous n’en serions pas arrivés au fin fond de l’abîme sur tous les plans : politiques, sécuritaires, éthiques, culturels, identitaires, humains, écologiques, etc.

Pour toutes ces raisons, révoltons-nous !

A tous ces briseurs de rêves, je crie aujourd’hui : Foutez-nous la paix ! Vous nous aviez toujours aveuglés, hypnotisés, asservis, mais vous n’avez pas réussi à nous faire baisser le front. Cette peur que vous aviez réussi à planter au fond de nous, nous avons réussi à l’exorciser : Comment ? une fois que nous nous sommes rendus compte que rien nous sépare mais que tout nous unis, et que mes rêves de voir un jour mon pays redressé, je le partage avec mes compatriotes de Nabatiyé, de Tyr, de Saida, de la Beqaa, de Beyrouth, du Chouf, du Metn, du Kesrouan, de Jbeil, de Koura, du Nord et de Akkar, mes compatriotes et moi qui avons, depuis le 17 octobre brandi tous l’unique et le seul drapeau libanais.

La main de la petite fille que j’ai été et à qui vous avez brisé et l’enfance et le cœur et les rêves, je la tiens toujours, et je ne la lâcherais pour rien au monde. C’est elle qui me permettra de tenir bon à vos feux infernaux que vous tentez et tenterez de diriger vers nous, à travers vos moutons que vous injectez parmi nous pour décrédibiliser notre révolte qui vous fait peur d’une manière titanesque et qui se traduit dans toutes vos attaques médiatiques, dans la rue et à tous les niveaux. C’est pour ma famille, mes enfants, mes voisins, mes compatriotes que je me bats et continuerai à me battre, et je suis sûre que ceux qui se retrouvent dans mes paroles sont légions.

Vous n’avez plus de légitimité parce que les lois législatives qui vous ont permis un jour d’accéder aux postes que vous avez, sont forgées de vos propres mains à coup d’intérêts personnels, de trucages et de contournements du bon sens et de la morale. Votre date d’expiration est arrivée à terme, vous puez la guerre et la corruption, on ne veut plus de vous !

Laissez cette nouvelle génération qui n’a pas vécu ce que la mienne a vécu faire un changement. Epargnez-là de vos discours haineux, de votre fiel sectaire et de votre fanatisme asservissant. Remettez vos pendules à l’heure de notre jeunesse, et vous vous rendrez compte que vous faites partie d’un stock périmé, et que le besoin d’un vivre-ensemble digne, décent et constructif dans un Etat respectant nos droits de bases en tant que citoyens et citoyenne est notre seul désir.

Articles du même auteur, sur le même thème :
Ne nous volez pas notre Révolution !
Liban : Confier notre avenir à une équipe qui nous a noyés ?
Liban : La révolution du rire

Marie Josée Rizkallah
Marie-Josée Rizkallah est une artiste libanaise originaire de Deir-el-Qamar. Versée dans le domaine de l’écriture depuis l’enfance, elle est l’auteur de trois recueils de poèmes et possède des écrits dans plusieurs ouvrages collectifs ainsi que dans la presse nationale et internationale. Écrivain bénévole sur le média citoyen Libnanews depuis 2006, dont elle est également cofondatrice, profondément engagée dans la sauvegarde du patrimoine libanais et dans la promotion de l'identité et de l’héritage culturel du Liban, elle a fondé l'association I.C.H.T.A.R. (Identité.Culture.Histoire.Traditions.Arts.Racines) pour le Patrimoine Libanais dont elle est actuellement présidente. Elle défend également des causes nationales qui lui touchent au cœur, loin des équations politiques étriquées. Marie-Josée est également artiste peintre et iconographe de profession, et donne des cours et des conférences sur l'Histoire et la Théologie de l'Icône ainsi que l'Expression artistique. Pour plus de détails, visitez son site: mariejoseerizkallah.com son blog: mjliban.wordpress.com et la page FB d'ICHTAR : https://www.facebook.com/I.C.H.T.A.R.lb/

Un commentaire?