La trêve humanitaire de 30 jours votée par le Conseil de Sécurité n’aura pas duré trois heures. Pas même le temps d’envisager l’acheminement de l’aide humanitaire et l’évacuation des blessés dans les zones de combats, notamment dans l’enclave assiégée de la Ghouta.

Certes, le cessez-le-feu n’englobe pas les divers groupes Djihadistes, sinon la résolution 2401 n’aurait jamais pu être adoptée. Selon son texte, ne sont pas concernés par la trêve les “individus, groupes, entités, associés avec el-Qaëda et l’État islamique, ainsi que d’autres groupes terroristes désignés par le Conseil de sécurité “; mais les civils et les citoyens syriens qui se trouvent dans les zones sous leur contrôle sont-ils pour autant exclus du devoir d’humanité ? Ne sont-ils pas les premiers concernés par la trêve humanitaire, à l’instar de toutes les populations civiles exposées aux combats partout en Syrie ?

Il ne saurait être question ici de préférence, de géopolitique, de propagande, de parti pris, encore moins de condamner un camp plutôt qu’un autre mais de respecter une résolution adoptée à l’unanimité par la plus haute instance internationale et dont l’objectif est de venir en aide aux populations civiles victimes du conflit. Il est évident que le régime et ses alliés sont décidés à reconquérir du terrain et sont déterminés à poursuivre leur offensive contre-insurrectionnelle pour déloger les rebelles. Il n’en demeure pas moins que le fait d’observer une pause dans les combats ne revient aucunement à donner un répit aux groupes rebelles mais avant tout d’en accorder un aux populations civiles et permettre éventuellement leur évacuation, en priorité celle des blessés, et l’acheminement de l’aide médicale et alimentaire.

Est-il seulement besoin de rappeler que cette trêve vise à venir en aide aux civils, femmes, enfants vieillards, malades et blessés, alléger leur souffrance, leur permettre de quitter les zones de guerre et non d’épargner les combattants affiliés à Daesh ou Al Nosra ? Les hostilités pourront toujours rependre après la distribution de l’aide et l’évacuation de ceux qui désirent partir. Exclure ces zones en raison de la présence de groupes Djihadistes revient à condamner tous les habitants qui s’y trouvent. Depuis quand la lutte contre le terrorisme est-elle plus importante que la protection et la sécurité de ceux qui en sont victimes ? Il est évident que du peuple syrien, tant le régime que les groupes rebelles ainsi que leurs alliés respectifs n’en ont cure.

Pourtant une trêve pourrait favoriser la tenue de négociations en vue d’une réédition des groupes armées voire de leurs retraits vers d’autres fronts à l’instar des accords similaires obtenus à plusieurs reprises. Mais jusqu’à présent l’armée syrienne n’a toujours pas eu la décence de suspendre quelques heures ses opérations alors que même les principaux groupes rebelles qui contrôles la Ghouta orientale s’étaient engagés à respecter le cessez-le-feu humanitaire réclamé par le Conseil de Sécurité. Ainsi, le groupe islamiste Jaich el-islam s’est engagé « à protéger les convois humanitaires qui vont entrer dans la Ghouta » alors que le groupe Faylaq el-Rahmane annonçait « respecter le cessez-le-feu » et « faciliter l’entrée de toutes les aides de l’ONU dans la Ghouta orientale ».

Ce serait plutôt aux autorités étatiques, aux pays membres des Nations-Unis et de surcroit ceux qui sont membres permanent du Conseil de sécurité de se conformer à la légalité internationale et aux résolutions du dit conseil et non aux groupes qualifiés, parfois à raison, de terroristes et qui par nature ne sont guère enclins à respecter le droit international. Aussi, la Russie devrait imposer immédiatement dans la Ghouta et ailleurs un cessez-le-feu provisoire, une trêve temporaire et aménager des couloirs humanitaires afin de permettre l’évacuation des civils. Il en va de sa responsabilité du fait de sa position militaire prédominante, du rôle délicat d’arbitre qui s’y rattache, de son statut de grande puissance mais aussi de la sécurisation et de la capitalisation des efforts investis dans le conflit. Alors qu’elle s’évertue à obtenir une solution politique négociée le moins qu’elle puisse faire serait d’obtenir d’un régime qu’elle soutient à bout de bras l’instauration d’une pause humanitaire à défaut de réelles concessions politiques. Il en va de sa crédibilité et de l’avenir de sa présence en Syrie.

Camille Najm
Analyste, chercheur, consultant et journaliste politique basé entre Genève et Beyrouth. Auteur d’études, de rapports, d’articles de presse et pour revues spécialisées, d’éditoriaux, de chroniques. D.E.A en Science politique et relations internationales – Université de Genève. Domaines de spécialisation : Les rapports entre la culture, la religion, identité et la politique – Les minorités religieuses, culturelles, ethniques du monde arabe – Les relations islamo-chrétiennes – le christianisme dans le monde arabe – Laïcité, communautarisme et multiculturalisme – Le Vatican – Le système politique libanais, les institutions et la démocratie – De nombreuses problématiques liées au Moyen Orient (Liban, Syrie, conflit israélo-arabe).

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