Un escalier d’honneur sale et peu entretenu. Un gazon mal taillé et un ministre en baskets (porte-t-il des lunettes teintées pour se cacher ?). Des ministres au garde-à-vous, sauf le Premier ministre. Se tient-il le ventre de rire ou souffre-t-il d’ulcères après ses longues semaines de tractations ? En bref, il s’agit de la photo officielle du nouveau gouvernement en compagnie du président de la République et du président du parlement.

Ce gouvernement de « technocrates » est le résultat d’un véritable maquignonnage. On aura réussi à y placer six femmes, toutes au deuxième rang sur la photo, sauf la ministre de la Défense qui est aussi vice-présidente du conseil. Le gouvernement serait proche du Hezbollah. Tous les courants ne sont pas représentés. Pourtant n’était-il pas ardemment souhaité par tout ce petit monde de partis et de clans au pouvoir ou dans l’opposition ? Homélies du dimanche et sermons du vendredi y ont également œuvré. D’Israël, Emmanuel Macron y va de son soutien pendant qu’il discute de l’Iran avec Benjamin Nethanyahou. Monsieur Gutteriez de l’ONU est content aussi. Les instances internationales vont bientôt lâcher l’enveloppe du CEDRE soit 11 milliards de dollars.

Hathan Diab a annoncé la formation de son gouvernement du palais de Baabda. Sapin et crèche de Noël ont disparu du décor. Le fond n’est plus qu’une photo défraîchie de palais de Baabda, semblable à ces vieilles cartes postales du centre de Beyrouth de l’avant Rafik Hariri. Lunettes sur le bout du nez, Hathan Diab annonce sereinement que la formation du nouveau gouvernement est la réponse aux revendications des manifestations. Une émanation sui generis en quelque sorte.

Pendant ce temps, les manifestations, les blocages de routes se poursuivaient un peu partout dans le pays. Les manifestants disent qu’on se moque d’eux. Que tout ceci n’est que farce pour couvrir les agissements des politiciens et leurs affidés. Il n’y a pas de réponse aux revendications.

Il est vrai que face à la dégradation économique et sociale continue, l’augmentation brutale du chômage, des licenciements et l’inflation galopante peu de solutions se dessinent si ce n’est les vieilles recettes éculées. La population devra payer encore et encore l’aide promise par les instances internationales. Le mot de mesures d’urgence n’est pas vraiment à l’ordre du jour.

La gestion de cette instabilité permanente est confiée au gouvernement Diab. Le Hezbollah et ses alliés deviennent la cible du mécontentement populaire. Ce « sale boulot » de remise au pas ne peut qu’éclabousser sa popularité, ce qui n’est pas pour déranger les partis et courants restés en dehors de la coalition gouvernementale ainsi que les États-Unis ou les puissances européennes. Le Hezbollah assure ce rôle tout en défendant la politique régionale iranienne. Un numéro d’équilibriste qui ne peut rester sans conséquence.

Saluons parmi les anciens ministres en partance, une « grande » figure primée du droit des affaires internationales. Elle regagnera bientôt son très « cosy » bureau londonien. Les cieux de la City seront plus cléments, espérons-le, que ceux de Beyrouth après une si brève et néanmoins courte et agitée carrière, en tant que ministre du Travail. So long Mister Kamil Abu Sleiman !

Michael Maschek
Michael Maschek se consacre à la formation et au conseil en management de projet. Il pratique avec passion la photo et sa version aérienne au drone. Auteur en 2018 de Myrtom House Building. Un quartier de Beyrouth en guerre civile chez L’Harmattan, il y découvre la chape de plomb posée sur l’historiographie libanaise par l’amnistie accordée en fin de guerre civile, au travers d’une expérience personnelle. Le 17 octobre 2019, le début des manifestations marque la fin de cette période. Il en devient alors, lui-même, à distance, un chroniqueur passionné.

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