Le tablier (de jeu)  est la surface plane sur laquelle se jouent les parties de jeux de société comme les échecs, les dames, le backgammon ou les échelles et serpents et de manière générale tous les jeux se déroulant sur une surface normée.

Une éducation solide considère l’initiation aux jeux de société très structurante pour former le caractère et apprendre à jouer selon des règles bien définies, gagner avec grâce ou perdre avec élégance.

Le tablier du jeu d’échecs est composé de 8×8 cases avec seize pièces par joueur.  C’est un jeu de classes où chaque pièce, suivant sa forme, peut bouger selon des règles strictes et où le roi est la seule pièce importante; le joueur instrumentalise les autres pièces au service du roi; il peut les sacrifier toutes et gagner quand même. Il est calculateur et veut contrôler la dynamique de son tablier à tout prix pour annihiler son adversaire.

Tandis que dans un jeu comme le backgammon, le tablier est composé de quatre quadrants de six cases avec quinze pièces placées en début de jeu spécifiquement dans chacun des quadrants. Les mouvements des pièces sont cadrés par la paire de dés lancée tour à tour; toutes les pièces sont égales; pour gagner la partie, le joueur doit les ramener, sans exception, dans son premier quadrant et puis les retirer au plus vite. Une pièce non protégée peut être frappée par l’adversaire et mise hors-jeu. Le jeu est basé sur les principes de solidarité (aucune pièce  n’est laissée pour compte): si une pièce est mise hors-jeu, le joueur voit son action entièrement bloquée jusqu’à pouvoir remettre sur le tablier toutes les pièces frappées, et d’égalité: le joueur doit continuellement protéger TOUTES ses pièces et renforcer ses positions pour avancer en sécurité. Il est vulnérable à travers chacune d’elles. Ses actions, ses tactiques, et sa stratégie prennent en considération ces principes et ces contraintes.

Au Liban, petit pays construit sur des paramètres superposés de culture de  religions et de géographie, avec des fantasmes et des inconscients collectifs souvent surréalistes mais bien ancrés, les grands politiciens ou acteurs dans la vie publique (les joueurs) ont toujours cette idée (fausse) de vouloir/pouvoir mener leurs actions intérieures sur un tablier de jeu d’échecs en n’hésitant pas à (envisager d’) éliminer, instrumentaliser, ou vouloir dominer les autres composantes dans leurs propre région/communauté ou dans les autres. Il en résulte, de façon récurrente, des violences, des concurrences malsaines et des échecs cuisants pour les citoyens de tous bords et le pays en fin de compte. Pourtant, le tablier à utiliser pour gouverner ses concitoyens et développer son pays est évidement plus comparable à celui du jeu de backgammon où toutes le composantes culturelles et religieuses doivent être gérées avec équilibre et bouger dans la même direction et où le jeu devient littéralement bloqué si une des  composantes est hors jeu même temporairement. Les évènements des dernières semaines/mois/années/décennies/(…) illustrent et perpétuent ce terrible malentendu outrageusement  libanais.

Aussi surprenant: sur la scène internationale, la diplomatie libanaise croit avec une candeur équivoque que les groupes et les organisations (Ligue Arabe/Union Européenne/ Nations Unies/Congrès des Pays Islamiques/OTAN…) protègent inconditionnellement et également les petits états, que le Liban ne sera jamais abandonné ou sacrifié. Elle agit comme si le tablier est celui du backgammon, alors que c’est clairement celui d’un jeu d’échecs impitoyable et cynique où toutes les pièces peuvent être instrumentalisées par le(s) plus fort(s) voire sacrifiées, au mieux utilisées comme diversion ou monnaie d’échange. Les états historiquement bienveillants envers le concept du Liban, n’hésitent pas à faire de petits calculs et des voltefaces quand leurs intérêts le dictent.

Pour l’anecdote, en principe, l’on ne devrait pas se méprendre sur les tabliers: les belles boites orientales marquetées, ont typiquement deux tabliers intégrés: celui du backgammon en-dedans et celui de  8×8 cases en dehors.

Si, pour commencer, les joueurs au Liban clarifient objectivement leurs problèmes et revoient leurs approches et arrêtent d’emmêler les tabliers, ils peuvent enfin développer des mentalités plus adaptées à chaque jeu pour relever les défis intérieurs et espérer gagner ou du moins rester plus longtemps sur le tablier du jeu en cours.

Nagy Rizk
Nagy Rizk est libanais. Il a une formation d'ingénieur (AUB) et dans les affaires (INSEAD). Il est dirigeant d'entreprises au Liban. Il a une longue expérience de consultants en stratégie et Business Development dans la région MENA.

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