Le 29 octobre dernier, suite à la démission du Premier ministre Saad Hariri, Mme Nadia Essayan, députée à l’Assemblée Nationale avait interrogé, le ministre des affaires étrangères, M. Jean-Yves le Drian : « Monsieur le Ministre, de quelle manière l’amitié fidèle et réciproque entre la France et le Liban s’exprime-t-elle aujourd’hui en ces heures difficiles où les libanais ne semblent plus compter que sur eux-mêmes ? »

Lors de la séance parlementaire, questions au gouvernement Français, la députée avait, exposé la situation au Liban : « ce pays ami de la France depuis des siècles. Les libanais manifestent pacifiquement depuis le 17 octobre. Alors que ce pays a souffert durant de longues années d’une guerre fratricide. Les images qui nous parviennent du soulèvement actuel sont celles d’un peuple uni et solidaire qui demande à être gouverné de manière plus efficace et plus digne.

Ce qu’ils dénoncent, c’est la corruption et le manque d’action pour redresser un pays en situation de blocage et criblé de dettes ; une possible dévaluation de la livre libanaise serait une catastrophe pour la majorité d’entre eux. Mais plus encore c’est le fonctionnement démocratique qui est ciblé. En effet, ce qu’il ressort de leurs messages c’est que les libanais ne veulent plus être soumis au régime confessionnel et souhaitent une nouvelle démocratie plus ouverte, plus laïque.

[…] En réponse aux premiers jours de la manifestation populaire, le gouvernement avait annoncé une série de réformes mais cela n’a pas suffit à rétablir la confiance du peuple. Comme le réclamaient les libanais, le premier ministre, M. Saad Hariri vient d’annoncer la démission de son gouvernement. Nous savons tous que la situation n’est pas réglée pour autant. »

Elle avait aussi fait référence à « La conférence CEDRE du 6 avril 2018 qui avait réuni un grand nombre de pays et d’organisations pour soutenir l’économie libanaise n’a toujours pas atteint son but. »

Pour ceux qui ne le savent pas, ce groupe de députés français, amis du Liban, œuvre pour maintenir des liens indéfectibles avec le pays du Cèdre. Outre son président, il est composé de 9 vice-présidents, 4 secrétaires et 42 membres. La députée, Nadia Essayan, est aussi vice-présidente du groupe amitié France-Liban à l’Assemblée Nationale, dont le président est le député, Loïc Kervran.

L’entretien que j’ai eu récemment avec Mme la députée, autour de la situation au Liban, m’invite à partager avec vous, son communiqué de presse du 6 novembre 2019 adressé à l’AFP, le 6 novembre 2019, sa vision et sa pensée : « Le bicamérisme pour refonder le Liban ? » :

« Par une mobilisation spectaculaire et inédite au Liban dans son étendue et sa durée, les Libanais ont obtenu la démission du Premier ministre Saad Hariri et du gouvernement qu’il avait constitué́ avec difficulté en début d’année.

Victoire démocratique ou fragilité́ supplémentaire ?

Nul ne peut aujourd’hui ignorer les risques inhérents au retard de la formation d’un nouveau gouvernement, celui-ci devant trouver grâce aux yeux d’un peuple révolté́ et prêt à en découdre avec les dirigeants traditionnels.

Mais la situation actuelle peut être aussi l’occasion d’un véritable électrochoc. Ce peuple souffre depuis trop longtemps de manquer de tout ce qu’un gouvernement devrait assurer : santé, écoles, infrastructures, sécurité, indépendance, respect de la loi et lutte contre la corruption.

Il sait bien que s’il n’y a pas un réel changement de gouvernance, les différentes factions politico-religieuses continueront de se comporter en clans et le Liban s’enlisera encore, alors que le peuple ne demande qu’une chose : s’unir et faire réussir son pays, un pays qui regorge de beauté, de talents et de générosité.

C’est ce message que donnent les centaines de milliers de manifestants dans tout le pays, refusant tous ensemble le présent et l’avenir que leurs dirigeants leur dessinaient. La chaîne humaine de 170 kms tout le long de la côte libanaise est un symbole fort de cette volonté exprimée par un peuple uni et responsable. Les Libanais continuent de faire pression pour que naisse au plus haut de la nation la volonté d’un « Faire Liban Ensemble ».

Serait-il enfin venu le moment de réviser en profondeur les fondations de la Maison commune, basées sur le seul système confessionnel ? La Nation est-elle vraiment prête au passage à une société totalement laïque ? La structure confessionnelle du pays est inscrite profondément dans le quotidien de chacun, et il n’est pas certain qu’un changement aussi radical puisse aboutir, à moins d’être accepté par tous, ce qui serait étonnant. Dans ce contexte, quelle est la porte de sortie ?

Jeune étudiante en sociologie politique au Liban au début des années 80, j’ai travaillé́ sur la possibilité d’un système bicaméral au Liban. Cette formule permettait d’assurer d’une part la représentation de la diversité politico-religieuse du pays (la Chambre Haute) et de favoriser d’autre part l’émergence d’une dimension laïque, via des députés issus de la société civile et des différentes régions libanaises.

Ce modèle pourrait encore être une solution valable pour le Liban d’aujourd’hui, le bicamérisme étant une source d’équilibre du pouvoir, les regards différents et spécifiques des deux Chambres renforçant le travail législatif et l’action de contrôle du gouvernement, comme dans tant d’autres pays dont la France.

Pour réussir, ce changement constitutionnel doit être accompagné de l’application réelle de la récente loi anti-corruption, et d’un plafonnement strict des dépenses électorales. Le Liban pourrait ainsi renouveler sa vie politique en respectant son histoire et sa diversité religieuse et communautaire, “en même temps” qu’il inaugurerait une laïcité positive, signe de démocratie réelle.

Nadia Essayan, députée du Cher

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