Alors que le gouvernement libanais étudie et probablement approuvera le budget 2019 d’ici vendredi, plusieurs scénarios se profilent à l’ombre de la crise qui frappe durement l’économie libanaise.

Ainsi, sur le terrain, les commerçants libanais font part de leurs difficultés grandissantes à simplement poursuivre leurs activités. Rien que le premier semestre de cette année, le nombre de commerces à Beyrouth a diminué de 400 magasins, le secteur du BTP souffre toujours de la crise avec au mieux un stagnation de son activité et on est dans l’attente pour l’heure hypothétique d’une arrivée massive de touristes au Liban avec la levée des mises en garde contre la venue au Pays des Cèdres des ressortissants des pays arabes comme l’Arabie Saoudite ou Bahreïn.

Différentes études internationales estiment en effet que le Pays des Cèdres n’a que quelques semaines en l’absence d’approbation du budget public nécessaire à la lutte contre les déficits publics et cela en dépit des assurances des responsables locaux, que cela soit ceux de l’état ou encore du gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, qui encore aujourd’hui assure écarter tout risque de dévaluation de la Livre Libanaise.

Sur le fond, ils ont raison. Il faut écarter toute crise immédiate, toute dévaluation incontrôlée au profit d’une glissade de la parité controlée jusqu’à un niveau ou parité réelle équivaudrait à parité nominale de la Livre Libanaise. La différence entre les parités nominales et réelles est une des causes de la gravité de la crise économique, en ayant pour conséquences, les coûts importants de la main d’oeuvre libanaise d’où la hausse du taux de chômage et l’emploi par exemple d’une main d’oeuvre à meilleur marché comme la main d’oeuvre syrienne. Autre conséquence de cette parité artificiellement maintenue à un haut niveau, celui de la hausse des déficits publics, avec des taux d’intérêts importants et donc un coût important également pour la maintenir. La dévaluation de la livre libanaise est inéluctable – tout comme la restructuration de la dette publique pour qu’elle atteigne un niveau durable – mais elle doit être contrôlée et non pas effectuée dans la panique comme durant les crises monétaires des années 1980 ou 1990.

Cependant, il ne s’agit pas d’être optimiste ou pessimiste mais réaliste.

Face à l’ultimatum des pays et organisations donateurs de CEDRE qui conditionnent l’aide économique au Liban à l’approbation rapide d’ici fin mai du budget 2019, il est attendu que le parlement l’ait approuvé d’ici fin mai. C’est dans ce sens d’ailleurs qu’il faille comprendre les propos du député Neemat Frem qui met en garde contre la fin du programme CEDRE en cas de retards supplémentaires dans l’adoption d’un budget tant attendu.

Il n’est pas également certain que le projet de budget puisse satisfaire les pays et organisations donatrices de CEDRE. En effet, la politique d’austérité économique, ces “sacrifices durs” comme le soulignait le Premier Ministre, ne sont que relatifs. Il n’y a pas de véritable impact dans la lutte contre les déficits publics et il n’est pas certain que le budget 2019 ne fasse pas déjà l’objet de dépenses inconsidérées puisqu’un semestre est déjà déjà passé.

Le budget 2019 prévoit en effet des mesures qu’on pourrait qualifier de poudre de perlimpinpin, sans mesures d’austérité réelles.

Les investissements publics ne sont en effet diminués que de 200 millions de dollars et cela n’est pas étonnant quand on sait que seulement 11% des budgets précédents étaient à l’investissement public. On ne pouvait donc plus trop rogner à ce niveau précis. Cette diminution va, sans doute aucun, encore aggraver la situation de la croissance économique.
Nous avons besoin au contraire d’investissements publics dans des domaines cruciaux pour la population, déjà pour résoudre les problèmes environnementaux dont la crise des ordures par exemple ou encore celle de la pénurie chronique d’électricité. 

Au niveau des taxes, les mesures sont également insuffisantes pour résoudre le problème du déficit budgétaire. Des taxes sur les revenus des capitaux bancaires qui passent de 7% à 10% ou encore l’impôt sur les hauts revenus qui passent à 25% ne sont pas des mesures propres à avoir des implications réelles. 

Au niveau des orientations économiques du budget 2019: On a du bien et du mauvais. Déjà on remarque qu’il y a une volonté à mettre fin à certains abus comme ces fonctionnaires qui jouissent (et c’est bien le cas de le dire) de 16 mois de salaires par an et d’autres avantages. On a également beaucoup entendu parler des hauts fonctionnaires qui ont des salaires mirobolants sans pour autant être liés à des critères d’efficacité. 

Mais cela demeure bien insuffisant au vu de la gravité de la situation.

Durant les discussions concernant le budget 2019, les responsables politiques ont écarté toutes les mesures efficaces pour combattre le déficit public. Ainsi, Ali Hassan Khalil a écarté une restructuration de la dette puisque impacterait les banques et donc le financement public, Riad Salamé a écarté la dévaluation de la livre, seule stratégie consistante avec l’augmentation insensée des salaires sans gains de compétitivité, ils ont également écarté les nouvelles taxes etc… sans jamais penser “out of the box”, c’est à dire de telle mesures avec des mesures compensatoires vis-à-vis des personnes les plus vulnérables dans un pays très nettement importateur (via par exemple l’abolition des agences exclusives et une compétition entre acteurs économiques propres à gagner du pouvoir d’achat) et ainsi passer d’une économie de monopole à une économie réellement libérale telle que le Pays des Cèdres aime pourtant à le décrire où la compétition entre acteurs économiques serait rétablie .

Pour rappel, le budget 2018 prévoyait déjà qu’un déficit public de 3.5 milliards de dollars environ alors qu’au final, il a atteint 6.7 milliards de dollars, soit le double.

Le deuxième scénario est celui du retard pris dans le vote du budget. Face au défaut de liquidité, il est attendu à ce que les autorités publiques profitent de la détente psychologique pour lancer une souscription à des Eurobonds à hauteur de 2.5 à 3 milliards de dollars, avec évidemment des taux d’intérêts plus importants que ceux qu’accordent les pays donateurs de CEDRE, ce qui aura pour effet d’aggraver l’endettement public, les fonds récoltés servant, à priori, non pas à des projets économiques mais simplement à payer les fonctionnaires et le service de la dette publique à des taux plus importants que les souscriptions antérieures.

Par conséquent, il ne s’agit encore une fois qu’une fuite en avant, en attendant à ce que la dure réalité économique ne s’impose à un pays ou la population ne semble pas prendre conscience d’aspects plus rationnels et non démagogiques.

Pour l’heure, à priori, le scénario le plus probable à court terme, vu l’empressement des autorités publiques à adopter le budget et à lancer une souscription publique tient à un mixe entre les 2 premiers scénarios.

Le troisième scénario, celui le moins probable à court terme et également celui du pire, est celui d’un défaut de paiement immédiat du Liban en cas d’échec du Plan A et B.

Toujours est-il que ces scénarios économiques ne sont qu’à court terme quand il s’agira de considérer les moyens et long termes et les mesures pérennes propres à mettre répondre aux problèmes plus fondamentaux de notre économie, à savoir le taux de chômage, la relance de l’activité économique via des mesures de relance de la croissance économique, la remise en état de nos infrastructures, les réponses à nos crises dans les secteurs de l’immobilier ou du secteur sanitaire avec la crise aux ordures ou à celle de l’électricité pour ne nommer qu’elles.

Pour l’heure, évidemment, seule l’adoption du premier scénario, c’est-à-dire du budget et la libération des fonds alloués par CEDRE à ces fins pourrait nous mettre sur cette voie et face à cette urgence, il semble que les autorités publiques en soient conscientes avec une volonté apparente de l’adoption rapide de ce budget tant attendu.

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