On est à Khenchara un village pittoresque du Metn construit de belles maisons en pierres. La vigne y est abondante. En cette saison d’automne, Ses feuilles sèches  changent de couleurs du jaune-doré au rouge-orangé. Elles ne deviennent flamboyantes qu’une fois touchées par les rayons de soleil. Ici l’automne a gardé ses coutumes culinaires d’antan ; celles de la préparation des provisions pour un hiver…je dirai gourmand ! Aux fruits des jardins est ajouté le sucre pour des confitures qui enferment dans les bocaux le goût du soleil d’été.

Des traditions qu’on continue à perpétuer avec fierté. Mais il y en a une qui se préparent en famille, grands et petits, dès l’aube jusqu’à minuit : la mélasse de raisin. Une tradition plus que trois fois centenaire puisque sur les flancs surplombant le Monastère Saint Jean Baptiste, un pressoir Maasra remonte dit-on au début du XVIII siècles. C’est chez la famille Khalil Samaha devant la maison qu’un pressoir à raisin fut construit il y a presque cinquante ans. Il n’en reste aujourd’hui à Khenchara que dix familles qui font leur mélasse de raisin dibs dont certaines se servent de méthodes modernes. Mais pas chez les Samaha.  Le pressoir n’est pas qu’un seul appareil c’est aussi un ensemble de bassins et d’un chaudron tous installés près de la maison et appelé en arabe Maasra.

C’est dans un baidar un bassin non profond où les grappes de raisin sont piétinées par les plus jeunes chaussés de bottines en caoutchouc. Une atmosphère de chaleur familiale et de rires anime ces longues heures de travail. Le plus petit est baptisé rat du pressoir. Les mamans s’occupent des repas typiques de telles occasions de traditions ; les Manouches.

Aux grappes est mélangée une terre blanche appelée Houwwara. Chez les Samaha le pressoir en bois est vieux ; un vrai trésor. C’est là que les grappes une fois piétinées y sont mis pour en extraire tout leur jus. Il est recueilli au tamis dans un grand bassin. Transporté au chaudron, le liquide va bouillir pour être porté ensuite dans un bassin. Alors qu’on le laisse reposer deux heures afin de permettre aux impuretés de remonter à la surface, un délicieux parfum de sucre caramélisé émane. Le liquide sera encore une fois transporté au chaudron ;  il sera chauffé pendant quatre heures environ afin de le transformer en mélasse. Il est presque minuit, et toute la famille attend patiemment ce liquide épais et sirupeux. La mélasse sera incorporée dans un gâteau sec, confiture de figue, et bien d’autres délices. Il y en aura assez pour passer un hiver en … douceur.

Raghida Samaha
Née au Liban dans une famille qui aime parcourir le pays à la découverte de son histoire et son terroir. Raghida Samaha a fait des études en langues vivantes. Sa prédilection pour les voyages, les arts et les anciennes civilisations l’ont amené à suivre une formation de guide touristique au Ministère de Tourisme Libanais. En 2006-2007 un DES en journalisme francophone lui a permis de traduire ses découvertes dans le magazine Cedar Wings; un moyen d’attire l’attention des lecteurs au sujet des trésors du pays.

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