Aux arrêts ou en détention ? Retenu otage ou prisonnier ? Assigné en résidence surveillée ou empêché de quitter le Royaume ? Rien n’est certain mais le doute persiste et l’énigme reste entière. Le fait que 12 jours après le monde entier, y compris l’Etat libanais et les proches du premier ministre, soient dans l’incapacité d’y répondre et que le premier ministre ne soit toujours pas de retour, suffit à constater l’anomalie de la situation et d’en prendre acte.

Affirmer le contraire serait une insulte à l’intelligence et au bon sens.
S’il a fini par finalement sortir de son mutisme, ses apparitions télévisées n’ont en aucune manière convaincus ni rassuré les observateurs, encore moins les autorités libanaises que la rue.

Après avoir donné suffisamment de temps, fait preuve de patience, de prudence et de solidarité, après avoir effectué d’innombrables contacts, attendu des réponses et accordé une marge au bénéfice du doute, le Président de la République est en droit d’exiger des clarifications et des garanties. “Nous ne pouvons pas attendre plus et perdre du temps, car les affaires de l’Etat ne peuvent pas être paralysées” a déclaré le Président de la République qui n’a d’autre choix que de se prononcer. L’Etat a le devoir et l’obligation d’agir ; il est responsable de la sécurité du premier ministre et de son intégrité physique. Il se doit de s’adresser à toutes les instances internationales, aux grandes puissances et d’entamer les procédures adéquates afin de défendre la souveraineté nationale et de la dignité de l’Etat.

Quelque soit la réalité de la situation de Hariri nul ne peut contester qu’elle est ambigüe et qu’il est soumis à d’intenses pressions ; il est certain que sa liberté d’expression n’est pas absolue, que ses propos sont contrôlés, que sa pensée est censurée, qu’il n’est pas libre d’agir selon son entière volonté et que sa liberté de mouvement est quelque peu limitée.

Il n’a pas besoin d’être le captif physique des Saoudiens qui ont amplement les moyens d’exercer à distance, sur lui et ses proches, toute sorte de chantage financier, politique ou judiciaire, de l’inculper pour n’importe quel motif dont celui de corruption, et de saisir ses avoirs et sa fortune. A tout le moins le Premier ministre libanais, à l’instar de nombreux responsables libanais, demeure l’otage de ses allégeances, de ses obédiences, de la guerre de succession saoudienne et de ses d’intérêts économiques et financiers. En attendant c’est le pays entier et ses institutions qui se retrouvent otages du doute, aux prises à l’incertitude et à nouveau face la menace du vide.

Camille Najm
Analyste, chercheur, consultant et journaliste politique basé entre Genève et Beyrouth. Auteur d’études, de rapports, d’articles de presse et pour revues spécialisées, d’éditoriaux, de chroniques. D.E.A en Science politique et relations internationales – Université de Genève. Domaines de spécialisation : Les rapports entre la culture, la religion, identité et la politique – Les minorités religieuses, culturelles, ethniques du monde arabe – Les relations islamo-chrétiennes – le christianisme dans le monde arabe – Laïcité, communautarisme et multiculturalisme – Le Vatican – Le système politique libanais, les institutions et la démocratie – De nombreuses problématiques liées au Moyen Orient (Liban, Syrie, conflit israélo-arabe).

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