Il est ridicule de voir des personnes qui estiment que la situation de crise qui sévit actuellement au Liban est le résultat soit “d’un complot israélo-américain” ou que cela soit induit par le Hezbollah et la Syrie, sans s’apercevoir qu’il s’agit en réalité de causes internes liées à un système économique en bout de souffle. 

Pour faire court, les causes de la crise actuelle sont plutôt à voir dans un système économique mis en place, il y a 25 ans au sortir de la guerre civile, c’est à dire d’héritage Rafic Hariri devenu un mythe qu’il faut démystifier avec d’une part avec la politique monétaire et grosso modo le maintien d’une parité entre la livre et le dollar jusqu’à la surévaluation sévère de la monnaie locale et des taux d’intérêt élevés et d’autre part une non politique économique, l’état s’appuyant sur la collecte de taxes jusqu’à hauteur de 70% de ses revenus, le fait que l’état a accordé au secteur privé des parts entières d’une économie rentable et a pris en charge des secteurs qui sont foyers de perte, le fait évidemment que certains hommes d’affaires et politiques se sont arrogés des passe-droits, le confessionalisme institué par les Accords de Taëf et les quotas confessionnels qui ont abouti à mettre des personnes incompétentes à certains rouages essentiels de l’état, le vol et le détournement de biens publics etc…

Et évidemment, l’absence d’une politique économique rationnelle a fait que l’économie libanaise s’est appuyée sur des secteurs – BTP ou tourisme par exemple, voir même le secteur financier et les finances de l’état rendues dépendantes du cash-inflow de l’étranger – qui sont sensibles aux crises internes, les crises politiques à répétition au Liban et régionales avec en premier lieu l’arrivée massive de réfugiés syriens à partir de 2011 seulement.

Evidemment la communauté internationale, après les promesses non tenues de Paris I, II et III n’allait plus suivre et demandait d’abord des réformes politiques, fiscales et économiques avant de remettre la main à la poche alors que le Liban est proche de l’effondrement économique inévitable sans aide internationale, ce qu’admettent les décideurs publics dans leurs discours privés même si certains continuent à le démentir publiquement. Tout cela est un jeu de dupe…

Evoquons justement les théories du complot…

Tant les autorités américaines et israéliennes ne sont pas sans savoir qu’en cas d’effondrement économique, les systèmes parallèles – financiers comme sociaux – comme ceux du Hezbollah bénéficieront en fait à augmenter son influence auprès de sa clientèle et non à la réduire. De fait, ils n’ont pas intérêt à voir l’état libanais s’effondrer et c’est pour cela d’ailleurs que l’aide militaire américaine à l’armée libanaise s’est poursuivie et qu’elle n’a pas été annulée en dépit d’une suspension temporaire en fin d’année 2019. 
Aussi, en cas d’effondrement économique, les réfugiés syriens présents au Liban iront, soit en Europe et l’Europe n’en a aucun intérêt, soit retourneront en Syrie et cela sera contraire au discours de intérêts de certaines nations qui ont diabolisé le régime syrien puisque cela démontrera que ces réfugiés n’étaient pas des réfugiés politiques mais économiques.

Pour autant aussi, le Hezbollah et ses alliés n’ont aucun intérêt à voir le Liban s’effondrer pour plusieurs raisons, la première étant le coût intrinsèque à la maintenance d’un système d’aides sociales dont ils n’ont pas les moyens. De même, le retour des réfugiés syriens en Syrie pourrait se faire de manière incontrôlée et donc redestabiliser la Syrie, l’Irak et l’Iran comme ce qui fut le cas en 2011. 

La dimension de la crise économique et, il faut l’avouer, politique puisqu’il y a une remise en cause d’un système qui s’est maintenu en dépit de tout durant 25 ans, est avant tout interne, propre au Liban. La politique monétaire, par exemple, a favorisé la monté du chômage avec une main-d’oeuvre locale surévaluée, un facteur qui a été encore plus aggravé par l’augmentation des salaires ces dernières années, en dépit d’absence de gains de compétitivité, le Liban ne possédant pas une économie productive, créatrice de richesse mais une économie rentière basée sur de l’endettement public, et la présence de mains d’oeuvre alternatives à la main d’oeuvre locale.

Les autorités publiques, faute de pouvoir admettre la réalité et via les médias qu’ils contrôlent, ne souhaitent pas qu’on fasse l’inventaire de cette triste réalité.

Plus encore, ces dirigeants même, de part et d’autres, qui dénoncent soit une possible tutelle économique internationale au Liban, soit une mainmise iranienne sur le Liban, dans leurs discours publics sont souvent les premiers à négocier sous la table sur les commissions d’une aide économique qui pourrait être versée, ce que la communauté internationale refuse de verser, d’où l’échec justement de CEDRE et la poursuite d’une crise en l’absence de l’application d’une solution à celle-ci. 

C’est cette corruption qui amène aujourd’hui à l’absence de visibilité mais la crise ne fait que débuter en réalité.

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