Seule une fraction du nitrate d’ammonium stocké aurait explosé, indique un rapport du FBI rendu le 7 octobre 2020 et rendu public aujourd’hui par l’agence de presse Reuters, quelques jours avant la première commémoration du drame du 4 août 2020.

L’agence américaine estime ainsi que 552 tonnes auraient explosé sur les 2 754 tonnes arrivées au Liban en 2013 sans donner plus de détails sur cette différence, qui pourrait être induite par plusieurs facteurs comme par la dégradation de la cargaison de nitrate d’ammonium longtemps stockée sans précaution particulière et notamment l’humidité qui entraine cependant un effet endothermique, par le fait qu’une grande partie d’entre elle se serait aussi vaporisée suite à l’explosion dans les lieux environnants ou par des ponctions dont il s’agit de découvrir les destinataires.

Cependant, l’absence d’une partie de la cargaison induire de nouvelles pistes pour les enquêteurs.

Par ailleurs, certaines sources soulignent que cette substance ne doit pas être stocké à proximité d’explosifs puissants, ce qui amène à s’interroger sur la présence de 25 tonnes de feux d’artifices dans le même hangar 12 du port de Beyrouth.

Des sources locales estiment que les experts libanais concordent sur ces estimations effectuées sur base d’analyses conduites quelques jours après le drame qui a fait plus de 200 morts et 6000 blessés.

Pour rappel, les auteurs du rapport remis par les experts français estiment l’explosion qui a fait un trou de 131 mètres de long et de 65 mètres de profondeur, estiment qu’elle équivaudrait de 100 à 1000 tonnes de TNT.

L’explosion du Port de Beyrouth a été causée, selon les autorités libanaises par le stockage de manière inadéquante de 2750 tonnes de nitrate d’ammonium, une quantité équivalente à celle de 600 tonnes de TNT. Cette marchandise aurait été saisie sur un navire en mauvais état en 2014 et était à destination de l’Afrique. Le cargo finira par couler par lui-même en rade de Beyrouth un an plus tard en raison d’un état lamentable.

La marchandise avait été précédemment transférée à l’intérieur du port de Beyrouth, initialement pour être ré-acheminée en Afrique, indiquent des sources sécuritaires.

L’explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020

L’explosion a provoqué un nuage que beaucoup comparent à une bombe nucléaire même comme en témoignent les nombreuses vidéos de ce moment publiées sur les réseaux sociaux. Elle aurait atteint l’équivalent d’un tremblement de terre de 3.3 sur l’échelle de Richter, indiquait hier soir le site de l’USGC.

Le nitrate d’ammonium est une substance explosive déjà à l’origine de nombreux drames, comme celui de l’usine AZF à Toulouse en France, le 21 septembre 2001; de l’usine d’ammoniac West Fertilizer près de Waco au Texas, en avril 2013; d’un entrepôt dans le port de Tianjin en Chine en 2015.

Cette substance est généralement utilisée comme engrais mais peut servir à produire des explosifs ce qui semble avoir été le cas pour cette cargaison qui se trouvait être destinée à une usine de munition.

L’Histoire d’un navire poubelle dont la cargaison échoue au port de Beyrouth

Le Rhosus

Tout commence en 2013 quand un cargo battant pavillon moldave, le Rhosus avec à son bord 2750 tonnes de nitrate d’ammonium faisait route depuis le port de Batumi en Géorgie jusqu’au Mozambique. Cette marchandise avait été achetée par International Bank of Mozambique for Fábrica de Explosivos de Moçambique.

L’armateur, qui a en réalité loué le navire, un certain Igor Grechushkin, serait un ressortissant russe résidant à Chypre. Ce dernier avait reçu la somme d’un million de dollars pour transporter cette marchandise considérée comme dangereuse jusqu’au port de Beira au Mozambique.

Quant au capitaine du navire, il s’agirait un certain Prokoshev qui aurait pris les commandes du navire en Turquie, suite à une mutinerie de son équipage précédent qui n’avait pas été payé.

Puis Grechushkin aurait indiqué au capitaine ne pas disposer de fonds suffisant pour payer le passage via le canal de Suez. Il aurait ordonné de charger d’autres marchandises à Beyrouth afin de payer cette somme. Ces marchandises ne pourront cependant être mises à bord du cargo. Selon le capitaine, suite à une inspection, les autorités libanaises auraient retiré le certificat de navigabilité du navire et auraient ordonné son maintien au port de Beyrouth jusqu’au paiement des frais d’accostage et de frais annexes. L’armateur du navire Grechushkin, contacté par l’équipage pour assurer le paiement de nourriture, de fioul et d’autres frais annexes sera injoignable.

Cependant, cette version est contredite par les autorités libanaises qui évoquent une avarie de son moteur, le navire sera d’abord remorqué à Beyrouth le 21 novembre 2013, précise le ministre des Transports d’alors Ghazi Aridi.

6 membres de l’équipage pourront quitter le navire mais 4 membres, le capitaine et 3 ressortissants ukrainiens resteront à bord de ce dernier. Ils ne pourront cependant pas le quitter en raison des restrictions imposées par la loi libanaise et en arriveront à mendier nourriture et eau selon les avocats qui ont pris en charge ce dossier.

Les avocats du bureau Baroudi and Partners représentant cet équipage ont également alerté les autorités libanaises de la dangerosité de la cargaison. Finalement, ils pourront rentrer chez eux en août 2014 après que Grechushkin ait accepté de payer le voyage du retour de ces derniers et que la cargaison n’ait été déchargée que le 27 juin 2014.

C’est alors que les autorités libanaises ont du prendre en charge la marchandise.

Quant au navire, il sombrera en 2015. Selon les témoignages de son équipage, ce dernier souffrait dès son départ de Turquie, d’une importante voie d’eau nécessitant de faire marcher ses pompes de manière continue.

Des responsabilités multiples mais avant tout, la faillite d’un système paralysé

Selon les informations disponibles à l’heure actuelle, les autorités sécuritaires dont celle des douanes et les responsables du port et des douanes se sont adressés à 5 reprises, entre 2014 et 2017, à la justice locale pour obtenir les autorisations nécessaires pour pouvoir se débarrasser de cette marchandise stockée dans des conditions inadéquates et dangereuses dans l’entrepôt Amber 12 du port, situé entre le 3ème et le 4ème bassin.

Dès mai 2016, Chafic Marhi, le directeur des douanes d’alors, avait noté sur sa demande qu’il existait “un danger sérieux posé en gardant cette cargaison dans les entrepôts dans un environnement inapproprié.” Dans cette même lettre, il demandait à ce que “l’agence maritime puisse réexporter ce matériel immédiatement”.

Par la suite, un an plus tard, en 2017 donc, l’autorité de la douane a proposé d’autres solutions, comme la donation de ces tonnes de nitrate d’ammonium à l’armée libanaise, la vente via la compagnie Libanaise pour les Explosifs sans toutefois obtenir une réponse des autorités judiciaires.

Cette version est confirmée par le directeur général du port de Beyrouth, Hassan Koraytem, a qui la justice libanaise aurait promis que le navire et sa marchandise seraient mis en vente aux enchères, ce qui ne se produira pas… jusqu’à aboutir à la catastrophe du 4 août, une journée funeste marquée par la destruction, outre du port, d’une grande partie de la partie est de la ville de Beyrouth avec le cortège de ses nombreuses victimes.

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