A Monsieur Jean d’Ormesson

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Je vous adresse cette lettre en tant que citoyen du Liban, franco-libanais, issu des origines suivantes: paternelle hashémite d’abord puis chrétienne. J’ai reçu une éducation scolaire franco-libanaise laïque. Ces diverses influences m’ont permis de découvrir la richesse des apports culturels et religieux d’orient et d’occident.

Le présent pour tant de citoyens dans le monde demeure angoissant et insécurisant, au point que, les projections relèvent davantage de la spéculation. La base représentative des parlements, des gouvernements et des institutions est en principe construite d’après les aspirations des peuples. Néanmoins, les élus participent inégalement à répondre à l’insertion des nouveaux migrants et aux causes réelles du terrorisme interne. On gagnerait à prévenir les évènements à la source des instabilités, à résoudre les incohérences de la laïcité et à rendre des démocraties crédibles. Des profits financiers énormes ont été fait au détriment des équilibres identitaires et sécuritaires. Néanmoins, les constats statistiques aux perspectives de plusieurs centres stratégiques indiquent un facteur gravement marginalisé. Il concerne le territoire des vécus. Il touche la subjectivité au quotidien, “peu crédible et non vérifiable” aux regards de certains. Pourtant, quand la réalité individuelle transparaît si rapidement et que la globalisation dévoile l’instantanéité des faits et des révolutions sur nos petits écrans, les angoisses et les amalgames chiffrent considérablement.

Nous reste t-il de clamer à la Charlie Chaplin un volte face vis à vis de l’immobilisme contemporain et de reconsidérer les urgences de la compassion pour résoudre les crises?

Le liban, ce modèle unique de la coexistence dans le monde souffre de ses impuissances. Il subit les conséquences du vide présidentiel et récolte le fruit amer des “coexistences” hétéroclites. Elles questionnent la part intime de ses appartenances nationales. Néanmoins, le libanais manifeste ponctuellement l’élan de la citoyenneté et rencontre l’indifférence dominante d’un “monde politique” souvent corrompu ainsi que la violence répressive. Le climat ambigu actuel traduit certes de courageuses initiatives mais aussi, la résignation au fait accompli ou à l’illusion que “tout finit, on ne sait comment, par s’arranger”, si de grandes puissances le décident.

Aux libanais, à vous Monsieur, aux communautés Européenne et Internationale, réconcilions tant qu’il est encore possible, chaque résolution émise avec un niveau d’humanité correspondant. Les erreures et les injustices inacceptables mais tolérées au Liban, en Palestine, en Syrie, en Afrique, en Europe, en Ukraine et ailleurs, remettent en cause la légitimité des “affaires” au nom de l’engagement diplomatique. Alors, comment récupérer la confiance des gens sans les impliquer au chantier des adaptations et des reinsertions multiples? Elles seules peuvent inspirer des élans, développer des intégrations favorables au service des cultures et des religions conviviales et raffermir des sécurités durables. Celles qui concernent la récupération des confiances mutuelles.

Enfin, je présente dans ce laborieux chantier mes modestes disponibilités pour revaloriser les gestes de modération et renforcer les liens de coexistence islamo-chretienne. Depuis 1980, mes objectifs concernent des formes différentes d’intégrations. Depuis 2013 j’interpelle des rapprochements pragmatiques interreligieux dans nos sociétés.

Respectueusement,

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