Depuis le 13 octobre 1990 et l’invasion par la Syrie des régions libres, le Liban n’est plus indépendant, souverain et libre. Preuve en est, l’accord de Taëf, rejeté par la majorité des Libanais (rappelons-nous les mobilisations populaires monstres en 1989 et 1990), lui a été imposé par la force. Le Liban est alors passé sous le contrôle des États-Unis, de l’Arabie saoudite, de la Syrie et de l’Iran. Au Liban, ces puissances s’entendent parfois sur certaines choses, coexistent, s’allient, se brouillent, s’affrontent et se réconcilient.

D’une manière ou d’une autre, cela se fait toujours à son détriment. La fin de l’occupation syrienne n’a pas permis au Liban d’être à nouveau souverain et libre car l’accord de Taëf a ôté au Président de la République le pouvoir exécutif tout en continuant, paradoxalement, de lui demander de garantir l’indépendance du Liban. L’accord de Taëf a confié le pouvoir exécutif au Conseil des Ministres et au Premier ministre : au Conseil des Ministres, ces puissances sont représentées directement ou indirectement (par un jeu d’alliances) ; et, le Premier ministre a surtout relevé de l’Arabie saoudite (Rafic Hariri de 1992 à 1998 et de 2000 à 2004, Fouad Siniora de 2005 à 2009, Saad Hariri de 2009 à 2011 et de 2016 à 2020 et Tammam Salam de 2014 à 2016). De plus, l’État ne possède pas le monopole des armes puisque les organisations palestiniennes restent armées (malgré l’annulation en 1987 par le Parlement libanais de l’accord du Caire de 1969 faisant du Liban une base militaire palestinienne) à l’extérieur et à l’intérieur des camps (zones de non-droit où l’armée et la police libanaises n’entrent pas et la loi libanaise ne peut donc pas s’exercer) mais aussi des islamistes et les milices de plusieurs partis libanais (Hezbollah, le mouvement Amal, le Parti socialiste progressiste, le Parti social-national syrien, etc.). 

Au Liban, l’Égypte et le Fatah palestinien ont été défaits (respectivement en 1958 et dans les années 1980) et n’ont plus les moyens de leurs anciennes ambitions. La Turquie qui a occupé le Liban pendant quatre siècles essaie de regagner de l’influence en soutenant les Libanais d’origine turkmène, l’ancien ministre le général à la retraite Achraf Rifi, le Forum des jeunes (dirigé par Nabil el-Halabi mais ayant Baha’ Hariri, le fils aîné de Rafic Hariri, pour leader) et la mouvance des Frères musulmans à commencer par la Jamaa Islamiya et les Gardiens de la ville – les «Horras al-Madina» –. Le 11 juin 2020, une manifestation pro-turque a eu lieu devant le siège de la chaine de télévision Al Jadeed (située dans le quartier de Wata al-Musaytbeh à Beyrouth) contre une émission diffusée la veille. Des slogans à la gloire de l’empire ottoman (qui fit un génocide au Liban en tuant le tiers de sa population par la famine et qui commit des massacres importants à deux reprises) et de Recep Tayyip Erdogan ont été entendus. La France essaie aussi d’avoir de l’influence mais mise sur les mêmes chevaux que les États-Unis et l’Arabie saoudite. La Russie essaie également de se placer en se présentant comme la protectrice des chrétiens. Israël s’est retiré (en 2000) mais continue de violer son espace aérien (et donc sa souveraineté), lui a livré une nouvelle guerre (en 2006) et menace de le détruire. 

La Syrie s’est retirée (en 2005) mais a conservé une grande influence jusqu’en 2011 et le début de la guerre sur son territoire puisqu’aujourd’hui elle ne peut plus compter que sur le Courant Marada de l’ancien ministre Sleiman Frangié, le Parti social-national syrien (PSNS) et quelques autres. L’Iran a donc pris le relais et s’appuie bien évidemment sur le Hezbollah mais est aujourd’hui en faillite en raison des sanctions américaines, du coût des guerres régionales (Irak, Syrie, Yémen, etc.), du cours du baril (assez bas) et des conséquences économiques de la pandémie du Coronavirus. L’Arabie saoudite a beaucoup perdu avec l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri (en 2005) mais a conservé une grande influence jusqu’en 2017 et l’arrestation à Riyad de Saad Hariri (le fils cadet de Rafic Hariri) alors Premier ministre en exercice puisqu’aujourd’hui elle ne peut plus compter que sur quelques membres du Courant du Futur (fondé par Rafic Hariri, dirigé par l’ancien Premier ministre Fouad Siniora et ayant Saad Hariri pour leader), des dissidents et l’ancien Premier ministre Tammam Salam. Il faut également dire que les moyens financiers du royaume wahhabite ont diminué. Les États-Unis ont donc pris le relais et s’appuient sur Nabih Berri le Président du Parlement et leader du mouvement Amal ainsi que sur Riad Salamé le gouverneur de la Banque du Liban (BDL, la Banque centrale libanaise) mais sont aujourd’hui en déclin en raison de la montée en puissance de la Chine, des conséquences économiques de la pandémie du Coronavirus, de l’affaiblissement du dollar et du cours du baril (assez bas).  

Dans le jeu des alliances, il y en a une qui apparait aujourd’hui très clairement, c’est celle regroupant le Courant du Futur (et son allié l’ancien Premier ministre Tammam Salam), le mouvement Amal, le Courant Marada, le Parti socialiste progressiste (PSP) de l’ancien ministre Walid Joumblatt, le parti Kataëb de Samy Gemayel et le mouvement al-Azem de l’ancien Premier ministre Najib Mikati. Ils soutiennent Riad Salamé le gouverneur de la Banque du Liban (BDL, la Banque centrale libanaise) – également appuyé par l’Association des Banques du Liban (ABL) –. Il faut également ajouter la réconciliation inter-druzes, organisée par Nabih Berri, entre le PSP et le Parti démocratique libanais (PDL) dirigé par l’ancien ministre l’émir Talal Arslane. Le parti des Forces libanaises (FL) ne les a pas rejoints, son chef, Samir Geagea, et Saad Hariri étant en froid. Il est néanmoins en bons termes avec le PSP et s’est réconcilié avec le Courant Marada. 

Le Courant patriotique libre (CPL) fondé par le Président de la République le général à la retraite Michel Aoun et dirigé par son gendre l’ancien ministre Gébran Bassil veut sauver le mandat présidentiel et a donc besoin que le gouvernement réussisse. De plus, le CPL souhaite préserver son alliance avec le Hezbollah. Ce dernier est lui focalisé sur la survie du régime de Bachar el-Assad qui bien que victorieux militairement – grâce à la Russie, à l’Iran et au Hezbollah – fait désormais face à des dettes envers la Russie et l’Iran, de nouvelles manifestations et une détérioration de la livre syrienne face au dollar américain : pour faire un dollar, il fallait 47 livres avant le début de la guerre en Syrie, 500 livres entre 2014 à 2019 puis 700 livres au début de l’année 2020 et enfin jusqu’à 3 500 livres la semaine passée. 

Certains comptaient sur la mobilisation du 6 juin 2020 pour relancer la «thawra» (ce qui signifie «révolution»), ce soulèvement national ou éveil populaire dépassant les clivages confessionnels, religieux et partisans né le 17 octobre 2019 dans un pays en faillite pour protester contre une nouvelle taxe (Whatsapp) ; pour réclamer des comptes aux dirigeants politiques, au gouverneur de la BDL et aux propriétaires et dirigeants des banques membres de l’ABL ; pour demander l’indépendance de la justice ; et, pour obtenir la démission du gouvernement de coalition politique dirigé alors par Saad Hariri (qui démissionna). Finalement, le 6 juin 2020, très peu de gens se sont mobilisés car, d’une part, la thawra n’a pas de programme commun et s’est divisée sur les slogans et les demandes et, d’autre part, une partie de ses participants d’origine considère qu’il faut éviter le vide voire même qu’il faut soutenir le gouvernement actuel face à la pandémie du Coronavirus et dans les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) et ne souhaite pas un retour de Saad Hariri au poste de Premier ministre. Il y avait bien sûr, comme depuis le 17 octobre 2019, de simples citoyens mécontents ayant perdu leur travail, leur pouvoir d’achat et leurs économies et ayant parfois faim et à leurs côtés des associations qui travaillent sur le terrain tous les jours pour améliorer leurs conditions et créer de l’emploi comme la fondation Nawraj de Fouad Abou Nader. 

Il y avait également des intellectuels, des journalistes, des avocats, des artistes et des activistes (comme l’avocat Chébli Mallat et le général à la retraite Khalil Hélou qui a fondé Liban-message) ; des groupes ayant des objectifs très variés – comme des anarchistes («Kafeh !» et autres), des féministes, des membres de la communauté LGBTQ, des écologistes, des communistes (le Parti communiste libanais, le mouvement de la gauche démocratique, le syndicat CGTL et d’autres comme «Ammiyet» – en français, «groupe de la Commune du 17 octobre» –) ou marxistes (Citoyens et Citoyennes dans un État de l’ancien ministre Charbel Nahas et autres), des nassériens (l’Organisation populaire nassérienne du député Oussama Saad et autres), des islamistes membres ou proches de la mouvance des Frères Musulmans et de la Turquie (la Jamaa Islamiya, les «Horras al-Madina»,  Je suis une ligne rouge – «Ana Khat Ahmar» –, «Hajar w Bachar», les partisans d’Achraf Rifi, du Forum des jeunes et d’autres groupes y compris syriens ou palestiniens) et des pro-laïcité (comme le Bloc national libanais, Beirut Madinati, LiBaladi, Kulluna Watani, LiHaqqi, an-Haqaq dafe’, Machrouh Baladi, le parti Sabaa et le Parti des nouveaux libanais). Il y avait aussi des citoyens fortunés qui rejettent le plan présenté par le gouvernement car il comporte le «bail-in» (le renflouement interne, c’est-à-dire le transfert dans le bilan comptable d’une partie des dépôts en capital) ainsi que le «wipe-out» ou «write-off» (radiation/éviction des actionnaires actuels). Enfin, il y avait des partisans des blocs parlementaires de l’opposition – le Courant du Futur, le mouvement al-Azem, le PSP, le Parti des FL et le parti Kataëb – mais aussi des partisans du mouvement dit des Anciens combattants pour le salut du pays auquel le député et général à la retraite Chamel Roukoz (un autre gendre du Président de la République Michel Aoun) appartient désormais.

Les jours qui ont précédé la mobilisation du 6 juin 2020 ont été marqués d’une part par des appels à la suppression du confessionalisme politique (et non l’instauration d’un code civil unifié) et à la démocratie du nombre (le Liban pour seule circonscription et la proportionnelle intégrale) et d’autre part à des appels en vue d’instaurer le fédéralisme ou d’organiser des élections législatives anticipées. En effet, le parti des FL et le parti Kataëb souhaitent des élections législatives anticipées. Or, la loi électorale actuelle et la désorganisation de la thawra reproduiraient à peu près le même Parlement ou tout du moins les mêmes blocs parlementaires (dont ceux du parti des FL et du parti Kataëb) pour quatre nouvelles années. 

Les partisans du Courant du Futur, du Forum des jeunes, d’Achraf Rifi, du parti des FL et du parti Kataëb ont réclamé le désarmement du Hezbollah qualifié par certains d’entre eux d’«armée d’occupation iranienne» ou de «mercenaires» à la solde de l’Iran et qui selon eux aurait mis en place, contrôlerait et protégerait ou couvrirait le pouvoir politique actuel (qu’ils jugent en échec, corrompu voire traitre) en échange d’une non-remise en cause par celui-ci de son maintien armé et de son engagement militaire régional, prendrait ainsi en otages le Liban et les Libanais, confisquerait la souveraineté nationale et utiliserait la perméabilité et l’étanchéité de la frontière avec la Syrie, où il combat aux côtés de Bachar el-Assad, pour des trafics d’armes, de drogues, de produits pétroliers, de farine, de devises (le dollar américain), etc. 

Des contre-manifestants leur ont alors faire face : des partisans du duo chiite formé par le mouvement Amal et le Hezbollah. Des insultes ont fusé à l’encontre d’Aïcha l’une des épouses de Mahomet vénérée par les sunnites (auxquels les partisans du Courant du Futur et du Forum des jeunes ont répondu par des insultes à l’encontre du calife Ali, de sa famille et de sa fille vénérés par les chiites) ; des sunnites qualifiés de «sionistes» ; et, des chrétiens qualifiés sans distinction de «ouwet », ce qui signifie «Forces», le diminutif des Forces libanaises (FL), fondées et dirigées par Bachir Gemayel, Fady Frem et Fouad Abou Nader – qui défendaient entre 1976 et 1985, à la place de l’armée libanaise – alors paralysée –, un État libanais souverain, indépendant, avant de devenir une milice – celle de Samir Geagea – et même de s’en prendre à l’armée libanaise entre 1989 et 1990, de laisser l’armée syrienne envahir les régions libres en 1990, de vendre son armement lourd alors que le pays est occupé par la Syrie et que les Palestiniens et le Hezbollah, le mouvement Amal, le PSP et le PSNS restent armés et de participer au premier gouvernement formé par l’occupant syrien. Des heurts ont éclaté au Ring-Khandak el-Ghamik, à Aïn el-Remmaneh-Chiyah et sur le boulevard Mazraa – séparant les quartiers de Barbour et de Tarik Jdidé (quartier où sont apparues des armes) – faisant plusieurs blessés. Cela a fait craindre l’éclatement d’une guerre civile ou d’une «fitna», c’est-à-dire une guerre entre musulmans. D’autre part, Saad Hariri a remporté une bataille face à son frère Baha’ Hariri : ce dernier a appelé à manifester (pas le premier) mais la mobilisation a été faible et c’est le premier (alors que Hassan Diab est resté étonnamment silencieux) dont l’appel au calme a été entendu (pas le second).

En laissant certains manifestants prendre en grippe Gébran Bassil en particulier et parfois le Président de la République Michel Aoun lui-même et réclamer des élections législatives anticipées et demander le désarmement du Hezbollah, la thawra est devenue un instrument utilisé par certains partis politiques dans le jeu politicien : ces partis prétendent soutenir la thawra à laquelle ils participent pour à la fois étouffer les revendications légitimes (les mêmes que celles des partisans du CPL) et la récupérer pour faire pression sur leurs rivaux au pouvoir comme le Président de la République Michel Aoun, le CPL et le Hezbollah. Depuis le 17 octobre 2019, il est également dit que les États-Unis ou Georges Sorros sont derrière certains participants de la thawra. 

De son côté, le gouvernement de Hassan Diab a parfois vu son action paralysée – surtout dans le dossier des nominations – par le Courant du Futur et le PSP mais aussi par les blocs parlementaires qui l’ont parrainé : le mouvement Amal, le Courant Marada et le PDL ont même menacé de retirer leurs représentants – des technocrates – au gouvernement. Finalement, le gouvernement s’est soumis aux désidératas de ses parrains bien que les critères de compétence et d’expertise aient été pris en compte et que des entretiens aient été effectués, en ce qui concerne la BDL et l’administration – à l’occasion d’une séance du Conseil des ministres boycottée par les deux ministres choisis par Sleiman Frangié, le ministre des Travaux publics Michel Najjar et la ministre du Travail Lamia Yammine, pour dénoncer un partage en faveur du CPL au niveau des chrétiens –. Le gouvernement tarde à régler le dossier des nominations judiciaires. Le Premier ministre a aussi fait une maladresse en voulant nommer sa conseillère au poste de mohafez de Beyrouth (fonction dévolue à la communauté grecque-orthodoxe), ce qui a rappelé aux chrétiens l’époque où Rafic Hariri, alors Premier ministre et également sunnite, désignait aussi ses proches aux fonctions dévolus aux chrétiens. L’affaire de la centrale de Selaata a même créé des tensions entre le Premier ministre d’une part et le Président de la République et le CPL d’autre part. De plus, le gouvernement n’a pas réglé le dossier de l’électricité en réformant EDL (Électricité du Liban) pour que sa gestion soit comme celle d’une entreprise privée et en mettant fin au prix subventionné du kilowatt fixé depuis 1994 sur la base d’un baril de pétrole à 20 dollars, n’a pas organisé le retour des réfugiés syriens en Syrie, n’a pas récupéré les fonds volés, n’a pas détruit les réseaux de contrebande dans les ports et l’aéroport et la «mafia des générateurs», n’a pas mis en place une véritable décentralisation et un code civil unifié, semble impuissant face au risque de fermetures d’écoles et d’universités et tergiverse sur le remplacement de Riad Salamé, du patron de la compagnie aérienne nationale Mohammad el-Hout et du chef de la police le général Imad Osman.

En revanche, le gouvernement Diab qui fait donc face à plusieurs crises (économique, financière, monétaire, du chômage, de l’inflation, de la dette, alimentaire, du Coronavirus et le Caesar Syrian Civilian Protection Act – la loi américaine qui sanctionne tout gouvernement, toute entité ou personne aidant le régime syrien mais aussi toute entreprise commerçant avec la Syrie –) a bien géré la pandémie du COVID-19 ; a repris la gestion du secteur de la téléphonie mobile et prépare un appel d’offres ; a décidé de transformer les centrales électriques utilisant le mazout, le fioul ou le gasoil pour qu’elles passent au gaz ; a fermé la plupart des passages frontaliers illégaux (c’est ce que dit en tous cas l’armée libanaise) ; a créé un panier alimentaire subventionné et a fermé les commerces qui profitaient de la situation et a distribué leurs stocks aux pauvres (réalisations du ministre de l’Économie et du Commerce Raoul Nehmé) ; a arrêté des propriétaires de bureaux de change (principalement des Syriens) et fermé leurs établissements, mais aussi le directeur des opérations monétaires à la Banque centrale, tous accusés de manipuler le taux de change et la valeur du dollar américain en livres libanaises ; a demandé l’aide du FMI alors que cela était considéré comme une ligne rouge par certains partis le parrainant (comme le Hezbollah), ce qui a prouvé sa détermination ; a arrêté de payer les détenteurs étrangers d’Eurobonds pour pouvoir subvenir aux besoins du peuple libanais ; a pris des mesures pour lutter contre la corruption : des enquêtes ont été ouvertes sur l’enrichissement de fonctionnaires et de politiciens, le transfert de fonds à l’étranger avant et après le 17 octobre 2019 (malheureusement, le 5 juin 2020, les autorités suisses ont répondu négativement à la demande du gouvernement), la récupération des fonds détournés et de l’argent blanchi et la levée du secret bancaire ; a préparé un projet de loi pour rendre la justice indépendante tout en évitant l’instauration d’un gouvernement des juges ; a prévu dans son plan la suppression des agences exclusives et des monopoles exclusifs ; a lancé un audit de la Banque centrale ; et, malgré un trou de plusieurs milliards de dollars dans le secteur bancaire, a présenté le 30 avril 2020 un plan – préparé par Alain Bifani le directeur général du ministère des Finances et ses équipes en collaboration avec la Banque Lazard – protégeant les déposants à l’exception des 10% les plus riches (peut-être moins encore), combattu par l’association des banques (en raison du «bail-in» et du «wipe-out» ou «write-off») et par les plus fortunés. Les réalisations citées peuvent être considérées comme insuffisantes – surtout si on les compare aux réalisations des gouvernements dirigés par Sami Solh notamment durant le mandat du Président de la République Camille Chamoun (1952-1958) – mais il ne faut pas oublier qu’aucun gouvernement depuis la fin de l’occupation syrienne (en 2005) ou même depuis la fin de la guerre (1990) n’avait été aussi performant en un laps de temps aussi court, n’avait décidé d’un changement de modèle économique et financier et n’avait pour mission de résoudre trente ans (si ce n’est plus) de mauvaise gestion.

En raison d’une nouvelle dépréciation de la livre face au dollar (alors que le taux officiel est de 1 507,5 livres échangées pour un dollar, les bureaux de change réclamant alors au moins 5 000 livres pour vendre un dollar), de nouvelles mobilisations se sont déroulées dans la soirée du 11 juin 2020 ainsi que dans la soirée du 12 juin 2020 et ont rassemblé cette fois manifestants et contre-manifestants du 6 juin 2020. Toutefois, les partisans du Hezbollah ont ciblé leurs revendications sur la démission de Riad Salamé, le gouverneur de la BDL, qu’ils considèrent comme responsable de la situation monétaire catastrophique. Cette vision des choses est partagée par un bon nombre de manifestants. En revanche, d’autres manifestants considèrent, au contraire, le Hezbollah comme responsable de cette situation en raison de la contrebande de dollars à la frontière avec la Syrie (contrebande qui n’aurait pas lieu si le gouvernement arrêtait de subventionner le prix à la pompe). Nabih Berri a alors annoncé une décision populiste pour redresser la valeur de la «lira» (ce qui signifie «livre») : il a été demandé à la BDL d’injecter des dollars sur le marché. Malheureusement cette injection va être puisée des réserves en dollars de la BDL et donc de ce qui est dû aux déposants et de ce qui est utilisé pour importer de la farine, des produits pétroliers et certains produits de première nécessité. Ce pompage des réserves en dollars de la BDL risque d’aggraver encore plus la restructuration du système bancaire au détriment des déposants et le risque de pénurie de farine, de produits pétroliers, etc. Enfin, le 12 juin 2020, des voyous ont commis des actes de vandalisme au centre-ville de Beyrouth. 

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