La Banque du Liban aurait fourni 95% des données nécessaires à l’audit juricomptable de ses comptes au ministère des finances. Ces dernières devront être retransmises au cabinet Alvarez & Marsal en charge de la procédure.

Les informations fournies seraient liées aux comptes des ministères et institutions publiques, à la Banque du Liban elle-même mais aussi aux transactions financières effectuées par les banques et les eurobonds.

5% des réponses nécessaires manquent toujours et seraient liées à des banques libanaises privées mais détenues en partie par la Banque du Liban qui se retrancherait ainsi sous le couvert de la loi du secret bancaire pourtant gelé temporairement par décision du Parlement pour une durée

Cette information intervient alors que le dernier délai accordé par Alvarez & Marsal expire ce vendredi et alors que le Présidnet de la République.

La Banque du Liban avait préalablement indiqué avoir remis un premier lot de documents, le 9 avril dernier, au ministère des finances qui devrait lui-même les remettre au cabinet Alvarez & Marsal en charge de la procédure.

Cette information intervient alors que le Président de la République, le général Michel Aoun, a mis en garde le gouverneur de la Banque du Liban contre tout refus de transmettre les informations nécessaires à l’audit juricomptable des comptes de la Banque centrale.

La Banque du Liban est par ailleurs régulièrement accusée de rétention d’information pour cet audit pourtant jugé nécessaire au déblocage de l’aide de la communauté internationale et des négociations avec le fond monétaire international. Cette aide est d’autant plus nécessaire que le pays des cèdres fait face à la plus grave crise économique dans son histoire contemporaine avec une récession qui a atteint près de 29 % en 2020 selon certains rapports.

Un audit nécessaire au déblocage de l’aide internationale

Les négociations avec le FMI ont rapidement achoppé sur la capacité des autorités libanaises à mener les réformes nécessaires pour le déblocage de l’aide internationale ainsi que sur le dossier du chiffrage des pertes du secteur financier. Les autorités libanaises estiment ainsi que ses pertes atteindraient 241 000 milliards de livres libanaises sur la base d’un taux de change de 3600 LL/USD, soit 80 milliards de dollars environ, ce que refusent les banques locales via l’association des banques du Liban ou encore la Banque du Liban elle-même.

L’association des banques du Liban a ainsi activé ses relais présents au sein du parlement via la commission parlementaire des finances et du budget. Cette dernière, où sont présents certains actionnaires et représentants de banques locales, n’ont chiffré les pertes financières qu’à 81 000 milliards de livres libanaises sur la base d’un taux de change de 1507 LL/USD.

Désormais, ce chiffrage des comptes de la Banque du Liban devait être mené par les cabinets Alvarez & Marsal pour l’audit juricomptable et par KPMG et Oliver Wyman pour l’audit normal. Pressenti dans un premier temps pour mener l’audit juricomptable, le cabinet Kroll, spécialisé dans la matière a été écarté suite aux pressions du président de la chambre Nabih Berri, estimant l’entreprise liée à l’état hébreu.

Parallèlement, l’association des banques du Liban a présenté un plan de sauvetage rejeté par le FMI et les autorités libanaises, prévoyant la vente d’une partie de l’or du Liban et la session pour une durée déterminée de biens publics. Ce plan est également rejeté par les spécialistes qui estiment que la vente de biens publics ne pourrait se faire qu’en les bradant en raison des circonstances actuelles.

Certaines sources évoquent désormais des pertes pour le secteur financier qui dépassent les 100 milliards de dollars, estimant que le Liban nécessiterait désormais un plan de relance de 63 milliards de dollars mais que seulement 26 milliards au maximum sont disponibles. Selon ces mêmes sources, toutes les banques libanaises sont aujourd’hui insolvables.

Coup de tonnerre, le cabinet d’Alvarez & Marsal annonce son retrait de la procédure d’audit juricomptable, le 20 novembre 2020 après que la Banque du Liban ait refusé de répondre à 57% des questions posées, sous le prétexte du code du crédit et de la monnaie ou encore des législations liées au secret bancaire, plongeant le Liban dans l’incertitude. En effet, cet audit est désormais considéré comme essentiel pour l’obtention de l’aide de la communauté internationale. Le ministère des finances ou encore celui de la justice estimaient que le contrat ne violait pas les textes en vigueur.

Le cabinet annoncera son retour dans la procédure fin décembre, suite à l’adoption à l’adoption, d’une loi suspendant les réglementations liées au secret bancaire pour une durée d’une année après que le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé ait refusé de transférer les documents jugés nécessaires par Alvarez & Marsal à une telle procédure.

Un audit où le rôle du gouverneur de la Banque du Liban pourrait être mis en cause

un rapport d’audit plus usuel de 2018 qui a avait été révélé en dépit de son caractère confidentiel avait révélé que le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, avait abusé de déclarations unilatérales de profits fiduciaires, 6 milliards rien qu’en 2018, 30 milliards de dollars peut-être.
Certaines sources estiment même que les réserves monétaires brutes sont déjà négatives en raison des pertes accumulées depuis des années, ce qui signifie également que les dépôts des gens auprès de la Banque du Liban n’existent tout simplement plus. 

Ces hypothèses sont toutes présentes parce qu’en dépit du caractère officiel de la Banque du Liban, cette institution ne respecte pas les réglementations sur le droit d’accès aux informations pourtant adoptée par le parlement libanais. L’audit juricomptable visait justement à permettre de lever ces soupçons. 

La Banque du Liban se trouve en effet au coeur d’un scandale d’état. Il s’agit de l’outil même qui a permis à ce qu’on arrive là. L’établissement n’a pas joué son rôle de régulateur des banques privées d’une part et même encouragé ces dernières à mal gérer ou encore à investir dans des produits financiers défectueux comme la dette publique ou encore ses propres CD dans la perspective de gagner le plus de temps possible tout simplement.

Un audit “hautement politique”

Le premier ministre désigné Saad Hariri n’avait jamais fait mystère sur son opposition à l’audit juricomptable même si aujourd’hui, suite à sa nomination, il en accepterait le principe. 
Cependant, il a, à plusieurs reprises, rappelé son soutien au gouverneur de la Banque du Liban, un de ses proches, qui jouit ainsi, selon lui, d’une immunité totale. 

Ainsi, certains observateurs craignent que ce dernier ne choisisse d’enterrer la procédure afin de protéger certains intérêts dont les siens, la famille Hariri possédant 10% des actions de l’ensemble des banques libanaises et ayant bénéficié, par conséquent, des différentes mesures de la Banque du Liban en leurs faveurs. 
Ils notent que cet audit pourrait constituer une preuve supplémentaire de l’implication de hauts dirigeants libanais dans différentes opérations de transfert financiers dont ils ont bénéficié au détriment de l’état avec la complicité de certaines banques locales. 

Cet audit complexifie donc la relation entre la Présidence de la République, le Général Michel Aoun et le Premier Ministre désigné Saad Hariri qui négocient actuellement la répartition des différents portefeuilles ministériels au sein d’un cabinet pourtant nécessaire afin de débloquer l’aide de la communauté internationale.

Un commentaire?