L'entrée principale de la Banque du Liban (BDL) Crédit Photo: Libnanews.com, tous droits réservés
L'entrée principale de la Banque du Liban (BDL) Crédit Photo: Libnanews.com, tous droits réservés

La Banque du Liban a remis en cause sa politique du PEG de la livre libanaise face au dollar imposé dès 1997 avec un taux fixe de 1507 LL/USD à l’époque, taux encore aujourd’hui officiellement en vigueur, avec la publication hier, d’une nouvelle circulaire, la circulaire 157 en date du 10 mai, permettant le flottement des taux de change de la monnaie locale face aux devises étrangères pour les banques commerciales.

La Banque du Liban avait pourtant promis que le flottement de la livre libanaise face au dollar n’interviendrait pas sans accord préalable avec le FMI en janvier 2021. Le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé avait lui-même convenu, ce même mois, que la politique de la PEG ou de maintien de la parité n’était plus d’actualité après que la monnaie locale ait perdu plus de 90% -voir même plus de 100% – de sa parité, passant de 1507 LL/USD comme taux de change officiel jusqu’à 15 000 LL/USD, il y a moins de 2 mois en raison de mouvements spéculatifs contre la monnaie locale.

Le taux de change devrait être ainsi déterminé par la plateforme électronique Sayrafa qui devait être initialement inaugurée le 16 avril dernier et qui n’est toujours pas ouverte. Même si les mécanismes de détermination du cours des devises est pour l’heure inconnu, la Banque du Liban indique que cette plateforme, destinée aux agents de change officiels et aux banques commerciales, vise à réguler les différents marchés de change apparus après l’imposition par l’association des banques du Liban, d’un contrôle informel des capitaux en novembre 2019.

Ces dernières ont alors immédiatement réagi en limitant drastiquement les échanges de devises jusqu’à entrée en vigueur de cette directive, amenant les établissements bancaires à suspendre toute vente de devise notamment aux importateurs et provoquant ainsi des pénuries de certaines marchandises sur le marché local.

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Cette décision pourrait également amener à une dégradation supplémentaire de la parité de la livre libanaise face au dollar sur le marché local, si le mécanisme d’offre et de demande est réellement respecté, même si elle pourrait contribuer à unifier les différents cours de la monnaie locale face au billet vert. Si certains prétendent que les banques libanaises pourraient réduire, avec cette mesure, leurs importantes pertes, elle apparait aussi comme étant l’une des principales demandes de ces établissements devant la commission parlementaire des finances et du budget qui discute actuellement d’un projet, cet fois-ci officiel de contrôle des capitaux.

La délégation de l’ABL a, en effet, demandé à cette commission parlementaire de permettre aux banques de donner des livres libanaises à la place de devises étrangères pour les retraits des comptes pourtant libellés en devises étrangères, même si elles indiquent craindre l’effet inflationniste qui résulterait d’une telle mesure.

La politique du PEG, le facteur aggravant de la crise économique

La chute de la monnaie locale semble en effet inéluctable en raison de plusieurs facteurs avec un point commun, celui du maintien d’une parité artificielle. La livre libanaise a été surévaluée durant 25 ans de manière artificielle avec un flux financier entrant soutenant la monnaie locale et la dette publique sans création de richesses réelles. La parité réelle de la livre libanaise face au dollar n’a jamais été celle de 1507 LL/USD mais plutôt proche des 3 000 LL/USD selon les modèles d’économétrie. Cette différence a amené à un endettement important de manière involontaire de la population au détriment de son épargne. Sans s’en rendre compte, à chaque achat, les libanais payaient indirectement le double des prix par rapport aux moyens dont disposait leur économie. Si le prix d’une marchandise importée était de 100 dollar par exemple, en réalité, ce prix atteignait 200 dollars pour l’économie. Ce système n’a pu se maintenir que grâce, dans un premier temps à l’épargne de la population, puis du cash inflow constant de la diaspora et de l’aide des conférences de Paris II et III jusqu’au point de rupture.

Cette même politique de la PEG a favorisé la mise en place d’une économie dollarisée avec 80% des dépôts bancaires en devises étrangères au détriment d’une monnaie locale, plus contrôlable et des ajustements possibles via par exemple une dévaluation douce au lieu de la correction sévère à laquelle nous assistons depuis 2 ans.

Même s’ils démentent toute implication dans la crise économique, les responsables de la Banque du Liban ont utilisé la politique du PEG pour attirer des capitaux étrangers au Liban afin de maintenir un système économique pourtant non-compétitif et non viable à long-terme, ce que certains décrivent comme étant, à juste titre, un système Ponzi avec des taux élevés, avec comme conséquence immédiate, la perte de compétitivité du travailleur libanais local, induisant indirectement une hausse du chômage par exemple et la destruction quasi-délibérée des industries locales autre que celles du secteur bancaire. La politique du PEG a donc été le mal hollandais dont souffrait le Liban avec comme facteurs, l’exportation de nos matières grises qui profitent à des économies étrangères au lieu de profiter à l’économie locale et qui en retour amenaient un cash inflow soutenant la surévaluation de la livre libanaise face au dollar.

Une fois les flux financiers inversés comme à partir de janvier 2019, la réalité économique finissant toujours par s’imposer, la chute de la livre libanaise et la crise économique était inévitable, amenant la population – d’abord dans le déni – à prendre conscience de l’ampleur réelle de la situation révélée d’abord par des pénuries de billets verts pourtant nécessaires pour financer les importations de marchandises, le Liban étant un pays importateur net

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