La commission parlementaire de la défense se prononce pour une task force humanitaire au Liban

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S’exprimant devant la commission parlementaire de La Défense, le député français Gwendal Rouillard a décrit la situation catastrophique actuelle du Liban, une situation déjà explosive avec les manifestations d’octobre 2019 et qui s’est encore aggravée avec l’explosion du 4 août 2020, un pays caractérisé par l’incurie de sa classe politique, la corruption et la main mise du Hezbollah.

La crise sanitaire et la crise financière “systémique” traduit la fin d’un modèle économique basé sur l’attraction des capitaux, la rente et la stabilité de la livre, note Gwendal Rouillard.

“Depuis la situation empire, la livre a perdu 100% de sa valeur en moins de 2 ans”, constate le député, qui poursuit avec un descriptif catastrophique, 50% de la population vivant sous le seuil de pauvreté, l’effondrement des services essentiels à la population comme les services de santé, l’électricité et même la distribution d’eau, quasiment impossible dans l’ensemble du pays.

“La situation est telle que plus en plus de libanais ne peuvent plus se nourrir y compris au niveau de l’armée libanaise et forces intérieures”, souligne le parlementaire français.

Gwendal Rouillard a rappelé que la France a mobilisé la communauté internationale avec l’organisation de 2 conférences internationales, dont l’une a réuni plus de 205 millions d’euros et permettre de mettre en place une aide urgente.

Cependant les aides comme CEDRE et ROME II restent bloquées dans l’attente d’un nouveau gouvernement et des réformes structurelles jugées indispensables en raison de l’incapacité de la classe politique à y procéder.

Le Liban, un failed State?

Le parlementaire note que le Liban ne peut pas être encore considéré comme un failed state, 2 institutions tiennent encore, à savoir l’armée libanaise et les forces de sécurité intérieure. Cependant, elles pourraient prochainement s’effondrer en raison de désertions.

À ce titre une conférence internationale a été organisée par la France pour les soutenir.

“La situation est le fruit d’une décennie de renoncement de sa classe politique et le symptôme du mal qui mine ce pays, sa logique confessionnelle”

Gwendal Rouillard, le 8 juillet 2021

Il s’agit donc de promouvoir le sentiment d’appartenance commune et à une citoyenneté, “une aspiration de nombreux libanais qui souhaitent bâtir un nouveau Liban dans le cadre d’une transition politique”.

Gwendal Rouillard salue ainsi les initiatives prises par la société civile face aux partis politiques. Il s’agira donc à la France et à ses partenaires de garantir la tenue des élections législatives, municipales et présidentielles en temps et en heure.

Par ailleurs, une taskforce internationale humanitaire sous l’égide des Nations-Unies et de la Banque Mondiale est recommandée pour répondre aux urgences actuelles de la population face aux pénuries de médicaments et permettre le développement et l’accès à l’eau et à l’électricité.

Le Liban d’autant n’existe plus et il est de la responsabilité de la France en particulier d’accompagner l’émergence du nouveau Liban dans le cadre de cette transition démocratique
Gwendal Rouillard, le 8 juillet 2021, le 8 juillet 2021
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La France tente de stabiliser le Liban face à la crise qu’il traverse

Le Liban est, désormais, confronté à plusieurs crises, crise économique, crise liée au coronavirus, et désormais crise liée à l’explosion du port de Beyrouth, à laquelle s’ajoute désormais une crise politique en raison de la démission du gouvernement Hassan Diab.

Le Pays des cèdres est ainsi sans gouvernement depuis le 10 août 2020.

Pour l’heure, le déblocage de l’aide internationale est conditionné au résultat des négociations entreprises avec le FMI qui exige que se soient mises en place des réformes nécessaires, les réformes économiques et monétaires notamment. En effet, de nombreuses sources ou encore personnalités impliquées dans le dossier multiplient les déclarations indiquant que la communauté internationale n’accordera “pas de chèque en blanc au Liban”, suite au non-respect par Beyrouth de ses promesses et de son engagement à effectuer les réformes nécessaires à la relance économique déjà lors des conférences Paris I, II et III dans les années 2000.

La crise du secteur bancaire, bien que maquillée par les opérations d’ingénieries financières menées par la Banque du Liban, avait débuté bien plus tôt, en dépit des profits colossaux annoncés par les banques libanaises jusqu’à l’année dernière. En réalité, la Banque du Liban a ainsi reversé près de 16 milliards de dollars entre 2016 et 2018, vidant ainsi une grande partie de ses réserve monétaires en faveur des établissements bancaires.

Sur le plan économique, la crise qui a débuté en 2018 s’est révélée au grand jour durant l’été 2019 avec une pénurie en devises étrangères pourtant nécessaires à l’achat de produits de première nécessité notamment. Cependant, un inversement des flux financiers avait été constaté dès janvier 2019. Cette crise s’est ensuite accentuée suite à l’imposition de manière unilatérale par les banques libanaises d’un contrôle des capitaux, bloquant ainsi l’accès aux comptes.

Après la démission de l’ancien premier ministre Saad Hariri, le 29 octobre 2019, un nouveau gouvernement présidé par son successeur Hassan Diab a été constitué le 17 janvier 2020. Dès mars, les autorités libanaises ont annoncé un état de défaut de paiement sur les eurobonds arrivant à maturité. Par ailleurs, le Liban a ouvert les négociations avec le FMI en vue d’obtenir une aide économique d’un montant espéré de 10 milliards de dollars.

Cependant, les négociations, aujourd’hui suspendues, ont rapidement achoppé sur la capacité des autorités libanaises à mener les réformes nécessaires pour le déblocage de l’aide internationale ainsi que sur le dossier du chiffrage des pertes du secteur financier. Les autorités libanaises estiment ainsi que ses pertes atteindraient 241 000 milliards de livres libanaises sur la base d’un taux de change de 3600 LL/USD, soit 80 milliards de dollars environ, ce que refusent les banques locales via l’association des banques du Liban ou encore la Banque du Liban elle-même.

Certaines sources évoquent désormais des pertes pour le secteur financier qui dépassent les 100 milliards de dollars, estimant que le Liban nécessiterait désormais un plan de relance de 63 milliards de dollars mais que seulement 26 milliards au maximum sont disponibles. Selon ces mêmes sources, toutes les banques libanaises sont aujourd’hui insolvables.

La situation économique s’est, par ailleurs, encore dégradée avec la détérioration de la valeur de la livre libanaise et la mise en place de différents taux de change : taux de change officiel à 1507 LL/USD, taux de change dit du-marché pour les agents de change ou encore certaines entreprises fixées par la banque du Liban, aujourd’hui à 3900 LL/USD et taux de change au marché noir, qui a fluctué jusqu’à atteindre les 19 000 LL/USD, dernièrement, représentant une perte de 92% par rapport à son cours d’il y a 2 ans.

Enfin, l’explosion du port de Beyrouth, qui a ravagé également une grande partie de la capitale libanaise, a encore aggravé la situation, avec des dégâts estimés entre 10 à 15 milliards de dollars.

Pour l’heure, certains experts proches du dossier notent avec inquiétude que les intérêts politico-économiques sont plus importants pour certains partis que l’intérêt général à bénéficier d’une aide économique face à la crise, jusqu’à estimer que les divisions traditionnelles des partis politiques se sont effacées au sein du parlement en faveur du parti des banques et des autres.

Aussi, certains de ces intérêts seraient allés même jusqu’à menacer d’une guerre civile si les réformes demandées par la communauté internationale étaient menées. Cependant, celle-ci demeure ferme sur ce dossier.

Lors de son déplacement au Liban à l’occasion du centenaire de la proclamation de l’état du Grand Liban, le 1er septembre 2020, au lendemain de la nomination de Mustafa Adib comme premier ministre, le président de la république française aurait ainsi remis aux dirigeants libanais, une feuille de route pour la mise en place des réformes économiques jugées nécessaires et en premier lieu, un diagnostic des pertes de la Banque du Liban. Cette feuille de route prévoyait également la mise en place d’ici 2 semaines, d’un gouvernement capable de mener ces réformes. Cependant, 15 jours après, suite à l’expiration du délai imparti, les autorités libanaises semblent avoir échoué à la mise en place d’un nouveau cabinet, suite notamment à l’annonce par Washington de sanctions économiques visant Ali Hassan Khalil, bras-droit de Nabih Berri et ancien ministre des finances, les autres partis politiques ayant accepté le principe de rotation des portefeuilles ministériels régaliens, à savoir la défense, l’intérieur, les affaires étrangères et les finances.

Les autorités locales tentent depuis de retarder la fin du programme de subvention en adoptant notamment un plan de subvention des carburants sur base d’un taux de parité de 3900 LL/USD au lieu du taux officiel qui était jusqu’à présent utilisé, soit à 1500 LL/USD. Ce nouveau taux devrait ainsi faire augmenter d’un tiers le prix du bidon de 20 litres de carburants et induire une nouvelle poussée inflationniste.

Côté parité de la livre libanaise, cette nouvelle poussée inflationniste a été accompagnée par une autre mesure de la Banque du Liban. Celle-ci dans le cadre de la circulaire 158 souhaiterait que les déposants des banques commerciales puissent retirer jusqu’à 400 USD cash de leurs comptes bloqués depuis l’instauration d’un contrôle informel des capitaux en novembre 2019. Cependant, un certain nombre d’entre elles ont déjà indiqué, officieusement, ne pas pouvoir se permettre une telle mesure. D’autres auraient acheté d’importantes quantité de devises étrangères sur le marché local, amenant à une dégradation supplémentaire de la livre libanaise qui a atteint un nouveau plus bas historique, ce samedi 26 juin, avec un taux de parité de 18 000 en fin d’après-midi.

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