1 -MON CHER PEUPLE ME VOILÀ REVENU VERS VOUS.

En partenariat avec Madaniya.info – Le roi surgit. Il s’empara des cadets et retourna la situation en sa faveur.

Pourquoi Ababou a-t-il épargné le Roi? Tel est le grand mystère de cette affaire. Ababou avait assiégé le site où se terrait Hassan II, mais sans passage à l’acte. Il n’a pas franchi le pas de l’emprisonner ou de le liquider.

Le chef des mutins avait quitté Skhirat avec la majorité de sa troupe sans avoir procédé ni à l’arrestation du Roi, ni à celle de Mohamad Oufkir, ministre de l’intérieur, ni à celle du Colonel Ahmad Dlimi, chef de la sécurité.

N’eut-il pas été préférable que ces trois hommes clés du royaume soient captifs sous son contrôle? Des otages à sa merci? Comme il l’a fait avec quatre généraux dont il réclamait l’allégeance et qu’il a embarqué à bord d’une Jeep dans sa route vers Rabat afin de leur donner le temps de la réflexion?

Ababou a-t-il été saisi par le doute à un moment décisif de cette opération?Non.

Ababou n’a pas hésité. Il a été au bout de son aventure sanglante, sans sourciller. Ababou ignore la pitié, la compassion ou la commisération. L’homme est impitoyable, liquidant de sang froid, bon nombre de prisonniers à Skhirat.

A-t-il manqué de perspicacité?

Non. L’homme est diplomé de l’Ecole de Guerre de Paris, spécialiste de la planification et des manoeuvres militaires. Il était parfaitement conscient de l’impact symbolique de la liquidation du Roi. Un tel acte aurait crée un grand vide au sein du Makhzen.

Pourquoi alors Ababou a-t-il épargné Hassan II, sans lui faire le moindre mal alors que le souverain se trouvait une proie facile entre ses mains?

La réponse est qu’Ababou a considéré que le Roi, otage désarmé, était dévalué déprécié, sans la moindre possibilité d’agir ou de réagir.

Ababou a voulu conserver le Roi comme monnaie d’échange, dont il voulait faire usage à son gré, quitte à s’en débarrasser au moment le plus approprié, une fois sa tâche achevée.

Aucun des captifs ne constituait une menace. Tout le Makhzen était tombé dans le piège de Skhirat. Tous piégés. Ababou pouvait donc tranquillement envisager la suite de sa mission.

Une fois l’armée neutralisée, la 2me étape de sa conquête du pouvoir était la maîtrise des points névralgiques du pays: Le Quartier Général des Forces Armées Royales, qui commandait tous les commandements de la totalité des provinces du Royaume, le ministère de l’Intérieur, qui avait la haute main sur l’appareil sécuritaire du pays, le ministère des Postes et Télécommunications, qui contrôlait l’ensemble des communications internes et internationales, enfin le siège de la Radio Télévision marocaine, indispendable pour la communication avec l’opinion publique marocaine et internationale.

Ababou prévoyait de prendre le contrôle des principaux rouages de l’état avant de retourner à Skhirat pour décider de la liste des personnalités à épargner ou à liquider.

Dans son optique, le fait que le Roi soit son otage devait lui faciliter la tâche. D’où ses fermes instructions à son frère de bien garder le Roi, sa famille, la hiérarchie militaire et sécuritaire, les chefs des partis politiques avec une instruction formelle: Si Ababou n’était pas revenu à Skhirat à 20H00 locales, son frère devait liquider tous les otages sans exception.

2- LA RUSE DU CORAN

Hassan II fixa les cadets chargés de sa détention. Tous des jeunes plongés dans la perpléxité. Le Roi releva que la main de l’un d’entre eux, portant une arme, tremblait.

Deux salves retentirent au loin, brisant le lourd silence. Les soldats se sont spontanément mis en état d’alerte, scrutant l’origine des tirs. Le Roi perçut leur embarras. Une bande de cadets de l’Académie militaire d’Ahermoumou n’ayant nullement conscience de leurs actes.

D’une voix basse, sur un ton paternel, le Roi s’adresse alors aux cadets: «Vous êtes mes fils». Les cadets le regardèrent avec crainte et respect.

Pas un n’avait aperçu le souverain auparavant. La seule figure du Roi qui leur revenait à l’esprit était celle d’un monarque majestueux, popularisée dans de grands portraits en couleur qui trônaient dans les édifices publics du royaume. Le Roi était là, devant eux, entre leurs mains. En chair et en os. Qui aurait pu imaginer qu’une chose pareille pouvait se produire?

Puis un des cadets s’adresse au Roi: «Sire, le Colonel Ababou nous a dit que vous étiez en danger. Il nous a donné misison de vous protéger».

Réponse du Roi: «Parfait. Nous volà en sécurité. Je suis en bonne santé. Vous serez en sécurité tant que vous serez à mes côtés».

Personne ne leur avait donné instruction sur ce qu’il convenait de faire en pareille circonstance. Ils ont reçu des ordres et se bornent à les exécuter.

Hassan II: Prions. Récitons la Fatiha, la mère du Coran. Le verset qui libère de tous les soucis et des peines. Puis, enchaînant, le Roi s’est mis à réciter la Fatiha la main sur la poitrine, aussitôt suivi par les cadets.

Le souverain invite les cadets à répéter après lui la phrase suivante: «Mon Dieu que le Coran soit le printemps de nos cœurs, notre lumière et l’éxutoire de nos peurs». Les cadets imitèrent le Roi, en répétant la phrase.

Le roi fixa à nouveau les cadets, les scrutant à nouveau avant de s’adresser à eux: «Je suis le Roi. Votre souverain. Vous, soldats, vous êtes mes subordonnés. Ne craignez rien».

Puis le cadet fit subitement le salut militaire aussitôt suivi par les autres membres du groupe. Hassan II leur tendit alors sa main. Les cadets se saisirent des deux mains du Roi, qu’ils s’empressèrent de baiser en signe de respect et d’obéissance. Hassan II respira enfin profondémment.

Qui contrôle désormais les cadets? Sa chance lui a-t-elle souri à nouveau après de longues heures de malchance et de malédiction? Sa majestueuse prestance a certes beaucoup contribué à restaurer son prestige auprès des mutins…De même que quelques versets du Coran. Mais la voie du salut était longue.

Poursuivant son enquête, sans éveiller les soupçons, le Roi s’adressa à nouveau aux cadets: «Que sont devenus vos autres camarades?

Le caporal répondit: «La majorité des cadets de l’Académie d’Ahermoumou sont fidèles à leur Roi. Mais certains officiers y sont hostiles».

Le roi: Peux tu faire le tri et distinguer les mutins des fidèles?

Le caporal répondit par l’affirmatif: Oui Sire.

Hassan II lui ordonna alors d’aller rassembler les cadets fidèles en les informant que le Roi était sain et sauf, en prenant bien soin de scruter leurs réactions et de faire venir querlques cadets.

Le roi prit là un risque calculé. Sa stratégie passait ou cassait.

Le cadet est revenu en compagnie de quelques soldats pour rencontrer «Notre Sire le ROI». Puis progressivement les cadets ont commencé à s’attrouper autour de leur souverain. Gagnés par l’enthousiasme, ils se mirent à l’acclamer «Vive le Roi. Vive le Roi».

Revigoré, Hassan II a retrouvé sa majesté, et, sans retard, recommença à excercer son emprise sur les cadets. Il leur tendit sa main qu’ils s’empressèrent de baiser. L’un d’eux s’est incliné à hauteur de son genoux en guise de prosternation.

Puis le Roi les sermona: «Qu’avez-vous. Avez vous perdu la tête?. Etes vous devenus fous? Vous, les officiers de l’armée royale; Vous, mes enfants». Les acclamations fusèrent, ponctuées de cris «Vive le Roi».

Puis usant à nouveau du subterfuge du Coran, une martingale gagnante pour le «commandeur des croyants», il invita les soldats à réciter la Fatiha en sa compagnie avant de les rappeler à leur devoir de loyauté à l’égard de leur souverain: «Vous devez me suivre. Suivez tout le temps votre Roi».

Hassan II s’est rendu ensuite à la cachette d’Oufkir, et, s’adressant en français à son ministre de l’Intérieur, l’investit des pleins pouvoirs: «Général Oufkir, je vous habilite à faire usage de mes prérogatives civiles et militaires jusqu’au rétablissement de la situation et le règlement final de cette affaire».

3 – LE SUPPLICE DU CHANTEUR ÉGYTIEN ABDEL HALIM HAFEZ.

Abdel Halim Hafez dodelinait de la tête en enregistrant une chanson dans les studios de la radio-télévision marocaine.

Le chanteur égyptien devait chanter le soir même au dîner d’anniversaire du Roi, dont il était l’invité, au palais de Skhirat. Les premières paroles de la chanson étaient les suivantes: Hassan apparut et Hassan étancha notre soif».

Soudain Ababou déboula dans les studios et les tirs retentirent dans toutes les directions. Equipé d’écouteurs, Abdel Halim Hafez ne s’est pas rendu compte de ce qui se passait. Il continuait à chanter.

Ababou se dirigea vers le chanteur égyptien, et sur un ton méprisant, le toise: C’est toi le chanteur égyptien effeminé qui vient chaque année chanter pour le Roi».

Abdel Halim Hafez n’a pas saisi l’insulte. Il répond, embarrassé: «Oui. C’est bien cela, je suis Abdel Halim Hafez et le Roi m’a invité».

Ababbou lui jette un regard où se même férocité et ironie: «Parfait, nous t’informons Cher Abdel Halim Hafez que le roi est mort et il t’incombe d’en informer le peuple marocain de cette nouvelle. Tiens, va lire à la radio le communiqué annonçant la fin de la monarchie et la proclamation de la République marocaine».

Ababou soumet au chanteur égyptien un communiqué dans lequel il annonçait le coup d’état. Abdel Halim Hafez lit le texte. Son visage s’assombrit saisi de frayeurs et de colère.

Le chanteur implore Ababou: Monsieur, Je ne suis pas impliqué dans la politique. Je suis artiste. Je chante. C’est tout. Je ne suis pas non plus marocain. Je suis chanteur égyptien. Pas besoin d’impliquer l’Egypte dans les affaires intérieures qui concernent exclusivement les Marocains.

Ababou s’est mis en colère, son arme brandie, le doigt sur la gachette de son revolver.

Abdel Halim Hafez s’est mis à pâlir et à implorer Ababou: «Je suis un homme malade Je le jure que je suis un homme malade. J’ai besoin de médicaments, sinon je risque la mort. Que Dieu vous préserve, mais laissez moi partir (2).

Ababou n’était pas disposé à faire droit à la requête d’Abdel Halim Hafez. La tension monte d’un cran entre les deux hommes, annonciatrice d’une catastrophe toute proche.

Un compositeur marocain sauvera la mise de l’Egyptien. Abdel Salam Amer se proposa de lire le communiqué. Il retint le texte par cœur et le déclama au micro de la radio.

Ababou demanda aux techniciens de diffuser de la musique militaire, en prélude à la diffusion du communiqué annonciateur de la «Révolution».

Les techniciens ont été saisis de perpléxité. Affectés à des progammes de variétés, ils n’avaient pas pour habitude de diffuser de la musique militaire, mais de répondre aux requêtes des auditeurs dans le cadre d’un programme célèbre dans le Monde arabe: «Ma Yatloubouhou Al Moustami’ine» (Le choix des auditeurs).

Ababou réclama la chanson française «La Galette». Ah la prégnance de la pesanteur coloniale française même au sein des gradés rebelles marocains qui se proposaient d’instaurer la République.

4 – La visite surprise du frère d’Ababou de Skhirat à Rabat

Su ces entrefaites et contre tout attente, le frère d’Ababou, Mohamad, arrive précipitamment de Skhirat et, tremblant de peur, se dirige tout droit vers les studios de la radio marocaine à Rabat.

Ababou en colère: Pourquoi es-tu venu? Je t’avais ordonné de demeurer au palais de Skhirat jusqu’à mon retour.

Mohamad répondit à son frère en français: «Le roi est apparu. Il a pris le contrôle des cadets qui l’ont suivi en l’acclamant. Plus personne ne m’obésissait. Je me suis sauvé. Le pire c’est qu’ils apprêtent à marcher sur Rabat pour nous exterminer».

Ababou saisit immédiatement la gravité de la situation: «Je dois me rendre au QG des Forces Armées Royales pour régler l’affaire de là-bas.

5- MOULAY ABDALLAH ET SA GRANGRÈNE: L’ÉPOUVANTABLE DIALOGUE ENTRE LE ROI ET SON FRÈRE À PROPOS DU CROCODILE DE MADAGASCAR.

Une fois stabilisée la situation, le Roi a quitté Skhirat en compagnie de la totalité de sa famille. Il opta pour le palais de sa soeur, la princesse Lalla Fatima Al Zahra pour y passer la nuit. Du palais de sa sœur, il multiplia les directives à ses généraux -Oufkir, Hazif Al Alami et Idriss Ben Ammar- leur enjoignant de mâter les dernières poches de la rebellion

Moulay Azbdallah, atteint de 4 balles au bras et à la cuisse, souffrait l’enfer.

Un médecin français s’appprocha alors du Roi pour lui signaler que son frère cadet avait besoin de puissants antibiotiques, faute de quoi il risquait la grangrène et donc à terme l’amputation.

Le Roi négligea les propos du médecin, qui reviendra à la charge en reformulant sa demande. Le roi se retourna vers son interlocuteur français et lui lâcha sur un ton colèrique: «Ecoutez Monsieur le Médecin, je suis occupé par quelque chose de plus important que la gangrène. Il y a un trône que je cherche à récupérer».

Puis se tournant vers un soldat, le Roi lui ordonne de libérer la baionnette de son fusil. Le soldat s’exécucte. Le roi se saisit de la baionnette et la remet derechef au médecin: «Comme vous faisiez état d’un problème de gangrène, prenez cette baionnette et amputez la main du Prince (3).

Moulay Abdallah a été choqué par ces propos. Les deux frères entretenaient, il est vrai, des relations de grande froideur. Abdallah n’ignorait pas ce dont son frère, le Roi, était capable en termes d’outrance. Il était consterné que son comportement ait atteint un tel degré de mépris.

Puis s’adressant directement à son frère: «Te souviens-tu des jours où nous étions à Madagascar (ndlr en exil)? Te souviens-tu du jour où le crocodile s’est attaqué à toi. J’aurai dû le laisser régler son compte avec toi», lâcha tranquillement Abdallah à l’adresse de son frère.

Hassan II s’est senti mal à l’aise à l’évocation de ce comportement chevaleresque de son frère cadet qui signifiait par là même son ingratitude, voitre même sa goujaterie.

6 -HASSAN II: LE MAROC SUSCITE DES JALOUSIES

Le chef des mutins Ababou a été tué au Quartier Général des Forces Armées Royales. Atteint d’une balle dans le cadre d’un échange de tirs avec le général Bouhali.

Hassan II jubilait. Il était redevenu Roi, Plus ROI aujourd’hui qu’HOMME. Un semtiment d’omnipotence l’habitait. «Les criminels ne perdent rien à attendre». Ils connaitront leur juste chatiment, assure-t-il en fixant la date au 11 juillet 1971.

S’adressant à son peuple, le Roi leur déclara que le «Maroc suscite des jalousies. La joie dans laquelle baigne notre peuple suscite des envieux lequels ne souhaitent pas que les Marocains en bénéficient.

«Vous étiez à l’écoute de la radio. Vous avez entendu Radio Tripoli apporter son soutien aux révolutionnaires et l’armée libyenne se ranger aux côtés des démunis et des opprimés.

Mon cher peuple, je vous demande de demeurer vigilant afin que les envieux et les détracteurs de notre pays n’en tirent pas profit.

Mon cher peuple, Je ne suis pas homme à abuser de la parole. Tu as failli être aujourd’hui orphelin, mais Dieu nous en a préservé».

A peine le discours royal terminé qu’un flot de messages des félicitations du monde entier s’abattait sur Rabat.

7 -LE MÉPRIS D’HASSAN DU MAROC À L’ÉGARD DE SON «COUSIN» HUSSEIN DE JORDANIE

Hussein de Jordanie s’est précipité au Maroc pour réconforter son «cousin» dans l’épreuve. Mais le comportement d’Hassan II a paru étrange. Autant le jordanien, descendant de la famille du prophète, témoignait de la fraternité à un monarque dans l’épreuve, autant le marocain était hautain, imbu de sa personne.

Hussein de Jordanie qualifiait Hassan II de «mon cousin» quand il s’adressait au souverain chérifien. Hassan II se bornait, lui, à appeler le roi de Jordanie de son prénom «Hussein».

Le Roi du Maroc considérait la Jordanie comme un Royaume démuni, tandis qu’il vivait la monarchie marocaine comme un «royaume de riches».

8- L’APOSTROPHE DU GÉNÉRAL BOUGRINE À OUFKIR: SOUVIENS-TOI OUFKIR, IL TE TUERA, COMME IL NOUS A TUÉ.

Au 3me jour du coup d’état, une dizaine d’officier putchistes ont été exécutés près de la région d’Al Harhoune, sur le rivage atlantique du Maroc.

Revêtu de la tenue traditionnelle marocaine, Hassan II était venu en personne assister à la mise à mort de ses rivaux, accompagné de Hussein de Jordanie, qui avait revêtu, lui, la tenue militaire.

Les deux rois observeront la scène, à l’aide de jumelles, depuis les collines surplombant le site.

Le général Mohamad Oufkir, ministre de l’intérieur, et le Général Ben Ammar Al Alami, du haut commandement des FAR, ont été chargés de la supervision de la «liquidation des traitres». La séquence s’est déroulée en présence de la totalité du personnel du Makhzen, de la hiérarchie militaire et sécuritaire, des corps constitués du Royaume. A titre pédagogique, elle a été retransmise en direct par la radio télévision marocaine tant à l’intention de l’opinion marocaine qu’en direction de l’opinion internationale.

Douze poteaux avaient été dressés. Douze militaires représentant les diverses armes des FAR (Air, Terre, Mer) avaient pris position face aux poteaux.

Le géneral Hamou Ahmazoune a cherché à attirer l’attention du Roi. En vain. Hassan II considérait l’officier comme un traître dès lors qu’il avait pris langue, même sous la contrainte de la force, avec Ababou. Sa parenté avec l’épouse du Roi ne lui a été d’aucun secours.

Les mains nouées autour des poteaux où ils ont été conduits à se placer, revétus de leur uniforme militaire, porteurs de leurs grades, les officiers subirent la cérémonie de dégradation militaire.

Particulièrement humiliante, la dégradation obéit à un cérémonial très strict. Ce rituel implique la destitution du soldat de son grade, de ses insignes, de son poste de commandement et de sa dignité. Il implique aussi une destitution publique, qui comprend la destruction des symboles de son statut: épaulettes arrachées des épaules, badges et insignes ôtés, épée cassée sen deux, casquettes et médailles jetées à terre et piétinées

Le premier ministre Ahmad Laraki donna un coup de pied au Colonel Chelouali à et le gifla. Des ministres ont craché sur les officiers félons à leur passage.

Oufkir s’avança et donna ses ordres au peloton d’exécution.

Le général Bougrine apostropha alors Oufkir en ces termes, qui plus est en français: «Fais gaffe Oufkir. Il te tuera comme ils nous a tué. Ne te laisse pas faire».

Oufkir n’a pas répondu à l’interjection de son ancien camarade de promotion de l’Académie d’Azrew. Fixant le peloton, Oufkir donna l’ordre en français d’ouvrir le feu: Feu. Feu».

Un an après, la prophétie du général Bougrine se réalisait, Oufkir est passé à la trappe en 1972. Un an et un mois après Skhirat.

EPILOGUE: OUFKIR, UN AN APRÈS, À LA TRAPPE.

Exécuteur des basses oeuvres d’Hassan II, Oufkir sera mêlé en 1965 à l’assassinat de Mehdi Ben Barka, principal opposant au roi Hassan II et cheville ouvrière de la Tricontinentale qui se déroule la même année de sa disparition à La Havane. Il sera condamné par contumace par la justice française aux travaux forcés à perpétuité.

Il est ministre de l’intérieur quand échoue la tentative de coup d’état militaire de Skhirat. Fait peu connu à l’époque, Oufkir faisait déjà partie de ce premier complot. En effet les hauts gradés félons se sont mêmés aux convives avec des signes distinctifs de reconnaissance. il supprimera ses complices en jouant le rôle de l’honnête officier accusateur.

Mais un an après Skhirat, Oufkir participe à une nouvelle conjuration contre le Roi, dans le complot dit des aviateurs, le 16 Août 1972.

Selon une version relatée par l’écrivain Gilles Perrault dans son livre «Notre ami le roi», Oufkir a été exécuté en dehors du palais. Ahmad Dlimi, chef de la sécurité, aurait contacté le général en lui annonçant que le roi, grièvement blessé, était à sa merci dans une maison proche de l’ambassade du Liban à Rabat. Oufkir s’y serait rendu aussitôt et y aurait été abattu par Dlimi et Moulay Hafid Alaoui, l’oncle du Roi. Le cadavre aurait été ensuite transporté à Skhirat pour simuler un suicide.

Hassan II a triomphé de tous ses adversaires (Mehdi Ben Barka, Mohamad Oufkir, Ahmad Dlimi), tous morts de mort violente. Mais le souverain laissera le souvenir d’unrègne calamiteux d’une grande imposture d’un «Royaume de bagne et de terreur».

Jaafar Al Bakli

Universitaire tunisien, chercheur sur les questions de l’Islam, spécialiste de l’histoire politique des pays arabes, notamment les pays du Golfe.

NOTES

1- Mohamad Al Rayess, dans ses mémoires (page 46) intitulées «De Skhirat à Tazmamart, billets Aller Retour vers l’enfer», relate le dialogue suivant entre les frères Ababou: Le colonel jugeait préférable de se rendre à Rabat et de dégager complètement le site de Skhirat. Il fit part à son frère de son intention de libérer les diplomates et de liquider tous les prisonniers marocains. Je ne recontrerai pas de résistance à Rabat, dès lors que les hommes du Makhzen ont été éliminés, a-t-il assuré. Son frère Mohamad s’opposa à ce projet. Après débat, il a été convenu que M’Hamed prendrait le chemin de Rabat pour achever sa mission, tandis que le frère demeurera à Skhirat garder les prisonniers.

2- Abdel Halim Hafez était atteint d’une insuffisance hépatique, nécessitant constamment la prise de médicaments. Incarcéré au siège de la radio télévison marocaine, il a été contraint de conserver ses bras levés pendant 4 heures, jusqu’à son effondrement. Abdel Halim Hafez faisait partie d’un groupe de 40 artistes de diverses nationalités convié par Hassan II pour égayer l’anniversaire du souverain. Les artistes égyptiens étaient logés à l’Hotel Hilton de Rabat. Ils s’acharnaient à faire signe à l’ambassadeur d’Egypte au Maroc, Hassan Fehmi Abdel Majid, en vue de lui demander d’intercéder pour obtenir la libération d’Abdel Halim Hafez. Chadia, artiste égyptienne de renom, s’est même proposée de se rendre au siège de la radio télévision marocaine, pour récupérer son collègue captif. Le musicien Mohamad Al Mouji s’est porté volontaire pour l’accompagner. Dans cet élan de solidarité, un seul, un très grand artiste, sans doute le plus grand artiste égyptien, s’est distingué par un comportement dont le moins que l’on puisse dire est qu’il manquait de solidarité. Prenant ses distances du groupe, afin de couper court aux sollicitations dont il était l’objet, Mohamad Abdel Wahhab a ostensiblement étendu son tapis de prière et s’est plongé dans une interminable prière. Une astuce pour se tirer d’embarras.

3 – Moulay Hicham Al Alaoui: «Journal d’un prince banni: Demain le Maroc- Edition Grasset 2014, page 48.

ReneNaba
René Naba | Journaliste, Ecrivain Français d’origine libanaise, jouissant d’une double culture franco arabe, natif d’Afrique, juriste de formation et journaliste de profession ayant opéré pendant 40 ans au Moyen Orient, en Afrique du Nord et en Europe, l’auteur dont l’expérience internationale s’articule sur trois continents (Afrique Europe Asie) a été la première personne d’origine arabe à exercer, bien avant la diversité, des responsabilités journalistiques sur le Monde arabo-musulman au sein d’une grande entreprise de presse française de dimension mondiale.