Un nouveau rapport publié par la Foundation for Defense of Democracies et intitulé Crisis in Lebanon, Anatomy of a financial Collapse, estime les banques libanaises quasiment insolvables. Ce rapport rédigé par James Rickards estime que le Pays des Cèdres aurait besoin d’une injection de 67 milliards de dollars au taux de parité de 4000 LL/USD pour stabiliser son économique.

La taille totale des pertes du secteur financier pourrait même atteindre 93 milliards de dollars, voir plus puisque le taux de change réel, celui au marché noir, avait dépassé les 9000 LL/USD au moment où il avait été rédigé. Ainsi, la taille des pertes financières pourrait même dépasser les 100 milliards de dollars.

Le rapport évoque également l’impact du Hezbollah sur l’économie libanaise et celui des sanctions américaines

Selon l’économiste, serait en cause nommément la mise en place d’un schéma de fraude de type Ponzi, les banques libanaises ayant détourné les sommes déposées d’abord par la population locale puis celle de la diaspora libanaise. Les autorités libanaises seraient également rendues responsables en étant en connaissance de la fraude mise en place.

Aussi, James Rickards évoque le fait que l’élite politique et économique aurait transféré de larges sommes à l’étranger avant l’instauration d’un contrôle des capitaux. Pour les personnes n’appartenant pas à ce cercle, il était trop tard par la suite.

Par ailleurs, le rôle de la Banque du Liban et de son gouverneur est également évoqué, avec la mise en place de ce schéma Ponzi basé sur l’attraction de capitaux de la diaspora avec des taux d’intérêts élevés et une monnaie liée au dollar sans pour autant que ces sommes servent à être réinvesties dans une économie productive.

La BdL a été un acteur clé du projet de Ponzi au Liban. De tels régimes peuvent se poursuivre indéfiniment tant que le nouvel argent entrant dans le régime est supérieur à la demande de liquidités par les victimes. Lorsque le système est géré par un gouvernement ou une banque centrale, le démantèlement peut être reporté avec des contrôles de capitaux, des gels de comptes et de fausses déclarations, mais l’allègement est temporaire. La fin est la même.

Dès lors, “la banque centrale prétend avoir des montants bruts de devises disponibles, mais la banque centrale est insolvable sur une base nette une fois que les actifs douteux sont amortis sur le capital”, note l’auteur du rapport, allusion au fait que le gouverneur de la Banque du Liban a enregistré des profits fiduciaires depuis des années alors que les réserves nettes en devises sont négatives de 30 milliards de dollars.

Le rapport détaille le rôle de chacun dans le système de fraude mis en place:

Le programme a fonctionné comme suit: les banques commerciales ont reçu de nouvelles entrées de dollars américains et d’euros sous forme de dépôts bancaires de la part des envois de fonds de la diaspora libanaise, du tourisme et d’un modeste secteur d’exportation. Ces dépôts étaient acheminés vers la BdL sous forme de dépôts bancaires commerciaux. Les dépôts à la BdL ont payé les importations, soutenu les dépenses publiques et payé des intérêts sur les dépôts en dollars et la dette en dollars. La structure était soutenue par un taux de change fixe de 1 507,5 LBP pour un dollar. Cela a donné à tous les participants la certitude que les dollars et les livres étaient effectivement interchangeables et a donc réduit la demande de retraits en dollars. La BdL avait un flux de trésorerie négatif modeste en dollars avant 2011. Cette sortie nette a été obscurcie par une divulgation opaque et une demande limitée de dollars par les banques commerciales et leurs déposants.

Ce type de fraude s’est accru après 2011, note l’auteur, qui estime que dès lors, le taux de change était intenable. Le déraillement de la situation a commencé dès 2014 quand le prix du pétrole s’est effondré.

Suite à cela, les opérations d’ingénierie financière se sont multipliées alors que les banques locales ont enregistré de très larges profits suite à l’augmentation des taux d’intérêts.

Cependant, les manifestations qui ont débuté à partir d’octobre 2019 en raison de la dégradation des déficits publics et de la proposition d’augmenter certaines taxes ont amené à la fin de la confiance accordée au système financier local.

Les flux financiers en provenance de l’étranger se sont également effondrés à ce moment-là, amenant à l’effondrement du schéma Ponzi.

Le Liban a par la suite été exclu du marché des euro-obligations (la dernière nouvelle émission remonte au 17 mai 2018). Sans de nouveaux afflux de dollars, le système de Ponzi s’est effondré rapidement. La BdL a imposé des contrôles de capitaux; Les retraits de dépôts en dollars étaient interdits à quelques exceptions près. Certaines élites ont été informées que les contrôles des capitaux allaient arriver et ont lancé d’importants transferts en dollars vers des comptes bancaires à l’étranger. Les citoyens libanais ordinaires n’ont pas été avertis et ont été victimes de gels de comptes.

La Banque du Liban en faillite

Le rapport accuse la banque du Liban d’être déficitaire de 22 millions de dollars en dépit du fait d’estimer ses réserves monétaires à 38 milliards de dollars.

La BdL et les responsables gouvernementaux continuent d’affirmer que les dépôts en dollars dans les banques commerciales sont «bons pour l’argent» et ne sont pas soumis à des contrôles. Les deux affirmations sont des mensonges. Le résultat probable est que les dépôts recevront des décotes et seront convertis en monnaie locale avant la reprise des retraits. Les livres de la BdL et des banques commerciales portent des euro-obligations à leur valeur comptable, mais ces institutions sont en défaut et il n’y a pas de liquidité pour reprendre le paiement. La BdL prétend avoir des réserves en devises fortes (principalement en dollars) de 38 milliards de dollars.

Cependant, ce chiffre est «brut» avant la comptabilisation des dépréciations d’actifs. Lorsqu’environ 60 milliards de dollars de dépôts en dollars non remboursables des banques commerciales sont pris en compte, la BdL est insolvable. Bien entendu, l’insolvabilité de la BdL découle de l’insolvabilité des banques commerciales, puisque les mêmes dépôts que la BdL ne peut pas payer sont des actifs dépréciés des banques commerciales.

Pour aggraver les choses, la BdL ne publie pas d’états financiers vérifiés. Le dernier rapport annuel était pour 2018. Il publie des bilans internes. Les informations détaillées les plus récentes disponibles datent du 30 mai 2019, et un «bilan intermédiaire» moins détaillé est disponible pour le 15 juin 2020.3 Ces bilans montrent que la BdL détient environ 5 milliards de dollars en euro-obligations et 15 milliards de dollars en prêts aux banques commerciales . Les bilans de la BdL présentent des «comptes de capital» de 3,7 milliards de dollars. Une réduction de 50% de ces 20 milliards de dollars d’actifs suffit à pousser la BdL dans une position de capital négative de 16,3 milliards de dollars.

La situation de la BdL est encore plus désastreuse parce que ses prêts aux banques commerciales sont pour la plupart libellés en dollars américains et sont portés au taux de change officiel de 1 507,5 LBP pour un dollar. Si ces prêts aux banques commerciales étaient convertis en dollars américains au taux de change réel, qui fluctue mais oscille autour de 4000 LBP pour un dollar4, une dépréciation supplémentaire d’environ 9 milliards de dollars serait nécessaire. (La BdL pourrait également diminuer ses engagements et augmenter sa valeur nette en effectuant la même conversion au taux de change réel, mais la banque et le gouvernement ont jusqu’à présent rejeté cette option en déclarant que les dépôts en dollars ne feront pas l’objet de décotes. Cela changera dans le cadre de toute restructuration).

Une analyse encore plus simple est que la BdL dispose d’environ 38 milliards de dollars de réserves de devises pour payer les importations, mais doit environ 60 milliards de dollars sur les dépôts libellés en dollars des banques commerciales. La position nette en dollars de la BdL est donc négative de 22 milliards de dollars.

Les banques commerciales guère mieux loties

Le rapport publié en 2020 par la Foundation for Defense of Democracies et intitulé Crisis in Lebanon, Anatomy of a financial Collapse estime toutes les banques libanaises étudiées comme étant insolvables. Elles sont également menacées par des procédures judiciaires, accusées de blanchiment d’argent et en raison du lien de certains établissements avec le Hezbollah aux USA.

• Bank Audi S.A.L.
• Bank of Beirut S.A.L.
• Bank of Beirut and the Arab Countries S.A.L.
• Bankmed S.A.L.
• Banque Libano-Française S.A.L.
• BLOM Bank S.A.L.
• Byblos Bank S.A.L.
• Crédit Libanais S.A.L.
• Fenicia Bank S.A.L.
• Fransabank S.A.L.
• IBL Bank S.A.L.
• Lebanon and Gulf Bank S.A.L.
• MEAB Bank S.A.L.
• Société Générale de Banque au Liban S.A.L.

Parmi les banques citées:

Au total, les 14 banques prises en compte nécessiteraient un apport de 67 milliards de dollars, ce qui est bien éloigné des sommes maximales que le Liban pourrait obtenir dans le cadre d’une aide internationale, soit 26 milliards de dollars (15 milliards de dollars de prêts via le FMI et 11 milliards de dollars via CEDRE à condition de mettre en place les réformes économiques, monétaires et financières nécessaires pour les débloquer).

Selon les calculs effectués par un expert étranger, tous les établissements nécessiteraient des injections massives de fonds, allant jusqu’à 11.9 milliards de dollars pour la BLOM seulement, suivie de 11 milliards de dollars pour la Banque Audi, des sommes aujourd’hui impossibles à trouver au Liban même. Le risque de faillite ou encore de shutdown complet est donc présent pour ces établissements avec d’importantes pertes pour les actionnaires actuels.

Ils ne pourraient survivre qu’à condition de fusionner ou encore de procéder à des haircuts sur les dépôts.

Seules la Banque Med, le Crédit Libanais et IBL Bank pourraient survivre en raison d’absence de lien pour l’heure avec le Hezbollah, tout comme la Bank Audi et la BLOM Bank qui sont trop grandes pour faillir en raison des conséquences que cela aurait pour l’économie libanaise.

Alors quelles solutions préconisées?

La seule solution est de l’argent frais provenant de l’extérieur du Liban. Un maximum de 30 milliards de dollars peut être disponible auprès du FMI, de la Banque mondiale et du CEDRE (un club de sauvetage basé à Paris). Cependant, cet argent ne sera pas disponible sans une austérité extrême, une réforme monétaire et fiscale, une réforme juridique, une réorganisation complète du système bancaire et la fin du blanchiment d’argent. Compte tenu du dysfonctionnement politique libanais et du rôle important du Hezbollah dans le système politique, une telle réforme est peu probable.

Concernant les banques commerciales, diverses solutions sont disponibles, notamment une procédure de Haircut ou la conversion d’une partie des dépôts en actions des banques qui survivraient.

Cependant, la position actuelle des autorités libanaises refusant tout haircut est difficile à tenir en raison de l’état du secteur financier. La probabilité d’une perte totale des dépôts augmente donc actuellement.

Quant aux Eurobonds, une large portion est détenue par la diaspora libanaise. En raison des risques actuels de faire face à d’importantes pertes, il se pourrait donc qu’ils ne réinvestissent plus dans l’économie libanaise en général et dans le système bancaire actuel, ce qui pourrait encore aggraver les difficultés actuelles.

Cependant, Ashmore détiendrait également 25% des eurobonds, ce qui lui permet d’être en situation de bloquage des négociations à venir entre créanciers et autorités libanaises qui pourraient ainsi se voir être obligées à obéir aux termes de la société ou à faire face à la saisie de biens à l’étranger.

Pour l’heure, les autorités libanaises dans le déni

Pourtant, le choix n’est pas entre le renflouement ou le renflouement interne. Il n’y a pas d’argent pour un sauvetage complet. Et les prêteurs potentiels n’ont aucun intérêt à préserver le système actuel. Il pourrait y avoir assez d’argent, disons 5 milliards de dollars, pour un sauvetage mené selon les principes de renflouement interne décrits ci-dessus. Mais le vrai choix est entre un bail-in (avec des haircuts, des conversions d’actions et des pertes directes) ou un effondrement complet (avec 100% de pertes, suivi du chaos).

Les dirigeants libanais ne l’ont pas reconnu. Plus les dirigeants libanais nient la réalité depuis longtemps, plus la probabilité d’un effondrement complet est grande.

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