Le Premier Ministre Mustapha Adib lors sa nomination. Crédit Photo: Dalati & Nohra
Le Premier Ministre Mustapha Adib lors sa nomination. Crédit Photo: Dalati & Nohra

Au lendemain de la nomination de Moustafa Adib comme nouveau premier ministre du Liban, alors que le pays célèbre son centenaire, certaines sources indiquent que son nom avait en fait été proposé par la chancelière allemande Angela Merkel au président français Emmanuel Macron.

Ce dernier n’était en effet pas inclus sur la liste des premiers ministrables, Saad Hariri étant donné favori.

Le président de la république française aurait alors proposé à la présidence de la république libanaise trois noms, ceux du président de la Middle East Airlines Mohammed Hout, du Procureur de la République, le juge Ghasssan Oweidat et de l’ancien ambassadeur du Liban en Allemagne Mustapha Adib.

Le chef de l’État libanais, le Général Michel Aoun aurait alors écarté les deux premiers, Mohammed Hout par exemple étant considéré comme étant trop proche du Courant du Futur, marquant sa préférence pour Mustafa Adib.

Le président de la république française aurait alors transmis ce choix à Saad Hariri et aux ex-anciens Premiers Ministres, Tamam Salam, Nagib Mikati et Fouad Saniora pour qu’ils puissent le coopter contrairement à Hassan Diab qui avait ainsi fait face à l’opposition d’une grande partie de la communauté politique sunnite.

Certaines sources indiquent également que face a la détérioration de la situation économique, l’aide de la communauté internationale reste toujours conditionnée à la mise en place de réformes économiques et financières. Ainsi, de nouvelles estimations font état du fait que le Liban nécessiterait plus de 65 milliards de dollars pour relancer son économie au taux de 4000 LL/USD, suite à la détérioration du taux de change de la monnaie locale face aux billets verts. Les précédentes estimations faisaient état d’un montant de 25 milliards de dollars au taux officiel de 1507.5 LL/USD en octobre 2019.

Le Liban sans alternative désormais face à la crise économique

Le Liban n’a donc plus d’autre choix aujourd’hui que de faire appel à l’aide internationale, étant étranglé financièrement par des décennies de vol et de détournements de fonds. Cependant, la classe politico-économique continue à tergiverser, souhaitant ainsi ne pas perdre ses sources illégales de revenus.

De même, certaines sources accusent la classe politique actuelle libanaise, déjà accusée de détournement de fonds localement déjà, d’avoir demandé une commission de 20 % portant sur l’aide attribué lors de la conférence CEDRE, cela, sans même procéder à la mise en place des réformes économiques nécessaires, amenant au blocage de l’aide internationale.

Selon le quotidien le Figaro, seraient notamment impliqués dans ces demandes l’ancien premier ministre Saad Hariri, le président actuel de la chambre Nabih Berri et l’ancien ministre des affaires étrangères et actuelles dirigeants du courant patriotique libre Gébran Bassil.

C’est ce genre d’obstacles auxquels le ministre des affaires étrangères Jean-Yves le Drian faisait allusion lorsqu’il a interpellait les Libanais avec sa phrase, “aidez-nous à vous aider”.

En effet, selon des sources proches de négociations, on fait part de la demande insistante de la part de la certains responsables politiques à obtenir des avantages d’ordres pécuniers. Soutenue par les manifestations d’octobre 2019 qui dénoncent alors une classe politique accusée d’être corrompue et d’avoir mené le Liban à la quasi-banqueroute financière, la communauté internationale souhaiterait des changements majeurs au niveau politique, avec l’inclusion de nouvelles figures, écartant les anciennes.

Cependant, certains dirigeants libanais seraient allés jusqu’à menacer d’une nouvelle guerre civile si on tentait de leur faire quitter le pouvoir, d’où les propos du président français: Une guerre civile si nous abandonnons le Liban. Précédemment déjà, des sources proches des négociateurs avaient estimé que ces mêmes dirigeants étaient capables de laisser « la population crever de faim » pour éviter de démanteler les systèmes de financements illégaux.

Aussi, la communauté internationale souhaiterait la constitution d’un gouvernement composé de spécialistes et de personnes compétentes et non d’hommes politiques, et cela en écartant à la fois Saad Hariri et Gébran Bassil, ce qu’elle décrit comme étant un gouvernement de mission.

Nabih Berri, principal obstacle au remplacement de l’establishment politique

Cependant, le principal souci semble être induit par Nabih Berri qui semble aujourd’hui être indéboulonnable.

Le président français déjà lors de son déplacement du 6 août à Beyrouth avait eu un aparté de huit minutes avec le président du bloc parlementaire du Hezbollah Mohammed Raad. Il avait appelé le mouvement chiite à se libaniser et donné un certain nombre de garanties notamment au niveau du Tribunal Spécial pour le Liban qui n’a pas accusé le Hezbollah comme parti d’être impliqué dans l’assassinat de l’ancien Premier Ministre Saad Hariri. Pour Emmanuel Macron, l’objectif est d’atteindre un nouveau contrat politique, ce qu’a évoqué le secrétaire général du Hezbollah Sayyed Hassan Nasrallah dans un de ces derniers discours, se déclarant être ouvert à des discussions à ce sujet.

De même, Emmanuel Macron a également contacté son homologue américain Donald Trump pour lui indiquer que les sanctions américaines concernant le Hezbollah ne font que renforcer le mouvement chiite et affaiblir ses opposants.

Jusqu’à présent, le président de la chambre Nabih Berri bénéficiait à la fois d’un soutien américain, en étant considéré comme étant la seule alternative chiite au Hezbollah, mais également d’un soutien du Hezbollah qui ainsi pouvait continuer à exister sur la scène politique chiite sans qu’elle ne soit totalement marginalisée.

La brusque montée des tensions entre les 2 mouvements chiites, notamment à Loubieh ce mois-ci officiellement en raison de banderoles posées à l’occasion de la l’Achoura, intervient dans ce contexte, comme s’il s’agissait pour chacun, tout en évitant l’ouverture d’un conflit direct, de faire une sorte d’étalage de ses forces et ainsi appeler ensuite au compromis au sein de la communauté chiite.

L’objectif d’une ouverture française avec le Hezbollah est de permettre d’écarter Nabih Berri en désolidarisant le Hezbollah. Ce dernier est en effet accusé d’être l’un des principaux obstacles à la mise en place des réformes économiques et notamment dans le secteur de l’énergie où il se serait fortement impliqué mais également il s’était opposé à l’audit du secteur financier et notamment des comptes de la Banque du Liban, institution qui est accusé d’avoir servi de véritable plate-forme financière dans les détournements de fonds publics, ce qui est à l’origine d’une grande partie de la crise économique que traverse actuellement le Pays des Cèdres.