Des sources proches du FMI ont dénoncé les atermoiements de la classe politique qui doit entériner différentes mesures nécessaires pour le déblocage des fonds d’aide au Liban.

Ainsi, elles notent que certains projets ont été vidés de leurs substances, notamment celles concernant l’instauration d’un contrôle formel des capitaux ou encore la levée du secret bancaire et la mise en place d’un mécanisme de libre-concurrence avec l’abolition des agences exclusives. D’autres ne sont toujours pas même sur la table, concernant la restructuration du secteur financier.

Ces sources notent que le renvoi par la Présidence de la République des textes liés à la levée du secret bancaire devrait amener à un réexamen rapide de ce texte et revenir à la version initiale du projet et non celui amendé par la commission parlementaire du budget et des finances.

Quant au budget 2022, comme celui des années précédentes, quand il a été adopté encore, il est jugé irréaliste et sans base et incohérent pour assurer des fonds suffisants au fonctionnement de l’état alors que les institutions libanaises menacent désormais de s’effondrer par défaut de financement.

Les sources proches du FMI estiment ainsi que le budget 2022 ne prend pas encore compte les besoins réels des institutions ni même les revenus disponibles, tout comme ceux qui ont été présentés depuis 1993, ce qui constitue une cause majeure des déficits budgétaires et de l’endettement public. Par ailleurs, l’institution pose désormais la question des années durant lesquelles le Liban a pu fonctionner sans budget, c’est-à-dire entre 2005 et 2019, durant lesquelles, la dette publique est passée de 38,5 milliards de dollars à 92 milliards de dollars. Des éclaircissements devraient être ainsi fournis concernant cette période via un audit juricomptable du ministère des finances. Cette procédure pourrait cependant être difficile à faire adopter en raison d’un véto probable du mouvement Amal qui détient le portefeuille des finances depuis 2014 et des autres partis politiques qui le détenaient précédemment, notent ces mêmes sources.

Depuis 2003, 27 milliards de dollars auraient ainsi disparu sans qu’on puisse savoir comment ils ont été dépensés, tout comme 90% des donations faites au Liban entre 1997 et 2002.

Autre déconvenue pour le FMI, l’absence d’un taux de change unifié dans le cadre du budget 2022. Un taux de change de 20 000 LL/USD pourrait être utilisé pour les recettes, un second de 12 000 LL/USD pour le dollar douanier alors qu’un troisième taux de 1 500 LL/USD, soit le taux officiel, serait toujours utilisé pour les salaires des fonctionnaires. Ces derniers pourraient alors enclencher un mouvement social de grande ampleur aboutissant à la paralysie des institutions libanaises.

Sur le plan du chiffrage lui même des recettes et des dépenses, la question de l’évasion fiscale ou encore de l’impact des grèves potentielles n’est pas pris en compte posant la question de la réalité du budget, sachant notamment que les mouvements de grèves durant l’année écoulée n’ont pas pu permettre à l’état de réaliser les chiffres pourtant inclus dans le budget 2022.

Pire, les différentiels entre taux de change pourraient amener soit à une nouvelle détérioration de la parité de la livre libanaise face au dollar, soit à la hausse des déficits publics.

Si le déficit public est estimé à à 853 millions de dollars américains au taux du marché noir et à 1 663 milliard de dollars américains au taux de change, il est fort probable que les rédacteurs de celui-ci l’aient établi en dollar pour ensuite le convertir en livre libanaise. Cependant, il est hors de question pour le FMI de financer ce déficit alors que les discussions avec celui-ci restent pour l’heure suspendues d’où un appel à la Banque du Liban, ce qui augmentera la masse monétaire d’autant et par conséquence confirme le projet de dégradation supplémentaire de la parité de la livre libanaise face au dollar dans les marchés parallèles.

Par ailleurs, aucun plan concernant les fonds des déposants n’a été encore présenté officiellement. Le projet de budget semble ainsi être financé indirectement par le peu de fonds qui sont encore disponibles en devises étrangères auprès de la Banque du Liban, des fonds en réalité appartenant aux déposants si le FMI ne verse pas les sommes nécessaires comme précédemment noté.

L’unification des taux de change, y compris ceux sur le marché, nécessite cependant la mise en place d’un texte relatif à l’instauration d’un contrôle officiel des capitaux, nécessaire pour arrêter les transferts illégaux de devises, qui atteignent actuellement environ 6 milliards de dollars par an, soit la moitié du volume des importations. Cette unification des taux de changes devrait également s’accompagner d’une réforme du secret bancaire.

Par ailleurs, justement au niveau de la collecte des taxes, la levée du secret bancaire constitue une condition préalable aux réformes qui devront être mises en place sur le plan fiscal.

Aucun plan concernant la mise en place de possibles partenariats avec le secteur privé n’a été abordé aussi tout comme les estimations concernant le taux de croissance sont trop optimistes voire irréalistes.

Le FMI note que si ces mesures ne sont pas immédiatement adoptées, les conditions économiques, financières et sociales pourraient rapidement encore se dégrader, alors que la crise actuelle que traverse le pays des cèdres est déjà considéré comme l’une des pires depuis la moitié du XIXème siècle selon les auteurs d’un rapport de la Banque du Liban.

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