Les silos à blé du port de Beyrouth, très endommagés suite à l’explosion du 4 août 2020 et que certains voulaient conserver comme mémorial aux victimes de celle-ci se sont partiellement effondrés ce dimanche 31 juillet dans l’après-midi. Le reste de la structure devrait également s’effondrer dans les prochaines heures. Depuis plusieurs jours déjà, les gaz induits par la fermentation des céréales toujours présentes sur les lieux avaient provoqué un incendie que La Défense civile ou encore les hélicoptères de l’Armée Libanaise n’ont pas réussi à éteindre en raison déjà des risques d’effondrement de la structure. Cet incendie s’était ensuite propagé à d’autres types de matériaux et brulait depuis plus de 3 semaines.

Ce jeudi 28 juillet, les autorités libanaises avaient indiqué que la structure nord penchait de 2.8 mm par heure contre 2 mm par jour précédemment, amenant à de larges inquiétudes parmi la population déjà sensibles suite au décès de plus de 230 personnes lors du drame du 4 août. Plus de 6000 personnes avaient également été blessées alors que l’enquête judiciaire menée par le juge Tarek Bitar reste au point mort, ce dernier souhaitant interroger plusieurs anciens ministres dont celui des finances, Ali Hassan Khalil, bras-droit du président de la chambre Nabih Berri et qui se retranche sous son immunité parlementaire.

Pour rappel, les autorités appellent la population à se protéger des poussières induits par l’effondrement de la structure qui pourraient toucher un périmètre de 1.5 kilomètres autour. Ainsi il convient de fermer les portes et fenêtres pendant 24 heures jusqu’à la totale dissipation des poussières. La zone qui pourrait être la plus exposée aux poussières comprend les quartiers de Quarantina, Geitaoui, Mar Mitr, Gemayzé et du Centre-Ville. À l’extérieur, le port d’un masque filtrant (norme FFP2/KN95/N95) et le fait de se mettre à l’abri des poussières dans un lieu clos pendant les deux premières heures, puis de rejoindre une zone non atteinte par le nuage de poussière est recommandé, tout comme le fait de remonter les vitres et de régler la climatisation ou la ventilation du véhicule en mode recyclage de l’air lors des déplacements en voiture.

La structure avait ainsi protégé une partie de la ville en amortissant l’explosion qui équivalait à plus de 600 tonnes de TNT, l’une des plus puissantes explosions conventionnelles au Monde.

Les silos à blé du port de Beyrouth avaient été construits entre 1968 et 1970 par l’entreprise tchécoslovaque Průmstav et un financement partiel par le fonds de développement koweïtien avec un prêt à hauteur de près d’un million de livres sterling à 4% de taux d’intérêt. Le gouvernement libanais contribuera par ailleurs avec la somme de 2.2 millions de livres sterling. 

Les travaux de construction des silos seront inaugurés par le Président Charles Hélou et l’Emir du Koweït d’alors, Sabah al Salim Sabah., le 16 septembre 1968. 

Ils pouvaient contenir jusqu’à 120 000 tonnes de céréales dont 50 000 tonnes de blé. Au moment de l’explosion, les stocks étaient réduits à 17 000 tonnes de blé. Youssef Beidas, palestinien et fondateur de la Banque Intra était à l’origine de cette initiative. L’établissement financier fera faillite quelques temps après. 

Il s’agissait alors de mettre en place un centre de distribution régional de céréales au Liban qui servirait également à desservir les pays alentours. Le blé était alors principalement importé d’Australie ou encore des Etats-Unis. 

Largement endommagés par l’explosion de plus de 2730 tonnes de nitrate d’ammonium le 4 août 2020, seules quelques cellules restaient debout jusqu’au 31 juillet 2022, date à laquelle ces dernières ont commencé par s’effondrer.

L’explosion du port de Beyrouth

La piste d’une explosion accidentelle, le 4 août 2020, de 2750 tonnes de nitrate d’ammonium à l’intérieur d’un entrepôt du port de Beyrouth, saisies en 2014 à bord d’un navire poubelle, le Rhosus battant pavillon moldave, est pour le moment privilégiée par les autorités libanaises. Cette explosion équivaudrait à celle de 600 tonnes de TNT ou encore à un tremblement de terre de 3.3 sur l’échelle de Richter.
Elle aurait ainsi causé un cratère de 110 mètres de long sur 43 mètres de profondeur, indique, le dimanche 9 août, une source sécuritaire citant les propos d’experts français présents sur place.

La présence de ces produits aurait ainsi pu entretenir le feu et lui permettre d’atteindre les températures permettant l’explosion du nitrate d’ammonium, soulignent certains experts.

L’enquête sur les responsables impliqués dans l’explosion

Pour l’heure, 33 personnes seraient actuellement mises en examen. Parmi eux, le directeur du port de Beyrouth, Hassan Koraytem, ainsi que le directeur des services de la douane libanaise Badri Daher, tous 2 mis en examen par le juge d’instruction Fadi Sawwan, en charge de l’enquête.

Au total, plusieurs responsables sécuritaires et du port de Beyrouth ont ainsi été arrêtés.

Certaines sources soulignent que les différents partis politiques libanais s’étaient partagés les revenus du port de Beyrouth , rendant difficile actuellement de connaitre les responsabilités de chacun dans cette explosion.

Plusieurs partis politiques, de la majorité comme de l’opposition, souhaiteraient également conclure de manière rapide l’enquête étant impliqués dans différents trafics qui ont lieu depuis ou vers le port de Beyrouth. Ils souhaiteraient ainsi éviter à ce qu’on puisse découvrir le degré d’implication de chacun et des violations sécuritaires nécessaires à la poursuite de ses trafics. 

Aussi, des responsables sécuritaires avaient prévenu les autorités politiques à plusieurs reprises au cours des dernières années, les autorités judiciaires n’ont pas décidé de la mise en oeuvre des mesures de transfert nécessaires de la cargaison.

Certaines sources proches du dossier soulignent également la responsabilité de plusieurs administrations dans le port de Beyrouth, d’autant que de hauts responsables étaient informés du danger posé par le stockage de manière inadéquate de 2750 tonnes de nitrate d’ammonium depuis 2014.

Si le rapport du FBI n’a pas pu conclure sur l’origine de l’explosion et évoque une piste à priori accidentelle sur base des informations fournies par les autorités libanaises, le Liban reste dans l’attente des résultats des enquêtes parallèles menées par la France et la Grande Bretagne.

Le 10 décembre, le juge Fadi Sawwan met en examen le premier ministre sortant Hassan Diab, l’ancien ministre des finances Ali Hassan Khalil et les anciens ministres des transport Ghazi Zeiter, tous 2 membres du bloc parlementaire du mouvement Amal et Youssef Finianos.

Les 2 anciens ministres Ali Hassan Khalil et Ghazi Zoeitar, par ailleurs proches du président de la chambre Nabih Berri, avaient alors refusé de se rendre auprès du juge, estimant jouir d’une immunité parlementaire. Cependant, cette immunité a fait l’objet d’une controverse, le barreau de Beyrouth jugeant qu’elle ne peut s’appliquer dans le cadre de cette affaire

Ces derniers obtiennent alors le renvoi du juge en février 2021, la cour de cassation, saisie par 2 anciens ministres, l’ancien ministre des finances Ali Hassan Khalil et l’ancien ministre des transports Ghazi Zoaiter, ayant décidé que le magistrat avait motivé sa décision alors que son domicile est situé dans le quartier d’Ashrafieh également endommagé par l’explosion. Il était donc partie prenante dans cette affaire.

Le juge Tarek Bitar a alors été nommé dès le 19 février. Son nom ayant déjà été proposé en août dernier dans le cadre de la même procédure. Il avait cependant à l’époque refusé de devenir le juge d’investigation dans le dossier du drame du 4 août dernier, au prétexte d’une charge de travail importante.

Début juin, le nouveau juge a indiqué que 3 hypothèses ont été examinées après que les experts français aient révélé le contenu d’un rapport préliminaire, celle d’une erreur humaine suite à un travail de soudage qui a déclenché un incendie, d’un incendie intentionnel ou encore une explosion suite au tir d’une roquette. 

Selon le juge, l’une de ces hypothèses serait écartée à plus de 80% suite à la réception du rapport des experts français qui est finalement parvenu au Liban. 

Restent donc 2 hypothèses qui font actuellement l’objet d’études approfondies. Certaines sources indiquent qu’il s’agirait des hypothèses d’un incendie volontaire ou accidentel.

Début juillet, le juge Tarek Bitar demande la levée de l’immunité parlementaire d’un certain nombre de responsables dont l’ancien ministre des finances, Ali Hassan Khalil et de l’ancien ministre des travaux public, Ghazi Zeaiter, 2 proches du président de la chambre des députés Nabih Berri ainsi que de l’ancien ministres de l’intérieur Nouhad Machnouk, tous soupçonnés d’avoir été mis au courant de la présence de substances dangereuses. Il a également demandé la permission d’interroger un certain nombre d’anciens responsables et de responsables actuels des services de sécurité dont le directeur de la sureté générale, le général Abbas Ibrahim ou encore de l’ancien commandant de l’armée libanaise, le général Jean Kahwaji.

Ce vendredi 9 juillet, le bureau du parlement et la commission parlementaire de l’administration et de la justice auraient reporté la décision concernant la levée de l’immunité des parlementaires visés, demandant plus d’information à ce sujet.

Le même jour, le ministre de l’intérieur Mohammed Fahmi a refusé de permettre l’interrogatoire du général Abbas Ibrahim amenant le juge Tarek Bitar à déposer un recours devant la cour de cassation.

Des le 11 octobre 2021, le juge Tarek Bitar publie un mandat d’arrêt à l’encontre d’Ali Hassan Khalil après que celui-ci ne se soit pas produit devant lui. Ce mandat d’arrêt mènera à des manifestations devant le palais de justice, le 14 octobre 2021, et aux fameux incidents de Tayyouneh, les pires incidents à caractère sectaire depuis la fin de la guerre civile entre chrétiens et chiites. Le mouvement Amal et le Hezbollah, coorganisateur de la manifestation, accuseront alors des snipers des Forces Libanaises d’avoir fait feu sur eux.

Depuis, le dossier est actuellement gelé suite aux recours présentés par eux.

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