Standard & Poor’s toujours inquiète pour l’économie libanaise

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Standard & Poor’s a publié ce mercredi, un nouveau rapport, indiquant que la Banque du Liban (BDL) ne dispose de réserves monétaires suffisantes que pour une seule année pour financer à la fois les emprunts publics et le déficit extérieur du pays. L’agence de notation appelle donc les autorités à réduire le déficit public afin de débloquer les fonds promis lors de la conférence CEDRE. Cependant, l’institution estime également les objectifs du gouvernement intenables, augmentant le risque de dévaluation de la Livre Libanaise.

Cette information intervient alors qu’un rapport de l’Institut de la Finance Internationale estime que le Liban sera en récession en 2019.

Selon Standard & Poor’s,

Nous pensons que les flux de dépôts des clients, en particulier des non-résidents, risquent de continuer à diminuer, entraînant un retrait plus rapide des réserves de change, qui mettrait à l’épreuve la capacité du pays à maintenir l’ancrage de la devise sur le dollar américain. Une poursuite de ces tendances au cours des six prochains mois pourrait entraîner une rétrogradation de la note des obligations libanaises dans la catégorie de notation «CCC»

En raison de ces risques, alors que les notes des obligations libanaises demeurent sous surveillance négative depuis le début de l’année pour Standard & Poor’s et que ses 2 principales concurrentes, Fitch, au mois de juillet, et Moody’s, dès le mois de janvier, ont déjà abaissées celles-ci, l’institution indique qu’elle pourrait en faire de même d’ici 6 mois.

Lien externe

Le rapport de Standard & Poor’s: Credit FAQ: Does Lebanon Have Sufficient Foreign Currency Reserves? (en anglais, achat obligatoire)

Une dégradation des notes des obligations libanaises pourrait signifier une augmentation du coût des emprunts pour l’état, mettant à mal son programme d’émissions d’obligations à taux réduits.

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Pour rappel, la Banque du Liban a toutefois augmenté ses réserves monétaires de 1.4 milliards de dollars. Cette augmentation serait motivée par un afflux de dépôts du secteur privé non-résident, directement auprès de la BDL, et non dus à la souscription aux obligations libanaises ou des dépôts de l’état. Cependant, l’objectif de la BDL de faire rapatrier une partie des 9 milliards de dollars de fonds appartenant à des banques et de leurs clients libanais suite à la dégradation de la situation économique locale reste loin d’être atteint.

Ce programme risque cependant également à se heurter aux risques de dégradations des notes des bonds du trésor, principal outil pour les attirer, au risque de dévaluation ou de restructuration de la dette publique, qui atteint plus de 150% du PIB. Les autres indicateurs économiques sont également toujours en berne.

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Alors que les réserves monétaires brutes atteignent 38.7 milliards de dollars, S&D estime que seuls 25.5 milliards de dollars sont disponibles. Ces réserves pourraient encore décroitre, atteignant 19.2 milliards de dollars d’ici la fin de l’année, mettant le maintien de la parité entre Livre Libanaise et Dollars sous pression et augmentant les risques de dévaluation de la devise locale.

Notre calcul des réserves de change brutes inclut l’or, mais exclut les euro-obligations libanaises figurant au bilan de la Banque du Liban, la Banque centrale. Le gouvernement a directement émis des euro-obligations à BDL – dont 1,75 milliard de dollars en novembre 2017 et 5,5 milliards de dollars en mai 2018, et échangé des bons du Trésor en monnaie locale sur les comptes de BDL pour l’équivalent en dollars américains.
(…)
En cas de dévaluation de la monnaie ou la fin du maintien de la parité avec le dollar, nous estimons que le niveau de la dette et les besoins en matière de service de la dette du Liban augmenteraient considérablement, ce qui augmenterait considérablement le risque de défaut de paiement.
Une dévaluation entraînerait également d’autres coûts économiques et sociaux. L’objectif principal de BDL est de maintenir le rattachement de la devise au dollar américain, mis en place depuis 1997.
Le Liban doit faire face à des pressions pour maintenir des réserves de change suffisantes pour préserver la confiance dans la monnaie si les envois de fonds, des dépôts des non-résidents et l’investissement direct ne s’améliorent pas.

Standard & Poor’s appelle par conséquent les autorités libanaises à accélérer la mise en place des réformes économiques, via notamment l’adoption du budget 2020 afin de réduire le déficit budgétaire, ce pour soutenir le cash inflow des dépôts non-résidents et la confiance des investisseurs étrangers et permettre de débloquer les fonds promis lors de la conférence CEDRE de mai 2018.

Cependant, Standard & Poor’s estime impossible pour les autorités de respecter leurs engagements à réduire le déficit budgétaire à moins de 7.6% comme promis en 2019.

Même si nous ne prévoyons pas que le gouvernement atteindra son objectif de déficit budgétaire de 7,6% du PIB, une réduction significative du déficit par rapport à 11% l’année précédente pourrait inciter certains donateurs à débourser les fonds promis par le CEDRE.

S&D note la détermination des autorités à appliquer certains volets de réforme, notamment dans l’amélioration de la fourniture d’électricité et la réduction des déficits de l’Électricité du Liban (EDL).

Cela inclut une réduction significative des pertes techniques et la réussite des appels d’offres de nouvelles centrales dans les prochains mois. Si le gouvernement ne met pas en œuvre des réformes substantielles ou si les tensions géopolitiques s’aggravent, la diminution des réserves de change du Liban pourrait s’accélérer et la capacité du pays à rembourser ses passifs financiers pourrait se détériorer davantage.

Des réformes qui risquent cependant d’aggraver encore la situation

Parmi les mesures que les autorités libanaises ont adopté lors d’un sommet économique en début de semaine, le passage de la TVA de 11% à 15% pour certains produits de luxe, l’augmentation des taxes sur les profits bancaires qui passent de 10% à 11%, l’imposition d’une taxe supplémentaire de 500 LL sur les cigarettes de production locale et de 1 000 LL sur les cigarettes produites à l’étranger, la mise en place d’un taxe modulable selon les hausses ou les baisses du prix de l’essence ou encore le blocage des salaires au sein de la fonction publique pour les 3 prochaines années.

Les autorités libanaises, tout en déclarant un état d’urgence économique, ont mis en place un conseil d’Urgence Économique, et ont refusé tout flottement de la Livre Libanaise alors que le gouverneur de la Banque du Liban avait reconnu que la devise locale était surévaluée. Parmi les mesures sensées relancées la croissance, la mise en place de projets infrastructuraux pour la somme de 3 milliards de dollars via un partenariat Public Privé et l’application du programme de réforme du secteur de production électrique tout en diminuant les subventions dont bénéficie l’EDL à hauteur d’un milliards de dollars sur les 2 milliards de dollars annuels.

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