De source médiatique, on annonce que les déclaration du vice-premier ministre Saadeh al Chami, en charge des négociations avec le Fonds Monétaire International, en réponse au député Melhem Khalaf qui l’accusait de vouloir faire annuler une partie des sommes déposées dans les banques libanaises augurent de l’échec d’un accord avec le FMI. Ce dernier avait mis en garde contre “la manipulation et les manoeuvres” menées actuellement sur le front législatif et qui dénaturent les mesures demandées par l’institution internationale, allusion notamment aux textes dernièrement examinés par la chambre concernant la mise en place d’un contrôle formel des capitaux, la poursuite des personnes coupables de crimes financiers dont l’envergure a été limitée au seuls détournements de fonds ou encore ceux liés aux agences exclusives avec un seuil de monopole à 35% du marché au lieu de 15%, seuil considéré comme référence pour tous les autres pays.

Des sources proches du vice-premier ministre mettent en cause différents facteurs dans ce possible échec, notamment au niveau de la Banque du Liban mais aussi des cercles politiques qui n’admettent pas le rôle joué par eux dans l’élaboration de cette crise en dépit des différents rapports, notamment du FMI ou encore de la Banque Mondiale montrant une large part de responsabilité dans la dilapidation de l’épargne de la population. Face à ces responsabilités, ces sources accusent ces derniers de retarder la mise en place de toute solution en dépit de leurs existance et qui s’imposent d’elles-mêmes comme le recours au FMI ou le comme le wipe out d’une grande partie de l’actionnariat actuel des banques privées.

Ces partis parient sur le possible déblocage de l’aide internationale sans réalisation des conditions nécessaires qui amèneraient à l’élimination des réseaux d’influence politiques et financiers qui ont mené à la crise et dont dont ils ont bénéficié de nombreuses années comme le schéma de fraude Ponzi désormais ouvertement évoqué tant par la France qui assure le suivi de la situation au Liban que par les instances internationales dont le FMI et la Banque Mondiale.

Focus

Figure sur le banc des accusés, le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salameh lui-même, qui continue à démentir son implication dans la crise avec les opérations d’ingénieries financières qu’il a mises en place en 2016. Il avait dans un premier temps démenti toute crise financière, évoquant à peine des problèmes logistiques comme à l’origine des pénuries de devises étrangères en 2019 et ira même jusqu’à accuser les déposants d’en être à l’origine. Celui-ci continue aussi à accuser l’état d’avoir décidé d’un défaut de paiement en mars 2020 alors que l’état était déjà en défaut de paiement dès mai 2019.

L’autorité de tutelle sur les institutions financières est mise en cause notamment alors que les devises étrangères ont disparu dès mai 2019 amenant à la fermeture des banques puis à l’instauration d’un contrôle informel des capitaux en novembre 2019. C’est alors que les déposants libanais ont découvert l’ampleur des pertes de leur épargne. Ces sources rappellent que la détérioration de la livre libanaise face au dollar a débuté durant l’été 2019, soit bien avant l’officialisation de la faillite de l’état durant l’année 2020.

Ce déni s’est poursuivi durant le mandat du gouvernement Mikati III avec comme fer de lance, son conseiller Nicolas Nahhas qui a lutté contre le plan Lazard, tentant ainsi de déresponsabiliser les banques libanaises de la crise. Pourtant, celles-ci sont coupables d’avoir mal géré les fonds qui leur étaient confiés et de ne pas avoir suffisamment diversifier leurs investissements, allant jusqu’à investir 70% des dépôts en dette publique, les exposant au risque pourtant évident d’un point de vue souverain.

Cette responsabilité est aussi partagée par le spectre politique et notamment le Courant du Futur, les Forces Libanaises, le PSP, le mouvement Amal avec une responsabilité majeure pour le président de la chambre Nabih Berri, le Hezbollah et le Courant Patriotique Libre par l’intermédiaire de la commission parlementaire des finances et du budget et son président Ibrahim Kanaan qui est allé jusqu’à démentir l’ampleur des pertes en 2020 en tentant volontairement de les sous-estimer par l’utilisation de la parité officielle au lieu de la parité réelle de la livre libanaise face au dollar. Cela a entraîné une chute supplémentaire de la monnaie nationale face au billet vert au lieu de la limiter en prolongeant des discussions jugées pourtant inutiles et l’obtention d’un taux de change à 3 640 LL/USD qui signifiait tout de même la faillite des banques mais la sauvegarde de l’essentiel des dépôts via les mécanismes de garantie.

En dépit de la détérioration des conditions sociales et économiques, la communauté internationale tient bon face aux partis politiques et bancaires

Alors que les conditions sociales et économiques se dégradent faute d’un accord avec le FMI, la communauté internationale tient bon et conditionne toujours son aide à la mise en place de réformes jugées indispensables afin de pérenniser le système économique libanais volontairement détruit par cette mauvaise gérance, d’autant plus que le dossier libanais n’est plus jugé prioritaire, suite à la pandémie du COVID et son impact économique mais aussi à la hausse généralisée des prix induits par la crise en Ukraine.

Si les hausses des prix des matières premières impactent et détériorent de manière plus importante le taux de change de la livre libanaise et par conséquent le pouvoir d’achat, il est jugé inacceptable pour les pays occidentaux de verser une aide économique au Liban qui sera détournée par l’establishment politique et financier et par conséquent, ne bénéficiera pas à la population elle-même. Cela est vrai pour les pays occidentaux mais également pour les pays arabes, le Liban étant vu comme un puit sans fond.

Il s’agit donc de mettre en place des réformes politiques, économiques et financières jusqu’à présent refusées par l’establishment politique et financier que cela soit au niveau du parlement, ou encore de la Banque du Liban et des banques privées.

Ces conditions consistent en l’approbation du budget, l’abrogation du secret bancaire, l’instauration d’un contrôle formel des capitaux et une restructuration du secteur financier et plus particulièrement bancaire sans évoquer les conséquences juridiques pour les responsables actuels et passés.

Les pertes du secteur bancaire augmentent à rythme exponentiel et pourtant … rien n’est fait

Cela est d’autant plus nécessaire que les pertes du secteur financier continuent à s’accélérer à un rythme effréné. Si celles-ci étaient estimées de 10 à 15 milliards de dollars selon la BdL, à plus de 20 milliards de dollar selon les estimations du comité des finances et du budget en 2020 avec de nombreux oublis volontaires, cette commission parlementaire reconnaitrait qu’elles dépasseraient officiellement désormais plus de 75 milliards de dollars. Des agences de notation étrangères, de leur côté, les estimeraient à plus de 100 milliards de dollars, alors que l’épargne publique ne dépasserait pas 111 milliards de dollars fin 2021.

Ils tenteraient de faire assumer à l’état et donc à la population toute entière ces pertes, notamment évoquant la vente de l’or de la Banque du Liban ou encore celle des biens publics via la mise en place d’un fonds souverain au lieu d’en assumer les conséquences. Ces sources mettent en cause tous les partis politiques désignés par le parti des banques, y compris les Forces Libanaises et une partie du Courant Patriotique Libre, avec pour objectif de garder le système actuel dans son intégralité au lieu de détricoter celui-ci, ses actes ayant abouti à cette situation.

Ils ont ainsi bénéficié de la manne des subventions mises en place en 2019, transféré illégalement d’importantes sommes à l’étranger en dépit d’un contrôle informel des capitaux ou encore bénéficié d’un taux de change officiel mais désormais fictif. Parallèlement, ces partis fortement imbriqués dans le système financier, offrent une protection juridique sur le plan local aux dirigeants des banques, leurs complices même si à l’étranger des procédures judiciaires visent désormais ces établissements, leurs dirigeants et même le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, considéré comme l’architecte de ce système. Riad Salamé est en effet accusé dans différents pays européens, de détournements de fonds et de blanchiment d’argent.

Ils compteraient également en la mise à disposition en leur faveur des potentielles ressources en hydrocarbure ou encore des fonds de la diaspora libanaise et chercheraient à conserver le pouvoir qu’ils détiennent depuis la fin de la guerre civile, notamment en agitant le spectre d’un nouveau conflit fratricide.

Si la stratégie adoptée par eux jusqu’à présent a été de temporiser avec pour objectif d’éviter les conséquences des réformes exigées, le montant des pertes des banques pourrait éclater au grand jour ces prochains mois. Celles-ci ne disposeraient plus que de 2 milliards de dollars pour maintenir l’illusion d’un système où les dépôts sont toujours présents de manière comptable alors que la situation est en réalité tout autre.

Dans cette optique, des observateurs notent que la Banque du Liban n’a d’autre choix de réduire les subventions dont bénéficiaient jusque là les importations des carburants et d’autres produits essentiels pour acheter une paix sociale. Par ailleurs, le recours à la planche à billet pourrait encore se généraliser et ainsi réduire les pertes officielles de la Banque du Liban en déclarant d’importants profits fiduciaires à taux de change officiel, une pratique déjà à l’origine de la détérioration de la parité de la livre libanaise. Elle pourrait cependant augurer du pire pour la population et amener à une détérioration accrue de la situation sociale et économique avec des risques à la stabilité sur le plan sécuritaire en cas de non-conclusion d’un accord définitif avec le FMI.

Certains tentent aussi de faire porter la responsabilité politique de la situation au gouvernement Diab qui avait officialiser l’état de défaut de paiement ou encore au mandat actuel du président de la république, le général Michel Aoun. Ces derniers oublient que la crise avait commencé bien avant le mandat du gouvernement Diab et bien avant le mandat du président de la république qui s’achève en octobre 2022. Si une responsabilité partielle leur revient effectivement, une chose qu’on pourrait leur être reproché étant lié à leur incapacité à avoir pu faire face aux intérêts divergents des partis politiques et des banques par rapport à ceux de la population, le gouvernement Diab par exemple a eu l’honnêteté de reconnaitre l’ampleur des pertes du secteur financier et de déclarer un état de défaut qui a portant eu lieu avant son arrivée aux affaires avec le remboursement de 2 émissions d’Eurobonds arrivés à maturité en mai et novembre 2019 par la Banque du Liban et non le ministère des finances.

Les premiers éléments de la crise sont en effet liés à une politique d’endettement qui a débuté dans les années 1990. Celle-ci aurait pu se produire plus tôt, dans la moitié des années 2000 mais a été retardée par l’aide accordée dans le cadre des conférences d’aides Paris I, II et III en l’échange de promesses concernant des réformes jamais mises en oeuvre.

C’est justement par rapport à ce manque de réalisation de ces promesses que la communauté internationale n’accordera pas d’aide au Liban tant que celles-ci ne seront pas préalablement appliquées, un des points justement essentiels pour comprendre le possible échec d’un accord avec le FMI.

C’est ainsi que lors de la conférence CEDRE qu’un comité de suivi avait été justement mis en place par la France et son président Emmanuel Macron qui y avait personnellement veillé au grand damn du premier ministre de l’époque Saad Hariri, du président de la chambre Nabih Berri et du gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé qui refusaient par exemple l’audit des comptes de la Banque du Liban. Côté Présidence, si le principe de ces réformes était accepté, les banques locales ont activé leurs relais au sein de la commission parlementaire des finances et du budget, via son président Ibrahim Kanaan, membre du CPL.

Parmi les partis politiques qui ont profité du clientélisme mis en place au sein des administrations publiques, que cela soit le Hezbollah, le mouvement Amal ou encore le Courant du Futur par des nominations d’ordre communautaires et non sur base des compétences intrinsèques des personnes, ces réformes sont jugées essentiellement comme menaçant leur influence sur l’état et les intérêts qui sont les leurs alors que la crise financière continue à enfoncer la population dans une paupérisation accrue.

Une dollarisation qui s’impose d’elle-même et qui expose les libanais à une détérioration supplémentaire de la situation économique

Face à la détérioration des conditions économiques à venir, la dollarisation y compris celle des finances publiques pourrait s’imposer d’elle-même avec l’application d’un taux de change des marchés parallèles et non de la plateforme Sayrafa. C’est ainsi que certains services publiques comme ceux des télécommunication ou encore l’industrie touristique aurait été autorisés à appliquer le taux de change Sayrafa et non le taux de change officiel, avec pour objectif toujours de gagner du temps.

Si les cercles proches du premier ministre envisagent d’instaurer un taux de change de 12 000 LL/USD, celui-ci pourrait au contraire ne bénéficier qu’aux importateurs ou aux établissements bancaires pour en retarder les conséquences jusqu’à ce que s’impose à nouveau la parité des marchés parallèles avec comme impact significatif, l’officialisation de la faillite des banques et cette fois-ci l’impossibilité de conserver la majeure partie des fonds déposés qui devront donc passer à perte pour la majorité de la population et profit pour quelques personnes.

Face à ce risque d’officialisation de la faillite des banques, l’association des Banques du Liban pourrait recourir à la fermeture des établissements sous le prétexte des poursuites judiciaires qui visent à juste titre leurs dirigeants ou encore via l’association des employés de banque au prétexte des menaces qui visent ces derniers alors que les déposants réclament leurs fonds, rappelant par exemple la prise d’otage de la Federal Bank à Hamra par un épargnant qui réclamait simplement le versement de la somme nécessaire pour assurer les frais hospitaliers de son père.

Pour le vice-président du conseil Saadeh Chami, l’unification des taux de change est désormais nécessaire avec pour objectif de limiter le coût des importations, principal facteur de sorti des devises du Liban.

Cependant, la dollarisation de l’économie libanaise, au niveau des salaires notamment ou des dépenses des secteurs publics et privés amènerait à une détérioration accrue du pouvoir d’achat de l’essentiel de la population, faute d’une compétitivité retrouvée ou encore de production de valeur rajoutée, seule apte à ramener des devises étrangères au pays, faute de l’aide du FMI et de la communauté internationale.

Autre contentieux, la restructuration des banques libanaises

Alors que 43% des actions des banques libanaises appartiennent à des personnalités exposées politiquement dont 10% à la famille Hariri elle-même ou encore le fait que le premier ministre Najib Mikati détient une participation majeure au sein d’une des principales banques locales, celles-ci réagissent et refusent tout wipe-out même partiel des actionnaires existants refusant aussi la responsabilité qui est la leur dans l’élaboration de cette crise financière et souhaitant en faire porter les conséquences sur l’état et les déposants.

Ainsi, les banques elles-même devront prétendre si elles sont solvables ou non, alors que les observateurs notent que même les agences de notations internationales considèrent depuis novembre 2019, les banques en état de défaut sélectif, synonyme justement de faillite.

Celles-ci nécessitent cependant, selon le FMI, une recapitalisation totale en vue d’assurer simplement la sauvegarde des comptes de moins de 100 000 USD.

Au niveau du secteur bancaire, certains dirigeants estiment que la liratification des dépôts en devises étrangères, soit 83% des comptes serait nécessaire afin de réduire les pertes, rappelant que 70 milliards de dollars ont été déposées auprès de la Banque du Liban et oubliant qu’il s’agit de sommes gérées par eux et donc de pertes dont ils sont responsables. Le taux de change utilisé pour cette dollarisation pourrait amener à des pertes importantes – jusqu’à hauteur de 92% des sommes, en cas d’utilisation de la parité officielle, une mesure jugée impossible à appliquer actuellement. Au lieu de cela, un taux de change de 3 900 LL/USD avait été décidé par la Banque du Liban via ses circulaires dans un premier temps puis de 8 000 LL/USD dans un deuxième temps. Cependant, un taux de 12 000 LL/USD serait envisagé par les autorités monétaires et le ministre des finances avec une procédure de liratification qui devrait s’achever avant le flottement de la livre. Cette mesure pourrait cependant s’accompagner d’une importante dégradation de la parité de la livre libanaise dans les marchés parallèles.

La vaine promesse pour les déposants de récupérer leurs fonds dans les circonstances actuelles

Dans les circonstances actuelles, le simple fait pour les déposants de récupérer leurs fonds semble être une promesse bien vaine alors que les pertes du secteur financier continuent à s’accroitre à un rythme exponentiel, y compris pour les comptes d’un solde de moins de 100 000 USD. Le plan du premier ministre pourrait déboucher à un remboursement sur plus de 50 à 70 ans “si tout va bien” donc autant dire jamais, en ponctionnant les revenus des ressources pétrolières et gazières potentielles mais toujours non confirmées par des forages.

L’absence de mise à disposition de ces dépôts – conséquence de la crise financière – signifie également le prolongement de la crise économique, faute de pouvoir relancer l’activité économique du Liban sans aide internationale et du FMI notamment, conditionnées aux réformes exigées.

Certains à l’étranger vont jusqu’à même évoquer un scénario de Total Loss des dépôts en cas de poursuite des blocages sur le plan local, puisque les banques libanaises seront dans l’impossibilité d’honorer leurs engagements y compris auprès des banques correspondantes, amenant à des pénuries y compris de marchandises essentielles, faute de devises étrangères. Les hommes politiques et les actionnaires des banques emporteront ainsi dans leur chute tout un pays au lieu d’en assumer la responsabilité en acceptant notamment via le wipe-out total de leur actionnariat et la mise en place d’un nouveau type de gérance edu système financier avec de nouveaux acteurs et une confiance retrouvée. Pour la majorité de la population, il est désormais en effet hors de question d’accorder une confiance aux personnes ayant amené le Liban à la ruine.

Le blocage est donc de la responsabilité non seulement des banques mais aussi des partis politiques et de l’imbrication des intérêts communs entre les 2 au détriment de l’intérêt de la population et qui retardent des mesures nécessaires quitte à menacer l’existence même du Liban.

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