Devant le centre électoral de Douma, Nord Liban. Crédit photo: Libnanews.com
Devant le centre électoral de Douma, Nord Liban. Crédit photo: Libnanews.com

Quelle que soit la prochaine loi adoptée pour les prochaines élections législatives au Liban, il est temps de réaliser qu’après toutes ces tourmentes traversées durant presqu’un siècle, il serait opportun de se pencher en priorité sur la question de l’identité nationale au Liban et la meilleure manière de la définir et de l’inculquer à travers les manuels scolaires et le système d’éducation. En effet le système politique n’est fonctionnel que s’il reflète une réalité culturelle intériorisée et pleinement assumée.

Toute entité doit définir dynamiquement son identité et se retrouver dans un livre d’Histoire commun et puis se traduire fidèlement, dans le système politique qui constitue un instrument, pour articuler et gérer, de manière adéquate et continue, la vie politique quotidienne. Il va falloir donc se rendre à l’évidence, qu’au –delà des différents compromis politiques et des différentes lois électorales successives, les Libanais doivent se retrouver autour d’une identité nationale commune. Tout en prenant en considération, les différences culturelles religieuses structurantes, ils disposent d’un socle de valeurs communes qu’ils partagent et auxquelles ils accordent la priorité.

La question du pluralisme culturel se pose aujourd’hui à toutes les sociétés modernes au sein de la mondialisation. C’est une question de choix préalable et de cohérence. Plus on renforce les identités communautaires partielles, plus on affaiblit la communauté nationale. Si le but est de consolider nos identités communautaires, il est clair que l’identité nationale s’en retrouvera rétrécie. Et cela est valable pour toutes sortes de communautés culturelles, qu’elles soient linguistiques, raciales, religieuses ou de mœurs.

Le pluralisme culturel n’est un bienfait que s’il est considéré comme une valeur ajoutée que tous les membres d’une même société ont en partage. S’il s’agit uniquement de définir des quotas politiques au service des différents chefs communautaires, le système politique deviendra petit à petit, fédéral voire fragmentaire et ne pourra plus opérer, à travers des institutions unifiées. En prenant conscience que la religion est un des éléments structurants de l’identité (paramètres d’Hérodote : religion, langue, race et mœurs) le Liban devrait également insister sur les éléments que les Libanais ont en partage (la langue et les mœurs notamment les libertés publiques) pour qu’ils puissent se retrouver autour d’un projet commun. Si les chefs communautaires établissent un monopole sur leur communauté, le Liban se transformera de démocratie en oligarchie, à défaut de devenir une dictature patriarcale (à l’instar des autres pays arabes).

Certes le nationalisme exacerbé n’est pas souhaitable mais le communautarisme (autrement dit le nationalisme au niveau de la communauté) risque de créer, un clivage voire une discrimination. Les premiers décrets pris par le nouveau président Trump (contre l’Obamacare et l’avortement (mœurs), la révision des traités de libre échange, l’immigration clandestine mexicaine (ethnico-linguistique), l’interdiction provisoire d’entrée aux Etats-Unis pour 7 pays musulmans (religion)et d’autres mesures discriminatoires à suivre) visent certes à consolider une identité nationale interne américaine (America first) mais peuvent couper les Etats-Unis du reste du monde.

C’est finalement cela l’enjeu ultime : pouvoir équilibrer entre la cohésion interne pour empêcher la guerre civile et maintenir le rapport avec le monde extérieur pour garder des liens tout en se préservant. Mais il faudrait empêcher les politiciens d’instrumentaliser les arguments culturels à des fins politiques idéologiques car la distance est vite franchie entre la préservation et le rejet de l’autre entre la légitime défense et l’agressivité sélective et injustifiée.

Comment concilier ces deux tendances contradictoires, celle de cultiver la différence et celle de préserver la cohésion globale. Comment aménager un espace de dialogue sans dériver vers le désordre et l’anarchie ?

Le cadre de l’identité est un cadre de compromis mais à partir d’options anthropologiques définies et constantes, depuis le début de l’humanité. Au-delà de la loi électorale au Liban, le nouveau mandat présidentiel devrait réunir une commission nationale, pour travailler concrètement sur la question identitaire, à partir de paramètres structurants déjà définis. On n’a nul besoin de les inventer. Il s’agit juste de les évaluer objectivement, pour pouvoir établir un projet durable de vie culturelle et politique, dans un monde de plus en plus interpénétré et interdépendant, où les frontières tendent à s’estomper.

Bahjat Rizk
Avocat à la cour, écrivain libanais, professeur universitaire, attaché culturel à la délégation du Liban auprès de l’UNESCO (depuis 1990) a représenté le Liban à de multiples conférences de l’UNESCO (décennie mondiale du développement culturel-patrimoine mondial

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