Ordinateur, jeux vidéos, smartphone… les enfants visionnent des écrans très tôt.
Todd Hiestand/Flickr, CC BY-NC

Jocelyn Lachance, Université de Pau et des pays de l’Adour

Lorsqu’un attentat survient, des journalistes s’interrogent au sujet de l’attitude à tenir auprès des enfants : comment leur parler de cette horreur ? Que faire lorsque des adolescents regardent et diffusent des images violentes, montrant des explosions, des cadavres, des témoins en larmes ?

S’il le désire, chaque adulte peut participer à un travail de sensibilisation, à la condition essentielle de reconnaître que les choses ont bien changé au cours des dernières années.

Les images terroristes ne sont plus les mêmes…

Les plus âgés se souviendront des attentats des Jeux olympiques (JO) de Munich, en 1972. Pour la première fois de l’histoire, les médias furent explicitement instrumentalisés par des terroristes.

Car les membres de Septembre noir ne massacrèrent pas seulement la délégation israélienne : ils montèrent délibérément sur la scène médiatique que leur offrirent les JO et annoncèrent ainsi l’alliance à venir entre terrorisme et médias.

À l’époque, la nouvelle de l’attentat meurtrier se répandit à l’échelle planétaire, mais il suffit de revoir les premières images de ces évènements tragiques pour comprendre que les choses ont bien changé entre 1972 et aujourd’hui. À cette date, les images n’étaient encore qu’un support du récit journalistique. On imagine aussi que des familles entières se regroupaient devant le journal télévisé du soir et discutaient de l’horrible tragédie.

En 2015, des milliers d’adolescents ont assisté, souvent seuls devant leur smartphone, à l’assassinat d’Ahmeb Merabet dans une rue de Paris.

À l’heure où les jeunes possèdent individuellement plusieurs écrans, la parole d’un adulte ne s’impose plus toujours lors de la réception de photo et de vidéo, y compris des images terroristes. Du coup, confrontés à la terreur, de plus en plus d’enfants et d’adolescents cherchent par eux-mêmes à conjurer les émotions ressenties lors de ces visionnages.

Chercher du sens, trouver de l’information

Lorsque nous sommes confrontés à une photo ou à une vidéo témoignant d’un attentat, des émotions surgissent et entraînent des questionnements : où et quand cela s’est-il produit ? Qui sont ces personnes ? Pourquoi se sont-ils attaqués à ces gens ? À cet endroit ? À ce moment ?

En d’autres termes, nous créons des liens entre ces images terrorisantes et le monde qui nous entoure. Ceci est rassurant. Ces liens peuvent être construits de différentes manières, selon nos expériences et nos connaissances.

Nous ne sommes donc pas égaux en ce domaine. Alors que certains d’entre nous inscriront ces images de terreur dans un contexte géopolitique qu’ils maîtrisent, d’autres se replieront sur diverses sources d’informations pour situer l’événement : les discours tenus par des membres de la famille ou des amis, les commentaires journalistiques, le contenu des sites Internet (des médias officiels, ou des apôtres de la théorie du complot), etc.

Nos enfants grandissent dans ce contexte où l’acte de s’informer s’individualise. Dès le plus jeune âge, ils apprennent désormais à trouver sur le net de l’information dont ils ont besoin. De nombreux enfants savent (parfois à la grande surprise de leurs parents) accéder à des tutoriels en ligne pour apprendre à bricoler ou à jouer à des jeux vidéo.

Cette manière de s’informer, en trouvant et en testant des sources d’information qui nous plaisent, est devenue banale. Nul n’en niera les avantages. Mais, au même moment, s’informer devient de plus en plus souvent un acte solitaire. La validité de la source n’est plus toujours confirmée par une personne extérieure.

Pour les plus jeunes, cette validité se passe parfois de l’avis d’un adulte responsable, elle repose de plus en plus souvent sur la satisfaction personnelle de celui ou de celle qui déniche l’information qu’il attendait. D’où le risque de se complaire dans la compilation d’informations, même si celles-ci sont erronées.

La prévention par les sept droits du lecteur d’image

Il ne faut plus seulement s’en tenir à des actions ponctuelles d’éducation à l’image, mais créer une nouvelle culture de l’image. Certes, il n’existe guère de solution miracle pour préparer les plus jeunes au monde d’aujourd’hui et de demain. Mais nous pouvons sensibiliser nos enfants aux enjeux qui se dissimulent lorsque l’on regarde, diffuse et produit des images.

Les sept droits du lecteur d’image (librement inspirés des dix droits du lecteur de Daniel Pennac) se présentent alors comme des prétextes à l’échange et à la discussion avec les plus jeunes. Il s’agit ici de faire connaître ces droits aux plus jeunes, afin de parler avec eux des devoirs, et donc des responsabilités qui leur sont rattachées.

Cette approche laisse aussi une marge de manœuvre aux principaux acteurs impliqués auprès des jeunes (qu’ils soient parents, enseignants ou éducateurs), afin qu’ils puissent personnaliser leurs actions dans leur contexte éducatif respectif. Chacun peut ainsi participer à l’avènement d’une nouvelle culture de l’image :

  • Le droit d’être éduqué à l’image ;
  • Le droit de produire des images ;
  • Le droit de connaître l’histoire des images (la grande et la petite) ;
  • Le droit d’interpréter les images ;
  • Le droit de ne pas diffuser les images ;
  • Le droit de regarder n’importe quoi (selon son âge) ;
  • Le droit de ne pas regarder les images.

Jocelyn Lachance, est notamment l’auteur de l’ouvrage “Les images terroristes” (érès, 2017). Il est chercheur postdoctoral à l’Université de Strasbourg et chargé d’enseignement à, Université de Pau et des pays de l’Adour

This article was originally published on The Conversation. Read the original article.

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