Je suis un soldat libanais et je respecte les droits de l’Homme

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Cher compatriote,

Je suis un militaire libanais. Je n’ai pas le droit à la parole, mais je compte sur les plumes des citoyens qui sont conscients des sacrifices que je fais par amour pour ma patrie, au nom de ma devise pour laquelle je me suis enrôlée : Honneur, Sacrifice et Loyauté.

Je suis un soldat libanais et je respecte les droits de l’Homme. N’oublie pas que je t’ai défendu corps et âmes depuis le début de la guerre civile en Syrie, et que jusque-là, mes services de renseignements contribuent effectivement à paralyser les cellules terroristes, sans le crier sur tous les toits, parce qu’il y va de mon devoir.

N’oublie pas que j’ai été à plusieurs reprises victime de perfidie, et que des terroristes m’ont assassiné durant mon sommeil, de Deniyé (2000) à Nahr el Bared (2007) sans compter les tristes épisodes de Abra, Tripoli, Behnin, Ersal, et la liste est bien trop longue… et que ces mêmes mains assassines, au lieu de pourrir dans une cellule à Roumié, se promènent en toute liberté, en toute impunité, et menacent ta vie avant la mienne.

Rappelle-toi que l’Honneur qui m’a été inculqué au sein de mon institution, m’a obligé à évacuer les femmes et les enfants de Chaker El Absi et de tous ceux qui m’ont tué en 2007, en assurant leur sécurité, parce que ce sont des civils non armés (soi-disant). Rappelle-toi aussi que j’ai toujours respecté ton droit à la liberté d’expression, à un tel point, que j’ai même assuré la sûreté d’une manifestation de Ahmad el Assir à la Place des Martyrs, alors qu’il appelait à des principes contre tout patriotisme et contre l’entité du Liban, parce que je respecte la Constitution libanaise – et pas lui. Quant à ce qui s’est passé devant le parlement il y a quelques semaines, entre-nous, ne sais-tu pas que les hommes assurant la garde de cet endroit ne reçoivent pas leurs ordres de ma direction ?

N’oublie pas non plus que je suis toujours prêt à répondre présent pour te protéger, toi et ta famille, contre toute agression, et que je suis prêt volontairement à payer mon sang et ma vie pour toi, sans distinction de classe sociale, de religion ou de races. Tu es Libanais, et cela me suffit pour donner ma vie pour toi.

Partant de ce fait, tes réactions envers l’épisode de Ersal il y a quelques jours sont démesurées, et j’oserais dire ingrates envers tous mes sacrifices que je continuerais à faire, sans faire fi des mauvaises langues. Si des terroristes dont l’appartenance aux réseaux terroristes pour qui le seul but est de semer la mort partout ont été mis à terre et maltraités, il ne faut pas oublier que ces mêmes personnes ont tué la crème de la crème des militaires libanais, les ont torturés, ont défiguré leurs dépouilles, et ton Etat qui sait bien où se trouvent ces assassins n’ose pas les arrêter pour diverses raisons.

Rappelle-toi aussi que ces mêmes vermines, dont tu défends le droit à mort, ne pensent qu’à ta mort et à la mienne.

Défendre les droits de l’Homme de ceux qui ne croient même pas à notre appartenance à l’Humanité et qui sont prêts à se tuer eux-mêmes pour faire le plus grand nombre de victimes parmi nous est-il une affaire logique et humaine ? N’ai-je pas le droit de les arrêter, de les séquestrer et d’interdire leur droit à cette liberté destructive ?

Pourquoi aujourd’hui, fais-tu ces réactions, alors que tu n’as toujours pas réagi parce que cela fait trois ans que le sort de 9 soldats enlevés reste inconnu ? N’ont-ils pas le droit à la liberté ? Leurs familles n’ont-elles pas droit à savoir où ils sont ? Lorsque le corps du capitaine Zahraman a été profané ou que les soldats Ali Bazzal ou Mohamed Hammiyé ont été injustement exécuté par ces mêmes terroristes, ou que le lieutenant Nadim Semaan a été tué par ces mêmes groupuscules parce que notre Etat n’est pas à même d’acheter de nouveaux casques de protection pour ses soldats, pourquoi n’as-tu pas aussi violemment réagi ?

Mon cher compatriote,

Nos réactions sont sélectives et programmées, à l’image de notre mémoire. Les mouvements de masse au Liban, au lendemain du 14 mars 2005, seule et unique manifestation spontanée, sont des rassemblements de chiens de Pavlov qui répondent présents lorsque la cloche du parti a sonné, sans se rendre compte que le fil qui déclenche cette sonnerie est tenu par un des chefs de file esclave chez une des principales puissances internationales, pour qui rien ne compte à part ses intérêts personnels, foulant le Liban et le bien commun sous ses pieds.

Il est utile de rappeler que le Liban n’est pas seulement l’un des signataires de la Charte des droits de l’Homme, mais également un des pays qui a soigneusement apporté sa contribution à sa rédaction. Mais qu’avons-nous fait depuis ? Sommes-nous un de ces exceptionnels eldorados où les droits primaires de l’Homme sont assidûment observés ?

Vivons-nous dans un pays où tous les Hommes naissent libres et égaux ? A-t-on tous nos droits à l’éducation lorsque l’Etat délaisse ses institutions publiques et privilégie les institutions privées où les frais de scolarité coûtent les yeux de la tête ? Jouissons-nous de notre droit de la sûreté de notre personne lorsque le port d’armes est permis illégalement et que nous courons tous le risque d’être tués par un voyou ou par une balle perdue ? Ne sommes-nous pas esclaves d’une dizaine de familles richissimes qui tiennent les rênes du pouvoir économique, politique et financier gardant le pays dans une corruption inadmissible et détournant les lois selon leurs intérêts ? Quel est l’état de nos prisons ? Où est la liberté de plaidoyer pour des causes et demander des comptes si nous n’avons même pas le droit de réclamer la vérité sur le dossier des 17000 libanais disparus durant la guerre ?

Basta ! Réveille-toi, commence par te rendre compte de l’immense atteinte aux droits de l’Homme en commençant par l’état déplorable dans lequel toi et ta famille tu vis, et au lieu de m’en vouloir, mets-toi à mes côtés, pour que main dans la main, nous puissions un jour, aboutir à un pays où il ferait bon vivre, parce que j’aurais fait mon devoir et que personne ne m’en aurait empêché, pour le bien de chaque citoyen, et pour que le Liban Vive !

Marie Josée Rizkallah
Marie-Josée Rizkallah est une artiste libanaise originaire de Deir-el-Qamar. Versée dans le domaine de l’écriture depuis l’enfance, elle est l’auteur de trois recueils de poèmes et possède des écrits dans plusieurs ouvrages collectifs ainsi que dans la presse nationale et internationale. Écrivain bénévole sur le média citoyen Libnanews depuis 2006, dont elle est également cofondatrice, profondément engagée dans la sauvegarde du patrimoine libanais et dans la promotion de l'identité et de l’héritage culturel du Liban, elle a fondé l'association I.C.H.T.A.R. (Identité.Culture.Histoire.Traditions.Arts.Racines) pour le Patrimoine Libanais dont elle est actuellement présidente. Elle défend également des causes nationales qui lui touchent au cœur, loin des équations politiques étriquées. Marie-Josée est également artiste peintre et iconographe de profession, et donne des cours et des conférences sur l'Histoire et la Théologie de l'Icône ainsi que l'Expression artistique. Pour plus de détails, visitez son site: mariejoseerizkallah.com son blog: mjliban.wordpress.com et la page FB d'ICHTAR : https://www.facebook.com/I.C.H.T.A.R.lb/

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