Toufic Khawam, un libanais handicapé de 87ans, désespéré, se suicide par immolation

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Toufic Khawam, 2015. 87 ans, handicapé, vivant sans domicile fixe sous le pont de Basta. Mort brûlé après s’être aspergé d’essence.

Toufic Khawam, 1975. Ancien matelassier-cardeur possédant un magasin dans les anciens souks du centre-ville de Beyrouth. La guerre civile éclate, il perd son magasin, et comme tous les Libanais, il est happé dans le tourbillon des conflits qui ont pris des années avant de se calmer. Il habitait à Basta, ancien locataire dans une maison de laquelle il a été expulsé ainsi que son frère contre une indemnisation, avec laquelle il a tenté tant bien que mal de vivre, jusqu’à il y a quatre ans de cela, lorsque la rue est devenue son foyer.

Khawwam ne bénéficiait ni de la CNSS ni d’une assurance santé, et arrivait à peine à se procurer son pain quotidien, bien que la loi 220/200 stipule le droit aux handicapé à bénéficier entre autres d’une couverture sociale. Mais Khawam n’en profitait pas ; désespéré, il décide alors de mettre fin à sa vie.. Il a donné le peu qu’il possédait aux enfants de la rue afin qu’ils s’achètent quelques friandises, et a demandé à un garçon de lui acheter avec ce qui restait une bouteille d’essence.

Il voulait mettre fin à sa vie au centre-ville, parmi les manifestants, et a demandé à un jeune de l’y emmener : ce dernier refuse, pensant que ceci serait dangereux pour lui – sans savoir ce que ce vieil homme comptait faire. Alors Toufic Khawam s’asperge d’essence et s’immole par le feu.

Le triste acte commis par Khawam, ne semble pas avoir suscité d’importantes réactions au sein de la société libanaise, à part un sit-in ce samedi par une association pour le droit des handicapés en hommage à cet homme. Alors qu’en Tunisie, un tel acte commis par Bou Azizi avait déclenché la révolution du Jasmin. Cependant, au moins, c’est une leçon de plus pour comprendre l’état catastrophique dans lequel nous vivons hypnotisés depuis des décennies, à cause des leaders et du système mafieux, empêchant le citoyen libanais d’avoir accès aux simples droits dont jouit n’importe quel citoyen du monde.

Marie Josée Rizkallah
Marie-Josée Rizkallah est une artiste libanaise originaire de Deir-el-Qamar. Versée dans le domaine de l’écriture depuis l’enfance, elle est l’auteur de trois recueils de poèmes et possède des écrits dans plusieurs ouvrages collectifs ainsi que dans la presse nationale et internationale. Écrivain bénévole sur le média citoyen Libnanews depuis 2006, dont elle est également cofondatrice, profondément engagée dans la sauvegarde du patrimoine libanais et dans la promotion de l'identité et de l’héritage culturel du Liban, elle a fondé l'association I.C.H.T.A.R. (Identité.Culture.Histoire.Traditions.Arts.Racines) pour le Patrimoine Libanais dont elle est actuellement présidente. Elle défend également des causes nationales qui lui touchent au cœur, loin des équations politiques étriquées. Marie-Josée est également artiste peintre et iconographe de profession, et donne des cours et des conférences sur l'Histoire et la Théologie de l'Icône ainsi que l'Expression artistique. Pour plus de détails, visitez son site: mariejoseerizkallah.com son blog: mjliban.wordpress.com et la page FB d'ICHTAR : https://www.facebook.com/I.C.H.T.A.R.lb/

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