Wikileaks a commencé la publication des 250 000 documents ou plutôt courriers diplomatiques concernant les télécommunications des ambassades US dans le Monde comme on le sait déjà. 243 de ces documents sont désormais accessible sur le site en question. 2046 concernent le Liban, dont 3 classés secrets, 1688 confidentiels et 388 non classés. 1 seul est accessible pour le moment en ce qui concerne l’Ambassade US au Liban.

Outre les détails plutôt croustillants de l’infirmière ukrainienne de Mouamar Kadhafi, et les « descriptifs » peu flatteurs de Berlusconi, Angela Merkel, ou Nicolas Sarkozy, je me suis plutôt intéressé sur le Moyen Orient et plus spécialement sur le Liban. Comme on peut s’en douter, les documents les plus intéressants sont issus des représentations américaines en Israël, en Syrie et concernent plus l’Iran que le Liban en lui-même. La raison en est simple, il existe en fait 2 réseaux informatiques diplomatiques américain, un peu un peu sécurisé, comme celui auquel Wikileaks a eu accès et un deuxième auquel le site n’a pas eu accès – du moins pour le moment-.

Sur les documents en question, on peut estimer qu’ils ne seront pas sans répercussion sur la politique et surtout les cadres des représentations américaines dans le Monde, il va y avoir vraisemblablement de grands « changements » dans le staff diplomatique américain. Je vois mal par exemple un ambassadeur « qui a dit beaucoup de bien » sur tel ou tel dirigeant pouvoir conserver son poste.

On en apprend peu en fait, on passe « d’une rumeur » à une confirmation en fait de la vision américaine de la région, il ne s’agit plus d’une vision américaine le plupart du temps mais d’une vision israélienne d’ailleurs.

Premier document dont je parlerais ce soir: il s’agit de la réunion entre le président yéménite et le représentant US, il s’agissait d’avions américains qui ont bombardé le Yémen et non d’avions yéménites comme le prétendaient les autorités locales. Le deuxième enseignement est la peur des pays du Golfe face à l’Iran et leur intérêt convergent avec Israël, le roi d’Arabie Saoudite ayant appelé à des opérations militaires contre Téhéran. Cela ne va pas -s’en nul doute- faciliter les choses entre les 2 pays notamment sur les plans libanais et irakiens, sans parler du problème posé par les minorités chiites présentes dans les autres pays du Golfe.

La France, elle aussi, se veut plus royaliste que le roi, et décrit l’Iran comme un pays fasciste, notamment lors de rencontres bilatérales entre représentants israéliens et français.  Elle a donc changé sa position en faveur d’un règlement pacifique de la question du nucléaire iranien, qui était en faveur d’un nucléaire civil, vers une version plus « forte ». Elle a donc perdu sa capacité de médiation dans l’affaire et sa vision de politique équilibrée.

Sur le plan libanais: les demandes israéliennes aux USA à ne pas soutenir l’Armée Libanaise, y compris lors des moments les plus durs pour la coalition du 14 Mars, au cours des années 2006 et 2007. Il y a d’ailleurs une conversation israélo-américaine de 2007 ou le Liban était reservi sur un plateau à la Syrie si Damas désarmait le Hezbollah et s’il arrêtait de soutenir le Hamas. Cela devrait constituer un « choc » pour le 14 Mars au Liban, transformé en mouton de Panurge à la politique israélienne. Ces propos contredisent un peu celles d’un responsable du renseignement israélien qui déclare que l’Armée Libanaise est pragmatique dans son alliance avec le Hezbollah, donc armer l’armée libanaise pourra désarmer le Hezbollah. Ce dernier a également indiqué que l’armée israélienne sera de toute façon obligée de combattre et l’armée libanaise et le Hezbollah lors du prochain conflit.

A la question de savoir si les dernières élections législatives ont été gagnées par le 14 Mars, le représentant américain Shapiro a quelque peu nuancé, parlant de la peur du Hezbollah parmi les chrétiens, et de l’argent saoudien. Il a également indiqué que le Hezbollah restera le premier parti en terme d’influence au Liban.

Autre enseignement: alors que la Syrie souhaite la Paix avec Israël (on y reviendra), une dépêche du 26 février 2009 indique que Netanyahou n’y croit tout simplement pas. La même dépêche aborde le sujet du nucléaire iranien et indique que « tous les moyens sont moins importants que les résultats ». Netanyahou favorise toutefois une approche d’un blocus économique tout en agitant une menace d’une opération militaire face à Téhéran. Ces propos sont un peu paradoxal face à ceux d’Ehud Barak qui jugeait nécessaire une opération militaire avant la fin 2010 contre les installations nucléaires iraniennes. Cependant, les stratèges militaires israéliens estiment une telle opération comme étant trop complexes, la localisation des sites nucléaires iraniens étant inconnu dans un certain nombre de cas. L’urgence de la situation du nucléaire est cependant amoindrie par les déclarations d’un ambassadeur russe qui, dans une dépêche du 28 janvier 2009, indique que Téhéran ne possèdera pas la bombe avant 10 ou 15 ans.

Sur l’Arabie Saoudite, convergence d’intérêt avec Israël dans le cadre du nucléaire iranien (dépêche du 22 juillet 2009)comme d’ailleurs les Émirats Arabes Unis, Oman est considéré plus problématique pour reprendre le terme utilisé et n e se joindra pas à une offensive militaire. La vision générale qui ressort de ces discussions est que les Pays Arabes, ou du moins leurs dirigeants « savent qu’ils peuvent compter sur Israël face à l’Iran ».

Deux bémols: Les bureaucrates saoudiens sont considérés comme pacifistes face à l’Iran, contrairement aux politiques et le Qatar joue la carte iranienne pour contrer l’Arabie Saoudite.

On aura donc compris que le descriptif de la situation prend une tournure d’une lutte entre sunnites -soutenus par les israéliens _ et chiites dans la région, par exemple Nour el Maliki est traité par le roi d’Arabie Saoudite d’agent iranien qui n’aurait réalisé aucune des promesses faites à Ryad.

La partie la plus intéressante pour le Liban concerne cependant la Syrie et les dépêches de Damas. Assad n’avait aucune confiance envers Bush mais essaye d’être positif vis-à-vis d’Obama, proposant notamment une coopération avec les USA, similaire à celle entamée avec la Turquie, pour le contrôle de la frontière syro-irakienne, afin d’empêcher des éléments islamistes de s’infiltrer vers l’Irak. Sur la question du nucléaire, il se déclare attaché à une coopération entre l’Iran et l’AIEA et indique que seul la Paix est le véritable moyen pour arrêter les mouvements comme le Hamas en Palestine ou le Hezbollah au Liban, mouvements considérés comme armes de représailles en cas de conflit entre Téhéran et Tel Aviv.

Pour Bachar el Assad, « le Hezbollah n’a pas spécifiquement l’intérêt d’agir en dehors de la sécurité des frontières libanaises et est le parti le plus puissant au Liban.(…) Parlons de la Paix et cela résoudra tout ». Cette dépêche datant d’avant les dernières élections législatives libanaises, indique encore que « les élections ne changeront rien au Liban, parce que tout parti obtiendra un droit de véto. S’il n’y a pas de consensus, il y aura une guerre civile et c’est ainsi que le Liban a toujours été ».

Il s’agit tout simplement là de la réalité de la situation actuelle et du statu-quo qui en découle.

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