Selon un article paru dans le National Geographic du mois de Juin 2011, la civilisation serait née par le rapport entre l’Humanité et la religion (bien entendue païenne à l’époque) et non, comme on le pensait auparavant, via la proximité avec des sources d’eau ou de nourriture. Cette affirmation est née de la découverte d’un site archéologique située à Göbekli Tepe dans la Turquie actuelle, tout juste à proximité de la frontière avec la Syrie. Ce site comprendrait un temple, l’un des premiers de l’Humanité, en date de 11 000 ans avant Jésus-Christ, avec des structures monolithiques de plus de 5 à 16 tonnes chacune en T avec des sculptures encastrées, représentants différents animaux dont l’ours, le flamant rose, le renard, le scorpion et le serpent.

L’article en question aborde également, carte à l’appui, la localisation des différents sites archéologiques les plus anciens de la région, en Turquie comme sus-mentionné, en Syrie avec Mureybet ou encore Abou Hureyra, mais également en Israël, Ain Mallaha, situé tout juste à proximité du Liban, de Wadi Hammeh, en Cisjordanie avec Jéricho, en Jordanie, avec Ain Ghazal, voir en Irak avec Nemrik. Seul Absent  dans la liste des pays ayant hébergé l’Humanité, le Liban avec l’étonnante et incompréhensible absence des temples d’Echmoun en date du 7ème millénaire et même de la plus connue Byblos, qui ne serait fondée officiellement vers le 5ème siècle avant Jésus-Christ, tout en étant habitée de manière moins interrompue depuis le 7ème millénaire, ce qui devrait également la faire rentrer dans la chronologie évoquée par le fameux magazine et dont les âges battent allègrement celui des pyramides d’Égypte, totalement absente d’ailleurs de cette liste.

Alors pourquoi une telle absence? Tout simplement, en raison du manque de volonté de la part des autorités gouvernementales libanaises à promotion réelle de la culture et qui dit culture veut également dire Histoire ou plutôt Préhistoire dans le cas qui nous concerne. Il est loin le temps où des Maurice Dunand, Pierre Montet, des archéologues de première catégorie, exerçaient ici, mettant le Liban sur la liste des pays essentiels pour comprendre l’évolution de nous autre hominidés vers le chemin de l’Humanité.

Selon le site de l’AFD,

“Berceau de civilisations millénaires, le Liban abrite des sites historiques remarquables dont certains classés au patrimoine mondial de l’humanité. Depuis la fin de la Guerre civile, la conservation du patrimoine n’est cependant pas la préoccupation principale des autorités.Les sites archéologiques sélectionnés sont situés au cœur de villes en expansion. Leur intégration à la ville moderne pose problème pour des municipalités au ressources déjà limitées.”

Et il s’agit du moins qu’on puisse dire. Selon des sources bien informées, suite au départ à la retraite de nombreux de ses fonctionnaires, il n’existerait plus que 3 archéologues titulaires à la DGA et non les 15 comme publié dans une dépêche d’une agence d’information internationale – les autres étant des intérimaires -, dont les efforts sont certes honorables, mais ne pouvant être employés dans l’urgence de certaines situations, car ne possédant guère les autorisations nécessaires pour – par exemple – arrêter un chantier, ou il s’agit plutôt de sauvegarder face au danger imminent allant de la construction d’un immeuble aux fouilles sauvages parfois menées et dévastant des quelques artefacts de première importance sans que leurs auteurs n’en comprennent l’intérêt. Une telle absurdité de la politique publique a été conduite, non pas par l’intérêt public justement, mais dans l’intérêt privé, de quelques personnes ayant de gros appétits immobiliers et dont les terrains se trouvent être sur des sites majeurs, acteurs comme Rafic Hariri – notamment à Beyrouth et plus particulièrement dans la zone Solidere -.

L’explication de ce désintérêt flagrant en surface des autorités libanais est très simple, puisqu’il s’agissait et il s’agit toujours d’ailleurs, d’un des seuls organismes pouvant mettre à mal de nombreux projets immobiliers en demandant le gel pour étude, études elles-mêmes financées par les propriétaires des terrains. Cette politique a été conduite au profit des intérêts personnels immédiats et au détriment de ce qu’on appelle aujourd’hui, le Développement Durable, qui sous-entend que le développement d’un pays et de son économie ne doivent pas se faire au détriment des générations futures et de  la responsabilité de l’État.

Notre Histoire est notre richesse, celle, non pas dont on hérite mais celle dont on est de simples gérants. Le Liban a consciencieusement détruit sa place au sein des pays de la région comme l’illustre malheureusement cette petite liste faite par National Geographic, n’ayant non seulement pas pu conserver les vestiges découverts mais également en ayant détruit les vestiges non encore étudiés. Qui se souviendra encore de la ville byzantine d’Ortosias, enterrée sous une chape de béton au profit de la reconstruction malheureuse du camp palestinien de Nahr Bared? Devons-nous hypothéquer nos richesses pour héberger des étrangers?

Baalbeck est construite sur les différentes strates des villes qui s’y sont succédées, certains évoquaient ainsi même, au début du 20ème siècle, la possibilité de déménager ses habitants afin de procéder aux fouilles qui se promettaient d’être riches, projet rapidement écarté en raison des difficultés posées dont l’hostilité compréhensible de ses résidents. Ortosias, elle, disposait de cette chance, il ne coutait rien à l’état de déménager sur un autre site, les réfugiés palestiniens dont les domiciles étaient pourtant déjà désertés et vides. Ortosias pouvait être un site majeur, une sorte de Pompéi à ciel ouvert offrant aux touristes, une vision de ce qui fut la Phénicie, puis la période hellénique, romaine et byzantine et contribuer ainsi à l’économie locale du Nord Liban qui ne disposait pas de ce genre de site.
Qui se souvient aujourd’hui du Trésors vendu aux enchères à Genève durant la guerre civile et dont seules quelques pièces ont été retrouvées? Qui se soucie aujourd’hui, des  artefacts vendus sous le manteau, qu’ils soient vrais ou faux d’ailleurs, ce secteur économique “illégal” maniant à la fois vente d’objets d’époque et faux d’aujourd’hui?

Le même article de National Geographic note que des villages Natufians (c’est à dire préhistorique, mésolithique préexistante entre – 12 000 et – 9 500 ans avant Jésus-Christ et inventeurs de la domestication notamment du chien et l’agriculture, qui avec l’écriture est une des plus grandes inventions de l’Humanité), comme les appelle l’auteur, se trouvent au Liban, dans les territoires palestiniens, en Jordanie et à l’Ouest du territoire syrien. Ces mêmes villages manquent dans la liste des “choses à voir” au Pays des Cèdres, on en a tout simplement pas connaissance, faute de les rechercher peut-être, faute aussi de laisser des pilleurs faire ce boulot. Étrange paradoxe parfois, les habitants, une fois mis au courant, détruisent eux-même ces sites par manque d’éducation, comme le relate une anecdote, celle d’un maire d’une localité de Qannoubine ayant dynamité des bas reliefs représentants des poissons de cette vallée sainte – l’un des premiers témoignages du Liban Chrétien – sous l’excuse assez ridicule d’avoir pensé que ces derniers pouvaient révéler un trésor. Faute d’éducation ne savait-il pas que le trésor justement, et bien, il l’a détruit. Haut lieu de la civilisation, ses habitants régressent, faute d’éducation, peut-on encore parler de civilisation dans un tel cas?

Certes, peut-être certains conviendront qu’en lieu et place de la culture, le Liban devrait connaitre un tout autre genre touristique, à l’exemple des pays du Golfe, incultes en réalité, profitant non pas de notre culture mais de celle des boites de nuit et autres supernights clubs aux mœurs plus légères. Nous arrivons actuellement aux limites de ce genre de placement de ce secteur d’activité. Au lieu de mettre en avant notre culture et non les charmes de notre gente féminine, à l’instar d’autres pays comme la Tunisie ou Israël même, notre tourisme se trouve limité par les importants prix à se rendre au Liban. Ce secteur d’activité représente jusqu’à 13.5 milliards de dollars, soit pratiquement un tiers du notre PIB, tout en n’employant que 9.5% de notre population active. Il s’agit donc d’un secteur que l’on peut diversifier avec le tourisme de la Culture et de l’Histoire, et encore si on s’en donne les moyens réels, nous possédons déjà les lieux, certains sont déjà connus d’autres méritent plus simplement de se faire connaitre.

La chance du Liban est d’avoir des vielles pierres et non du béton. L’autre chance est d’être un lieu de cohabitation première des civilisations anciennes et de le demeurer aujourd’hui alors que d’autres pays n’ont été que des déserts. Nous nous déshumanisons pour plaire à ces étrangers aujourd’hui. Un de mes professeurs d’économie nous disait que dans les années 50, il suffisait que les libanais mettent une cravate pour que le reste des pays arabes connaissent cet accessoire masculin. Rien de cela aujourd’hui puisque nous nous sommes détruits et nous achevons de détruire notre passé.

Francois el Bacha. Larabio.com

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