S&P Dow Jones Indices (S&P DJI), la division de l’agence de notation S&P Global qui conçoit des indices boursiers, a initié un exercice de consultation sur l’éventualité de retirer les actions libanaises de plusieurs de ses indices. Cette décision fait écho à la détérioration économique sans précédent que connaît le pays, qualifiée de la pire depuis des décennies.

S&P DJI a déjà pris des mesures pour “répondre aux problèmes continus d’accessibilité au marché au Liban causés par l’imposition de contrôles de capitaux”. Malgré une surveillance constante de la situation, peu de progrès ont été observés pour pallier les problèmes engendrés par ces contrôles depuis ces 4 dernières années

Dans un contexte de pénurie de devises étrangères et de préoccupations quant à la rapatriation des fonds, S&P DJI envisage désormais de retirer les entreprises domiciliées au Liban des S&P Pan Arab Indices. De plus, la proposition inclut la reclassification du Liban d’un marché frontière à un marché autonome, ce qui entraînerait le retrait de toutes les entreprises libanaises des S&P Frontier BMI et des sous-indices associés.

Le retrait des actions libanaises des indices de S&P Dow Jones Indices (S&P DJI) et la reclassification du Liban d’un marché frontière à un marché autonome aurait plusieurs répercussions, en particulier sur la capacité d’emprunt des entreprises et du gouvernement libanais, comme:

1. Accès réduit aux capitaux internationaux :

Le positionnement dans les indices mondiaux, comme ceux gérés par S&P DJI, facilite l’accès des entreprises et des gouvernements aux investisseurs internationaux. Le retrait des actions libanaises limiterait cette visibilité et réduirait potentiellement l’intérêt et l’investissement étranger dans les entités libanaises, rendant plus difficile l’obtention de financements extérieurs mais aussi nuire à leurs relations avec les banques correspondantes:

La reclassification du Liban et le retrait de ses actions des indices internationaux pourraient être interprétés par les banques correspondantes comme un signe de dégradation de la stabilité financière et de la crédibilité du pays. Cela pourrait entraîner une réduction de leur volonté à maintenir ou à établir des relations avec des banques libanaises, par crainte d’une exposition accrue au risque.

2. Augmentation du coût d’emprunt :

La reclassification du Liban en tant que marché autonome pourrait être perçue comme une dégradation de sa qualité de crédit, ce qui augmenterait le risque perçu par les investisseurs. En conséquence, les entreprises et le gouvernement pourraient se voir obligés d’offrir des taux d’intérêt plus élevés pour attirer des emprunts, augmentant ainsi le coût de leur dette.

Les banques correspondantes pourraient par exemple imposer des conditions plus strictes sur les transactions avec des banques libanaises, telles que des limites plus basses, des frais plus élevés ou des exigences de conformité supplémentaires. Ces restrictions pourraient entraver la capacité des banques libanaises à effectuer des opérations internationales, affectant ainsi les entreprises et les particuliers qui dépendent de ces services.

Face à un risque perçu plus élevé, les banques correspondantes pourraient augmenter les coûts des services fournis aux banques libanaises, y compris les commissions sur les transferts d’argent internationaux et les lettres de crédit. Ces coûts supplémentaires seraient probablement répercutés sur les clients des banques libanaises, augmentant le coût global des transactions internationales.

3. Impact sur les investissements directs étrangers (IDE) :

La visibilité dans les indices internationaux agit souvent comme un signal positif pour les investisseurs étrangers. Le retrait des entreprises libanaises de ces indices pourrait décourager les IDE, essentiels pour le financement de projets d’envergure et le développement économique du pays.

Les ajustements dans les classements des indices et les modifications des relations avec les banques correspondantes pourraient avoir un impact négatif sur la réputation du secteur bancaire libanais à l’international. Cela pourrait décourager les investissements étrangers non seulement dans le secteur bancaire mais dans l’économie libanaise dans son ensemble.

4. Contraintes sur le financement du déficit et la restructuration de la dette :

Pour un pays comme le Liban, déjà en proie à des défis économiques majeurs, la capacité à emprunter sur les marchés internationaux est cruciale pour financer son déficit budgétaire et restructurer sa dette existante. La décision de S&P DJI pourrait compliquer ces efforts, limitant les options disponibles pour le gouvernement libanais.

  • 5. Pression accrue sur le secteur bancaire local :

Avec une capacité réduite à attirer des investissements étrangers, les entreprises et le gouvernement pourraient se tourner davantage vers les banques locales pour leurs besoins de financement. Étant donné la situation actuelle du secteur bancaire libanais, cela pourrait exercer une pression supplémentaire sur un système déjà fragile.

Une confiance réduite des banques correspondantes pourrait rendre aussi plus difficile pour les banques libanaises l’accès aux devises étrangères nécessaires pour le commerce international et le remboursement de la dette en devises. Cela pourrait aggraver la pénurie de devises étrangères que connaît déjà le Liban, contribuant à la dévaluation continue de la livre libanaise et à l’inflation.

Une crise avant tout bancaire et financière

Le Liban traverse actuellement la crise économique la plus sévère depuis la fin de sa dernière guerre civile en 1990, avec une contraction de son économie de 25% l’année dernière, selon le Fonds Monétaire International (FMI). Malgré l’absence de contrôles de capitaux formels, les banques ont imposé des limites strictes sur les montants en dollars que les clients peuvent retirer, en raison d’une pénurie de dollars dans le pays.

Depuis le début de l’année dernière, la livre libanaise a perdu plus de 90% de sa valeur par rapport au dollar américain, entraînant une inflation galopante qui a atteint 158% en mars.

L’exercice de consultation de S&P DJI se poursuivra jusqu’au 14 mai, et le retrait des actions pourrait avoir lieu lors d’un prochain rééquilibrage de ses indices avant la réouverture des marchés le 21 juin.

Le retrait potentiel des actions domiciliées au Liban affecterait quatre entreprises : Bank Audi, Blom Bank et Byblos Bank, les plus grandes banques du pays, ainsi que deux classes d’actions cotées par le promoteur immobilier Solidere, la plus grande entreprise cotée à la Bourse de Beyrouth.

Cette situation met en lumière l’ampleur de la crise financière au Liban, où les restrictions bancaires et la chute vertigineuse de la monnaie nationale exacerbent les difficultés économiques, poussant des institutions financières internationales à revoir leur positionnement vis-à-vis du pays.

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