La normalisation de la crise n’est pas une voie pour la stabilisation (Banque Mondiale)

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Dans un nouveau rapport publié aujourd’hui, la Banque Mondiale met en cause la Banque du Liban. Ainsi la politique monétaire et la plateforme électronique de parité Sayrafa de la banque centrale est largement mise en cause, tout comme la dollarisation d’une grande partie de l’économie décidée par les responsables politiques, amenant à une aggravation des inégalités sociales.

Le communiqué de la Banque Mondiale

Derrière une façade de normalisation des conditions de crise, l’économie libanaise reste en déclin précipité, nettement éloignée d’une voie de stabilisation, et encore moins d’une voie de reprise, selon le dernier Moniteur économique de la Banque mondiale au Liban publié aujourd’hui. L’échec systémique du système bancaire libanais et l’effondrement de la monnaie ont induit une économie de trésorerie dollarisée omniprésente estimée à près de la moitié du PIB en 2022. Le statu quo de l’élaboration des politiques, caractérisé par des décisions fragmentaires et inadéquates de gestion de crise qui sapant un plan global et équitable, continue d’épuiser les capitaux de toutes sortes, y compris humains et sociaux, laissant la place à une profonde inégalité sociale avec seulement quelques gagnants et une grande majorité de perdants.

Le Lebanon Economic Monitor (LEM) Spring 2023 “La normalisation de la crise n’est pas une voie pour la stabilisation” fournit une mise à jour des récents développements économiques et évalue les perspectives et les risques économiques dans un contexte continu d’incertitude et d’impasse politique.

Le rythme du déclin économique du Liban a ralenti en 2022, bien que la tendance et la trajectoire globales soient restées fondamentalement inchangées. On estime que le PIB réel a diminué de 2,6 % en 2022, portant la contraction économique totale depuis 2018 à 39,9 % du PIB. Malgré une légère amélioration de l’activité du secteur privé, l’élargissement du déficit du compte courant – un long déséquilibre structurel – continue de peser sur les perspectives de croissance. En raison de la hausse des importations et de la baisse des exportations, le déficit du compte courant qui continue d’être financé, pour la plupart, par les réserves de change brutes utilisables de la banque centrale, est passé à 20,6 % du PIB (similaire aux niveaux d’avant la crise). La livre libanaise a continué de se déprécier fortement malgré les interventions de la banque centrale en matière de change pour tenter de stabiliser le taux de change du marché parallèle. La monnaie a perdu plus de 98 % de sa valeur d’avant la crise en février 2023 et les épisodes de dépréciation rapide se sont récemment intensifiés. L’inflation a atteint en moyenne 171,2 % en 2022, l’un des taux les plus élevés au monde, principalement en raison de la hausse des prix des aliments et des boissons non alcoolisées. Avec une hausse continue prévue, bien que modeste, de la consommation privée et un rétrécissement du compte courant, le LEM prévoit que le PIB réel se contracte de 0,5 % de plus en 2023.

Le LEM fait valoir qu’une décélération de la contraction de l’activité économique n’implique pas une stabilisation. Il constate que, dans tous les piliers économiques, les décisions ad hoc en matière de gestion de crise continuent de saper un plan de relance équitable et complet. À cet égard, la plate-forme Sayrafa, le principal outil monétaire de BdL pour stabiliser la livre libanaise, ne fait pas exception. Dans une analyse de la plate-forme, le LEM constate que la plate-forme Sayrafa reflète des outils monétaires défavorables qui ont conduit à des appréciations de courte durée du LBP au détriment de la diminution des réserves et d’un bilan BdL affaibli, en particulier en l’absence d’un nouveau taux de change et d’un nouveau cadre monétaire. La plate-forme s’est également transformée en un mécanisme pour générer des bénéfices d’arbitrage : l’accès aux dollars par cette fenêtre fournit des bénéfices immédiats et sans risque compte tenu de l’écart avec le taux du billet de banque, estimé à 2,5 milliards de dollars américains depuis son lancement.

Le LEM montre ce qu’un plan de réforme et de relance complet et équitable aurait impliqué et ce qu’il aurait pu réaliser. Il examine les décisions prises à la place sur plusieurs piliers : les politiques monétaires et de taux de change, les politiques de viabilité de la dette publique, les politiques de restructuration du secteur financier et les politiques budgétaires, tout en se concentrant sur les nombreux perdants et les quelques gagnants qui en découlent. La paralysie politique n’a pas entravé la mise en œuvre de décisions ad hoc en matière de gestion de crise au service d’une base d’élite étroite. Ces interventions fragmentaire transfèrent le fardeau de l’ajustement économique aux segments les plus vulnérables de la population.

« Tant que l’économie se contracte et que les conditions de crise persistent, que le niveau de vie est fixé pour une nouvelle érosion, la pauvreté continuera de monter en flèche », a déclaré Jean-Christophe Carret, directeur national de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient. « Les retards dans la mise en œuvre d’un plan de réforme et de redressement complet ne feront qu’aggraver les pertes de capital humain et social et rendre le redressement plus long et plus coûteux. »

La section Focus spécial du LEM : « Calibrer la taille de l’économie de trésorerie » examine la croissance de l’économie monétaire dollarisée et son impact sur les perspectives de reprise. Estimée à 9,9 milliards de dollars américains, soit 45,7 % du PIB en 2022, l’économie de trésorerie dollarisée reflète un changement rapide vers les transactions de trésorerie en devises fortes à la suite d’une perte totale de confiance dans un secteur bancaire déprécié et dans la monnaie nationale. L’économie de trésorerie est loin d’être un contributeur net à la croissance. Au contraire, il menace de compromettre l’efficacité de la politique budgétaire et monétaire, d’accroître le risque de blanchiment d’argent, d’accroître l’informalité et de provoquer une nouvelle évasion fiscale. En outre, la dépendance croissante à l’égard des transactions en espèces menace également d’inverser complètement les progrès réalisés par le Liban avant la crise en vue de renforcer son intégrité financière en instituant de solides mécanismes de lutte contre le blanchiment d’argent dans son secteur bancaire commercial.

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