Au cœur du Moyen-Orient, le Liban, avec sa réputation de place financière, cultive depuis des décennies le secret bancaire, pilier de son économie. Cet édifice, censé attirer capitaux et investisseurs, se trouve aujourd’hui sous les feux des projecteurs, révélant un entrelacs de pratiques douteuses et de scandales financiers qui ébranlent la confiance dans le secteur bancaire libanais.

Le secret bancaire, introduit au Liban dans les années 1950, a longtemps été comparé à celui de la Suisse, offrant anonymat et sécurité aux déposants. Cette discrétion absolue a fait de Beyrouth une oasis financière, attirant des fonds de toute la région. Toutefois, derrière le vernis de stabilité et de prospérité, se cachent des réalités moins reluisantes, illustrées par plusieurs affaires retentissantes.

L’adoption du secret bancaire au Liban dans les années 1950 visait plusieurs objectifs stratégiques et économiques, dans le contexte d’après-guerre et de la reconstruction du pays. Le secret bancaire libanais était inspiré du modèle suisse, connu pour attirer les capitaux étrangers grâce à la confidentialité et la sécurité qu’il offrait aux investisseurs et aux déposants. Voici quelques-unes des raisons principales et des conséquences de cette adoption :

Objectifs

  1. Attirer les capitaux étrangers : En offrant une protection stricte de l’identité des déposants et de leurs activités bancaires, le Liban visait à devenir un centre financier attractif pour les capitaux étrangers, notamment ceux des pays arabes voisins et de la diaspora libanaise, en quête de stabilité et de confidentialité.
  2. Stabiliser l’économie : Le secret bancaire était perçu comme un moyen de stabiliser l’économie libanaise en attirant des flux de capitaux constants, ce qui contribuerait au développement des infrastructures, à l’investissement dans des secteurs clés et à la croissance économique générale du pays.
  3. Promouvoir le secteur bancaire : Le Liban voulait renforcer son secteur bancaire et le positionner comme un pilier central de son économie. Le secret bancaire était un atout pour concurrencer d’autres places financières et attirer une clientèle fortunée.

Conséquences

  1. Croissance économique et développement du secteur financier : Dans les années qui ont suivi son adoption, le secret bancaire a contribué à une croissance économique significative au Liban. Beyrouth est devenue un centre financier majeur dans la région, et le secteur bancaire s’est développé rapidement, jouant un rôle crucial dans l’économie nationale.
  2. Augmentation de la confidentialité et des risques : Si le secret bancaire a effectivement protégé la vie privée des clients et attiré des investissements, il a également ouvert la porte à des activités moins louables, comme l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent, et la corruption. La difficulté à tracer l’origine des fonds a parfois facilité des pratiques financières douteuses.
  3. Pression internationale : Avec le temps, le cadre du secret bancaire au Liban a attiré l’attention et la pression des organisations internationales et des gouvernements étrangers, notamment dans le contexte de la lutte mondiale contre le financement du terrorisme, le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale. Cela a forcé le Liban à réviser et à ajuster certaines de ses politiques pour se conformer aux normes internationales.
  4. Crises et réformes : La crise financière qui a frappé le Liban à partir de 2019 a mis en lumière les limites et les vulnérabilités d’un système trop dépendant du secteur bancaire et de la confiance des déposants. La nécessité de réformes structurelles et de transparence s’est imposée comme un impératif pour restaurer la confiance et stabiliser l’économie.

En somme, si l’adoption du secret bancaire a initialement servi les objectifs économiques du Liban en attirant les capitaux et en développant son secteur financier, elle a également entraîné des conséquences complexes, oscillant entre croissance et crise, nécessitant une adaptation constante aux réalités économiques et réglementaires internationales.

Le secret bancaire et les affaires

L’une des plus emblématiques est sans doute l’affaire de la Banque du Liban et de son gouverneur, Riad Salamé. Accusé de détournement de fonds, de blanchiment d’argent, et d’enrichissement illicite, Salamé symbolise à lui seul les failles et les excès d’un système opaque. Malgré les dénégations, les enquêtes internationales, notamment en France, en Suisse et en Allemagne, mettent au jour des réseaux complexes de sociétés écrans et de transactions douteuses, révélant l’ampleur des magouilles financières qui se jouent à l’abri du secret bancaire.

Ainsi, le gouverneur de la Banque du Liban a longtemps utilisé le prétexte du secret bancaire pour éviter tout audit précis des avoirs de la BdL, masquant ainsi les énormes pertes et la position financière exacte de la banque centrale, voire même aujourd’hui, une partie des opérations douteuses personnelles menées avec ses proches.

Ce scandale, parmi d’autres, soulèvent des questions cruciales sur la viabilité et l’éthique du secret bancaire au Liban. Les critiques arguent que, loin de protéger la vie privée et de favoriser l’économie, ce secret facilite la corruption, le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale, mettant en péril la stabilité financière du pays et de la région.

Face à la pression internationale et à la nécessité de réformes, le Liban a fait quelques pas vers une plus grande transparence. En 2016, le pays s’est engagé à adopter les normes de l’OCDE sur l’échange automatique de renseignements fiscaux, marquant un potentiel tournant. Cependant, l’application et l’efficacité de ces mesures restent à prouver.

Newsdesk Libnanews
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