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Bernard Raymond Jabre

Dans le tumulte complexe des relations politiques au Moyen-Orient, émerge une théorie intrigante mais controversée. Cette théorie avance l’idée que la rivalité d’Israël avec le monde arabe sunnite est plus subtile et stratégique que ne le perçoivent la plupart des observateurs. Cette théorie, bien que singulière, mérite d’être examinée avec attention pour comprendre les dynamiques complexes qui animent la région.

Thèse Centrale : Israël, l’Occident, et la Théocratie Chiite en Iran

Selon cette théorie, Israël aurait un adversaire principal : le monde arabe sunnite. L’appui sans faille d’Israël par l’Occident, couplé à une influence supposée sur la politique occidentale via des lobbies financiers, médiatiques, et politiques, constituerait le socle de la thèse. En réaction à cette pression, Israël et l’Occident auraient œuvré en coulisses pour promouvoir la montée d’une théocratie chiite en Iran en 1979, agissant ainsi comme une force de diversion stratégique anti-sunnite arabe.

Stratégie de Déviation et Rapprochement :

La théorie suggère qu’Israël aurait utilisé la montée en puissance de l’Iran comme une tactique pour détourner l’attention du monde arabe sunnite de sa lutte contre Israël vers un nouveau rival, l’Iran. En montrant publiquement son hostilité envers l’Iran, Israël pousserait progressivement le monde arabe sunnite à se rapprocher de lui et faire une paix éventuelle. L’appui occidental militaire et financier à Israël jouerait un rôle crucial dans cette manœuvre.

Contrôle à Distance et Proxies :

Selon la théorie, Israël aurait orchestré la création de groupes tels que le Hamas et le Hezbollah, les contrôlant indirectement via l’Iran. Ces groupes, devenus des proxies de l’Iran, serviraient de prétexte à Israël pour justifier des actions militaires contre Gaza, le Liban, la Syrie et l’Irak dans une perspective d’expansion future du Grand Israël avec justification dues aux provocations faite par les proxies iraniens. Les frappes sur le port de Beyrouth et de Lattaquié, présentées comme des attaques contre des dépôts pro- iraniens, viseraient à éliminer toute concurrence régionale en Méditerranée orientale, laissant Haïfa comme le seul port viable, restant le seul hub stratégique avec le monde arabe. 

La théorie avance que, grâce à cette stratégie sophistiquée, Israël serait parvenu à rapprocher le monde arabe sunnite de ses positions et à susciter un désir de paix. Elle suggère qu’Israël, perçu comme un grand maître de l’échiquier politique, aurait manœuvré habilement sur cet échiquier pendant des décennies, une stratégie qui aurait échappé à la compréhension de nombreux observateurs. Cette théorie soulève des questions profondes sur les dynamiques régionales, mais suscite également un débat intense et soulève des doutes quant à la validité de ses fondements. En fin de compte, l’analyse critique et la recherche de multiples points de vue sont essentielles pour discerner la réalité complexe de la politique au Moyen-Orient.

Analyse Critique :

La théorie présentée soulève des points intéressants mais comporte également des aspects sujets à controverse. L’idée selon laquelle Israël aurait une influence démesurée sur la politique occidentale, bien que souvent évoquée (notamment par le professeur John Mearsheimer-Doyen des Sciences Politiques -Université de Chicago*), est débattue au sein des cercles académiques et politiques. Les liens étroits entre Israël et certains groupes de pression occidentaux ne sont pas toujours synonymes d’un contrôle total de la politique occidentale par Israël.

La notion d’Israël et de l’occident encourageant secrètement et délibérément la montée de la théocratie chiite en Iran comme moyen de détourner l’attention des pays arabes sunnites est également discutable. Les dynamiques complexes des relations internationales, souvent motivées par des intérêts nationaux changeants, rendent difficile la prédiction et la manipulation à long terme des évolutions régionales.

De plus, l’idée que le Hamas et le Hezbollah ont été créés par Israël pour servir de proxiescontrôlés par l’Iran soulève les interrogations suivantes : Au départ, il était certes dans l’intérêt d’Israël de diviser les palestiniens en favorisant un groupe extrémiste contre l’OLP et de ce fait affaiblir la question palestinienne. Par la suite, ce groupe extrémiste du Hamas se retourne contre Israël et est appuyé par l’Iran. Pareil pour le hezbollah qui au départ était armé par les israéliens via Saad Haddad afin que les chiites libanais puissent lutter contre les palestiniens au Liban-Sud. A la suite de l’invasion israélienne du Liban en 1982, le hezbollah s’est retourné contre Israël avec l’appui de l’Iran. Enfin, l’affaire des contras et du scandale de l’Irangate,  des armes envoyés à l’Iran par Israël pour lutter contre l’Irak pourrait amener de l’eau au moulin de cette théorie. L’Iran et ses proxies le hezbollah et le Hamas,  ont émergé dans des contextes complexes et ont des racines profondes dans des réalités sociales, politiques et religieuses complexes, souvent en réaction à des événements régionaux plutôt qu’en réponse à des manipulations externes.

La justification des attaques contre des ports stratégiques comme Beyrouth et Lattaquié au motif de détruire des dépôts du hezbollah ou des iraniens suscite également des doutes. Ces actions pourraient être interprétées comme une réponse à des menaces perçues, mais la présence d’une intention délibérée de monopoliser les ports régionaux nécessiterait des preuves solides, malgré le fait qu’Israël annonça quelques temps après l’explosion du port de Beyrouth son projet de hub à Haïfa avec un train rapide faisant le lien entre Haïfa et Dubaï et traversant l’Arabie. Netanyahu exposant sa stratégie de « Nouvelle Route de la Soie » concurrente à celle des chinois, faisant le lien entre l’Inde et l’Europe via Israël et le port de Haïfa, annulant de fait le rôle du port de Beyrouth.  

Complexité de la Réalité Régionale :

La réalité du Moyen-Orient est complexe, avec des acteurs multiples et des intérêts concurrents. Les alliances et les rivalités évoluent constamment, et les motivations des acteurs ne peuvent souvent pas être réduites à une seule explication. La théorie présentée offre une perspective intrigante mais simplifiée d’une région où les forces géopolitiques, religieuses et culturelles interagissent de manière dynamique.

En fin de compte, la théorie qui avance qu’Israël et les Etats-Unis auraient orchestré une stratégie à long terme pour détourner l’attention du monde arabe sunnite vers l’Iran soulève des questions valables, mais elle doit être abordée avec un esprit critique. La complexité des relations internationales et la diversité des acteurs impliqués rendent toute tentative de simplification excessive sujette à des déformations de la réalité. Une compréhension nuancée des dynamiques régionales est essentielle pour saisir la complexité de la situation au Moyen-Orient, notamment les interactions dynamiques inter- religieuses et inter-islamiques chiites –sunnites, la montée des intégrismes chiites et sunnites et les rivalités de l’islam en général avec le sionisme politique extrémiste particulièrement. 

*Mearsheimer est co-auteur, avec Stephen Walt, d’un livre intitulé “The Israel Lobby and U.S. Foreign Policy” (Le lobby israélien et la politique étrangère américaine), publié en 2007. Dans celivre, les auteurs examinent l’influence du lobby pro-israélien aux États-Unis sur la politiqueétrangère américaine, en particulier en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien. Le livre a suscité un débat considérable et a été critiqué par certains pour ses positions et ses conclusions.

Bernard Raymond Jabre
Bernard Raymond Jabre, Etudes scolaires à Jamhour puis à l’Ecole Gerson à Paris, continua ses études d’économie et de gestion licence et maitrise à Paris -Dauphine où il se spécialise dans le Master « Marchés Financiers Internationaux et Gestion des Risques » de l’Université de Paris - Dauphine 1989. Par la suite , Il se spécialise dans la gestion des risques des dérivés des marchés actions notamment dans les obligations convertibles en actions et le marché des options chez Morgan Stanley Londres 1988 , et à la société de Bourse Fauchier- Magnan - Paris 1989 à 1991, puis il revint au Liban en 1992 pour aider à reconstruire l’affaire familiale la Brasserie Almaza qu’il dirigea 11 ans , puis il fonda en 2003 une société de gestion Aleph Asset Management dont il est actionnaire à 100% analyste et gérant de portefeuille , de trésorerie et de risques financiers internationaux jusqu’à nos jours.

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